The peak-end rule : au poker aussi, il faut toujours prendre l’happy end

The peak-end rule : au poker aussi, il faut toujours prendre l’happy end

The peak-end rule (la règle pic-fin) est un biais psychologique qui affecte notre mémoire et la représentations des expériences passées. Nous allons voir comment les joueurs le subissent et pourquoi il faut le comprendre afin de ne pas en être victime.


The peak-end rule

On doit la p-e rule à Daniel Kahneman, psychologue récompensé par un prix Nobel d’Economie. Kahneman souhaitait étudier la mémoire des évènements douloureux afin d’améliorer les opérations médicales. C’est ainsi qu’il se retrouva à passer ses journées dans un service de coloscopie. La procédure consistait à demander chaque minute au patient d’évaluer sa douleur sur une échelle de 1 à 10, puis, une fois l’opération terminé, de donner une note globale. Voici le genre de graphs obtenus par Kahneman.

A la question, lequel des deux patients a détesté le plus l’opération, presque tout le monde aura envie de répondre “évidemment, le patient B”.
Une méthode instinctive pour déterminer la douleur globale est de regarder l’aire sous la courbe, ici en rayé (ce qui correspond à l’intégrale de la douleur en fonction du temps).
Le patient B, qui a subi une opération trois fois plus longue que le A (24 min contre 8 min) a de loin une plus grosse aire sous la courbe.
En réalité, le patient B a évalué son opération comme deux fois moins douloureuse que le patient A…

Kahneman a découvert deux points contre intuitifs :

  • La durée n’a aucun impact sur l’évaluation globale.
  • L’évaluation globale correspond à la moyenne du pic (moment le plus douloureux) et de la dernière note, d’où le nom de peak-end rule.

On comprend pourquoi le patient A, dont l’opération s’est terminée sur une douleur de 7/10, a plus mal vécu sa procédure que le B qui a fini a un petit 1/10. La p-e rule donne une note de 7.5 pour A et de 4.5 pour B. Ainsi, même si B a plus souffert, il a bien une meilleure perception a posteriori de l’opération.

La p-e rule s’explique par le fonctionnement de la mémoire.
Quand on pense à un événement qui vient de se terminer, on n’arrive pas à se remémorer l’ensemble de tous les instants qui le composent. En revanche il existe deux biais de la mémoire : l’un vers le moment présent (et donc la fin) et l’un vers l’événement le plus marquant (et donc le pic).

Depuis Kahneman, on a découvert que la peak-end rule s’appliquait aussi au plaisir et de manière générale à la perception de la plupart de nos expériences.
La p-e rule explique en vrac, pourquoi :

  • Le dernier épisode d’une série est le plus important et peut gâcher ou transcender une bonne série, idem pour les dernières minutes d’un film.
  • Dans une relation, le moment présent teinte le passé, ainsi une simple engueulade avec votre copine peut vous donner l’impression que ces trois années avec elle n’étaient pas si bien que ça.
  • Si votre équipe de foot préférée score 1-1, vous serez plutôt content si elle a égalisé et plutôt déçu si elle s’est faite égalisée, surtout dans les dernières minutes.

En bref, la p-e rule donne raison au conseil populaire “garder le meilleur pour la fin”.


The peak-end rule au poker

La p-e rule a de nombreuses applications au poker

Le plaisir de la session

3 joueurs A B et C disputent chacun une session et les trois finissent à + 5 blindes
Le joueur A gagne et perd des petits coups (moins de 15 blindes)
Le joueur B gagne pas mal de petits coups mais en perd deux assez gros (un à -40 et un à-50 blindes) dont un juste à la fin de la session.
Le joueur C perd pas mal de petits coups, mais en gagne un très gros (100 blindes) juste à la fin.
Même si les trois joueurs finissent à +5 blindes, en accord avec la p-e rule, le joueur A aura un sentiment neutre, le joueur B un sentiment négatif et le joueur C un sentiment très positif.


L’évaluation de la chance

La p-e rule s’applique également à l’évaluation de la chance. Par exemple, un joueur de casino pourra se sentir globalement chanceux s’il vient de gagner un coup à la roulette et qu’il se rappelle en plus d’avoir remporté très gros un soir. Oubliant que, sur la durée, il est perdant.


L’évaluation du niveau

Contrairement aux jeux de hasard pur, il y a assez peu de joueurs addicts au poker. La raison est simple : il est plus facile de se leurrer quand on a que le rake à battre, plutôt que lorsqu’on se fait déchirer par ses adversaires en plus du rake. Cependant les joueurs de poker addicts existent et pour beaucoup d’entre eux, ils ont connu un gros gain, leur donnant un pic de référence. Ils se remettent parfois en question après une série de pertes, mais dès qu’ils passent une soirée gagnante, ils évaluent leur niveau en fonction de la p-e rule et se considèrent bien plus forts qu’ils ne le sont.
Au delà de cet exemple extrême, deux joueurs de MTT qui sont break-even après 500 tournois ne s’évalueront pas de la même manière si l’un vient de faire 4 ITM de suite tandis que l’autre n’a rien gagné dans ses 10 derniers tournois, alors qu’il ne peut s’agir que de la variance.


L’image d’un joueur

Surtout quand on joue sans tracker, on définit souvent l’image d’un joueur selon la p-e rule. Ainsi un énorme bluff montré (pic) va poursuivre son auteur durant toute la session. Et quand un joueur vient de 4-bet light, même si c’est la première fois de la session, il sait que ça joue beaucoup sur son image à court terme. Si la main d’après il a un autre spot de 4-bet, tout le monde aura tendance à se level car les dernières mains comptent plus que les autres en terme d’image.

 

 

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