Comment transformer votre enfant (ou n’importe qui) en champion de poker ?

Comment transformer votre enfant (ou n’importe qui) en champion de poker ?

Peut-on rendre quelqu’un suffisamment passionné par le poker, ou un autre domaine, pour qu’il ait la motivation nécessaire à y consacrer la majeure partie de son temps ?


Imaginons que vous vouliez que votre enfant devienne une star du poker. Au delà d’un éventuel talent inné, il lui faudra pratiquer énormément et quotidiennement. Un joueur doué mais feignant se fera inéluctablement rattraper, puis dépasser, par un joueur moins talentueux mais qui étudie bien et beaucoup, en tous cas s’il commence suffisamment jeune. Tenir un entraînement intensif, coûteux en temps, énergie voire en argent, demande des qualités comme la persévérance, l’abnégation mais à la base se trouve toujours un amour du jeu. La question devient : comment rendre votre enfant passionné par le poker ?

Deux types de facteurs influent sur l’amour du jeu : ceux personnels et ceux culturels.


Les facteurs personnels

Faites plusieurs enfants, misez tout sur le dernier

Dans biens des domaines, il semble qu’être le cadet confère un avantage. Les aînés agissent comme des modèles, comme des coachs, et plus généralement comme des lièvres de courses à rattraper. Voici un exemple, pas vraiment scientifique mais tout de même représentatif, des 10 derniers recordmen du 100m.

Usain Bolt : 2ème enfant sur 3
Asafa Powell : 6ème sur 6
Justin Gatlin : 4ème sur 4
Maurice Greene : 4ème sur 4
Donovan Bailey : 3ème sur 3
Leroy Burrell : 4ème sur 5
Carl Lewis : 3ème sur 4
Leroy Burell : 4ème sur 5
Carl Lewis : 3ème sur 4
Calvin Smith : 6ème sur 8
(Lewis et Burell apparaissent deux fois car ils sont devenus deux fois le nouveau recordman)

L’échantillon est trop faible pour être rigoureux mais le pattern est clair : en moyenne ces champions sont le 4ème enfant sur des familles de 4.6 enfants et aucun n’est l'aîné Ce pattern se retrouve dans d’autres domaines.

Obtenez de lui un engagement à long terme

Le professeur Gary McPherson a réalisé une intéressante étude sur des jeunes enfants étudiants la musique. Avant leur tout premier cours il leur était demandé combien de temps ils pensaient qu’ils joueraient de leur instrument. Les réponses étaient ensuite divisés en trois catégories : engagement à court terme, moyen terme et long terme. Après plusieurs mois, le chercheur a évalué la quantité d’entraînement hebdomadaire, faible = environ 20min, moyenne = environ 45min, forte = environ 90min ainsi que le niveau des musiciens. Voici les résultats :

Ceux qui s’étaient engagés à jouer longtemps mais n'étudiaient que 20min étaient meilleurs que ceux qui ne pensaient pas jouer longtemps et bossaient 1h30. Ceux qui s’étaient engagés à long terme et pratiquaient beaucoup explosaient tous les autres.

Comment expliquer cet engagement, qu’un enfant qui n’a jamais joué d’un instrument puisse dire qu’il en jouera longtemps ? Le QI ? Non. L’oreille musicale ? Non. En fait c’était une question d’identité, si l’enfant se voyait comme un musicien. Les enfants qui se disaient “je suis musicien” se donnaient à fond dans leur pratique et en 20min, apprenaient plus que les autres en 1h30. Donc si votre enfant se voit comme un joueur de poker, une grande partie du pari sera déjà gagnée.

Donnez lui un prénom lié au poker

Pour accentuer cette identité de joueur de poker, il est possible d’utiliser des messages plus ou moins conscients. Aux USA, les prénoms Lawrence et dérivés (Laura, etc.) sont sur-représentés chez les avocats (Lawyers) comme le sont les prénoms Dennis et dérivés (Denise, etc.) chez les dentistes (Dentists). On peut aussi se demander si les 3 Ronaldo ballons d’or (le vrai nom de Ronaldinho est Ronaldo) est une simple coïncidence ou si le premier a, ne serait-ce qu’un peu, montré la voie à ses deux homonymes. Un prénom peut avoir une influence (certes minime, mais réelle) sur le choix d’une carrière, mettez les chances de votre côté.

Privilégiez un premier coach vieux, patient et sympa, pas forcément un excellent joueur

Des chercheurs ont étudiés les témoignages de nombreuses stars du sport et de l'art sur leur premier entraîneur. Le pattern qui en ressortait était celui d’un coach pas forcément excellent ou ultra diplômé, mais ayant un bon contact avec les enfants, souriant, agréable. Il semble plus important que l’enfant soit heureux d’aller voir son entraîneur plutôt que celui-ci soit un génie. Autre remarque, les meilleurs coachs étaient souvent assez vieux, ce qui peut s’expliquer simplement par le fait que les coachs sont souvent des joueurs à la retraite, et il faut rajouter à cela des années d’expériences nécessaires pour devenir un bon coach.

