- 21 janvier 2015
- petiteglise
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Pourquoi Obama et Zuckerberg s’habillent tous les jours de la même manière ? Pourquoi jouer au poker donne des envies de fast-food ? Réponse : la fatigue de décision. Découvrez le concept qui vous fera prendre de meilleures décisions au poker et dans la vie.
Définition de la fatigue de décision
Notre capacité à prendre des décisions est limitée : plus l’on fait de choix, moins on a envie d’en faire et moins ceux que l’on effectue sont bons. C’est ce que les psychologues nomment la fatigue de décision.
Dans une étude célèbre, des chercheurs ont analysé 1100 demandes de liberté conditionnelle, en Israël. Essayez de deviner quel facteur influençait le plus la décision du juge, d’accepter ou non la remise en liberté. La gravité du délit ? La qualité de l’avocat ? La religion du prisonnier ? Sa fortune
Pas du tout : c’est l’heure à laquelle le dossier était traité. Les demandes jugées tôt le matin avait un taux de réussite d’environ 70%, celles jugées en fin de journée de seulement 10%. Alors qu’elles n’étaient pas triées et leur ordre était donc aléatoire.
L’explication : accorder la liberté, au risque de libérer un individu potentiellement dangereux est une décision bien plus lourde que de la refuser, au risque de laisser enfermer un condamné qui n’aurait plus sa place en prison. En début de journée, quand le juge est en forme, il prend le temps de bien peser le pour et le contre. En fin de journée, fatigué, il préfère prendre la décision par défaut, moins coûteuse en énergie et refuse. A noter que les juges étaient inconscients de ce phénomène.
La fatigue de décision est à distinguer la fatigue physique et aussi de la fatigue intellectuelle. Tout d’abord, comme dit plus haut, elle est généralement inconsciente. Ensuite, c’est bien l’action de choisir qui fatigue. Enfin il y a un lien entre fatigue de décision et baisse de la volonté.
Ces deux derniers points ont été démontrés à travers plusieurs études. Dans l’une d’elles, les chercheurs avaient disposé des dizaines de produits. Le groupe expérimental devait effectuer des choix : préférez-vous ce stylo ou cette bougie ? Cette chemise en bleu ou en noir ? Au groupe témoin, on demandait juste son opinion sur les produits et la fréquence à laquelle il les utilise. Autrement dit, les deux groupes font le même job, à ceci près que le premier effectue des choix. Dans un deuxième temps, il était demandé à tous d’effectuer un test de volonté : laisser sa main dans un bol d’eau glacée le plus longtemps possible. Le groupe qui n’avait pas pris de décision tenait plus de deux fois plus longtemps.
La fatigue de décision est un phénomène bien connu et exploité par les commerciaux. Par exemple, pour l’organisation d’un mariage, on va d’abord vous fatiguer avec un tas de questions futiles "Quelle couleur pour les serviettes ? Quelle police de caractère pour les faire-part ?" , avant de vous poser les questions à gros enjeu financier. Votre “j’en sais rien, vous recommandez quoi ?”, symptomatique de la fatigue de décision, vous coûtera très cher.
Le lien entre fatigue de décision et volonté implique que résister à la tentation nous fatigue de la même manière que faire des choix. Refuser un dessert alors que vous êtes au régime, par exemple, use votre capacité de décision. Réciproquement, on a plus de chances de se laisser tenter quand on souffre de fatigue de décision. Si après une grosse session vous avez envie de fast food et/ou d’alcool, vous avez maintenant une explication (et du coup, une excuse).
Lutter contre la fatigue de décision
Le poker étant un jeu de prise de décision, tout joueur devait s’intéresser à comment limiter la fatigue de décision. Pour résumer le premier paragraphe, le problème de prendre des décisions réfléchies et que l’on se fatigue vite et que l’on prend ensuite de mauvaises décisions. Quelles sont les alternatives possibles ?
La première, très commune, est de faire appel à des raccourcis décisionnels, comme par exemple, “si c’est cher, ça doit être de qualité”, ou “si c’est populaire, ça doit être bon”. Fonctionner en heuristique est un peu comme jouer ABC : c’est efficace dans la plupart des situations, ça demande un effort minimum, mais vous êtes facilement exploitables. Et vous pouvez être sûr que tout bon publicitaire, vendeur ou commercial sait profiter de ces raccourcis.
La deuxième idée pour lutter contre la fatigue de décision est de limiter nos choix, en se créant une routine. On effectue une fois le choix rationnel, qu’on répète ensuite à chaque fois.
Mark Zuckerberg s’habille tout le temps de la même manière : basket, blue jeans, T-Shirt gris (et sweat à capuche en hiver). Comme il le dit lui-même : “Je veux faire en sorte d’avoir le moins de décisions possible à prendre sur tout ce qui ne concerne pas la communauté j’aurais l’impression de ne pas bien faire mon travail si je dépensais mon énergie sur des choses superflues et frivoles.”
Son de cloche similaire chez Barack Obama : ”Je ne porte que des costumes bleus ou gris, j’essaie de réduire au minimum le nombre de décisions à prendre. Je ne veux pas en prendre en rapport avec ce que je porte ou ce que je mange, parce que j’en ai trop à prendre par ailleurs. Vous devez mettre en place une routine, vous ne devez pas être distrait par des choses triviales pendant votre journée."
Outre les vêtements, chacun est libre de définir ce qui doit devenir routinier. Pour les courses par exemple, il y a peu de choses plus usantes que de se retrouver en face de 50 variantes d’un même produit, en sachant que réfléchir, c’est se fatiguer pour 2 balles et ne pas réfléchir, c’est se faire abuser par des tricks commerciaux. Mieux vaut donc faire le choix une fois pour toutes et s’y tenir.
Enfin, le meilleur antidote à la fatigue de décision, c’est de savoir la reconnaître et de ne pas prendre de décision quand on est fatigué. Faire une session de poker après une journée de taf c’est prendre le risque de ne pas jouer son A-game. Faire des achats après une session, c’est prendre le risque de ne plus avoir d’énergie et donc de se faire pigeonner.