Mourrez tant que votre enfant est jeune

Dans les années 70, Martin Eisenstadt a étudié l’histoire parentale de tous ceux suffisamment célèbre pour avoir une demi-page dans la fameuse Encyclopaedia Britannica. On retrouvait des génies de tous les domaines : sports, arts, sciences, guerre, etc. La mort de leur premier parent arrivait en moyenne à 13,9 ans contre 19,6 pour un groupe contrôle. La raison psychologique semble claire : la mort du parent envoie comme message “la vie est fragile, donne-toi à fond tant qu’il est temps”.

Au poker, on peut signaler que le père du génialissime Stu Ungar est mort quand Le Kid avait 12 ans. Suite a ce décès, Stu fréquenta quotidiennement les cercles de jeu (clandestins) new-yorkais...

Dans un domaine proche, les pères des deux meilleurs joueurs d’échecs de tous les temps, Bobby Fischer et Garry Kasparov, sont morts quand ils avaient respectivement 9 et 7 ans.

Si ça vous dérange de mourir pour la réussite de votre enfant, vous pouvez essayer de convaincre votre femme, ou mari, de se tuer…

Avoir de la chance

Elle ne se contrôle, a priori, pas, mais son influence est déterminante pour tous les champions. Au poker, un talent qui run bad durant ses 6 premiers mois et ça arrive, surtout au début quand le volume de mains est faible, sera dégoûté et arrêtera sûrement. Et cela sans parler des éventuelles maladies, bonnes ou mauvaises rencontres et autres facteurs imprévisibles.

Inculquez-lui la mentalité process-oriented et non result-oriented.

C’est sûrement le plus important des facteurs personnels et il sera notre dernier : faites en sorte que votre enfant aime travailler, veuille progresser et ne soit pas rivé sur ses résultats. Au poker comme dans tous les domaines, il est nuisible de se concentrer plus sur les résultats que sur l’apprentissage. C’est le cas l’écolier qui triche pour avoir une bonne note plutôt que de se tromper et d’apprendre de ses erreurs. Ou le sportif qui préfère affronter moins fort que lui pour gagner plutôt que de progresser grâce à meilleur que lui. A l’opposé se trouvent ceux dont la principale motivation est de progresser : face à un exercice trop facile, ils ne se vantent pas mais sont déçus de ne rien apprendre ; face à un exercice difficile, ils ne se sentent pas con mais sont ravis de s’améliorer.


Les facteurs culturels

Déménagez aux States

Le nombre de champions dépend de la popularité du sport ou du jeu dans le pays. Les échecs ont été soviétiques, le go est chinois, et le poker est aussi américain que l’est le baseball. Ca ne devrait surprendre personne qu’un gamin a plus de chances de devenir fort au poker s’il grandit à Vegas que dans la savane africaine, aussi je ne vais pas plus développer ce point.

Cherchez la proximité des champions

Certaines fabriques à stars ne paient pas de mine. On peut citer le club de foot de la cité des Ulis qui a formé Henry, Evra et Martial ou le club de tennis du Spartak Moscou d’où sont sortis Safin (n°1 ATP) Safina (n°1) Myskina (n°2) Kournikova (n°8) Kafelnikov (n°1) Dementieva (n°3). Il y a diverses explications : simple effet statistique, bonnes méthodes d’entraînement, etc.

Mais un facteur à ne pas négliger est l’effet “s’il y arrive, pourquoi pas moi ?”. Thierry Henry peut être un modèle pour tous les jeunes footballeurs au monde. Il est évident que l’influence sera plus prononcée sur un jeune des Ulis a qui on dit “Titi a grandi dans cette tour, s’est entraîné sur ce terrain” que pour un Brésilien ou Allemand.

A l’échelle nationale, gagner un évènement comme une coupe du monde de foot entraîne une forte hausse des licences dans le pays, d’où il ressortira plus tard des nouveaux champions.

Au poker, et c’est quelque peu triste à dire, Patrick Bruel et son bracelet a grandement popularisé le poker.

Les graines de champion ont besoin d’idoles et plus la similarité avec leur idole sera grande, plus forte sera leur influence.

Devenez politicien

En tant que joueurs français on le sait tous, les politiques ont de l’influence sur nous. Ils peuvent faire naître des carrières de joueurs ou mettre fin à ce métier. Comme on est jamais mieux servi que par soi-même, je ne peux que vous recommander de vous engager et améliorer la conjecture par vous-même.

Cette liste de facteurs pouvant influer sur le destin de joueur de poker d'un enfant n'est pas exhaustive, mais elle montre bien que le niveau de jeu est pluri-factoriel, ne dépend pas d'une simple équation type niveau = génétique + nombre d'heures de pratique. Certains de ces facteurs sont assez évidents, d'autres beaucoup plus surprenants.

Tiger Woods au golf, les soeurs Williams au tennis, les soeurs Polgar aux échecs ou encore Rafael Nadal au tennis sont des exemples d'enfants programmés pour la gagne qui ont réussi (là où bien d'autres, plus nombreux ont échoué). Le poker est un jeu de plus en plus complexe. Beaucoup de champions ont commencé au mieux à l'adolescence. Je prends le pari que les futurs grands auront joué leurs premières mains dans l'enfance et qu'il sera bientôt impossible d'atteindre le top en apprenant les règles à l'âge adulte.

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