Les DoN (double or nothing) au poker : Le guide complet pour les battre

Les DoN (double or nothing) au poker : Le guide complet pour les battre

Découvrez le guide complet pour battre les double or nothing (DoN) au poker. Il s'agit probablement d'une des variantes avec le moins de variance, et idéal pour se construire une bankroll quand on repart de zéro. Vous êtes allergique aux mathématiques ? Alors passez votre chemin..


Attention, certains passages de cet article peuvent choquer la sensibilité des âmes les plus réfractaires aux mathématiques. Déconseillé donc aux enfants de moins de 8 ans, aux femmes enceintes, etc =)


Les DoN : Généralités et particularités

Les DoN (Double or Nothing, ou Quitte ou Double en Français), ce sont des SnG où le prizepool est partagé de manière égale entre tous les joueurs qui arrivent ITM (places payées).
Dans la suite de l'article j'utiliserai en exemple uniquement des DoN 6max avec donc, 3 places payées.
Il existe bien évidemment des DoN fullring à 10 joueurs (5 places payées) et, il me semble, sur certaines rooms obscures, des DoN à 8 joueurs.

Ce format existe bien sur en vitesse standard, turbo et meme en mode ultra turbo (avec un stack de départ à 500 chips) sur certaines rooms.

Intérêts des DoN :
- De part le fait de la structure de paiement sans paliers, le DoN est probablement le format de SnG ou la variance est la plus faible.
- Assez adapté aux débutants car peu de jeu postflop (ranges très tight en early game et push/fold en late game)

Inconvénients :
- Format ennuyant pour beaucoup de joueurs, pas forcément tres fun à jouer au bout d'un moment.
- Pas de gros gains possible (je veux dire c'est pas un expresso ou un MTT dans lequel on peut ship 10 000€ si on chatte).
- L'edge possible reste assez faible

Du fait de la structure de paiement, l'important dans ce type de SnG, c'est la survie. Arriver 3eme avec un stack de 50 chips va rapporter autant que finir 1er avec un huge stack.
Cela implique que le concept d'ICM va etre accru à son maximum.
On détaillera plus tard, mais en gros, l'ICM est une traduction mathématique du fait que les jetons gagnés valent moins en équité que les jetons perdus.
Et ce phénomène s'amplifie d'autant plus qu'on approche la bulle.
Survivre, ca veut dire quoi en terme de stratégie globale ?
Fold, fold, fold, fold, fold...
Fold !
Si si, fold !

Plus sérieusement, il y a plusieurs phases avec des stratégies associées.
On peut distinguer 3 phases bien différentes : l'early, le middle, et le late game.


1. Early game

  • Les blindes ne représentent pas grand chose par rapport aux stacks.
  • On est deep, une seule chose nous intéresse, prendre le stack complet d'un adversaire et perdre le notre le moins souvent possible, sasn prendre de risques donc.
  • Pour ca, une seule chose à faire, investir le moins possible avec des mains à potentiel, ou le plus possible avec des monstres.
  • En gros, on setmine, on peut jouer des Axs si les odds sont biens, etc...
  • Et on raise gros avec KK+
  • Tout le reste, fold, fold, fold.
  • Si des mauvais joueurs sont présents à la table, ils vont jouer trop de mains et s'éliminer entre eux, ce qui est bon pour nous.


2. Middle game

  • Les blindes commencent à faire mal si on fold trop.
  • On a plus assez d'implied odds pour faire du bon setmining.
  • Pas le choix, il faut voler les blindes assez régulièrement pour maintenir son stack (voire même le monter un peu ;p).
  • Ca veut dire ouvrir sa range d'open en late position, prendre les bons spots de resteal light, ...


3. Late game

  • Stage du push/fold, grosso modo en dessous de 10bb deep (seuil très discutable, cf. plus tard).
  • A ce moment la, on va push assez light, mais on va continuer a call tight.
  • Pourquoi ? Quand on call, on risque de bust, tout simplement. Et on veut pas ca. Meme si on est favori face à la range de vilain, à cause de l'ICM, il faut souvent fold.

 

DoN : Rake, ROI, ITM et variance

Dans un monde utopique (lire "sans rake"), il suffirait d'etre ITM une fois sur 2 pour être break-even.
Dans la vraie vie, les choses sont légèrement différentes.

Prenons un rake faible de 5% par exemple :
don double or nothing poker
On doit donc dejà avoir un ITM% de 52.63% pour break-even.

Maintenant prenons un rake de 10% en exemple.
don double or nothing poker
On doit donc avoir un ITM% de 55.55% pour break-even. Une grosse différence.

Pour info:
- Go_Barca, un des top reg Wina sur ce format (sur des BI 20€ à 50€ avec un rake de 6%) a actuellement un ROI de 1.6% sur 1400 games (reset des stats sharkscope récent).
- kevfourn, sur les micro stakes (environ 1€), un des top reg sur Wina, a un ROI d'environ 5.8% sur 11 000 games en 2014.

Tout ca pour expliquer qu'on peut pas avoir un ROI de ouf comme en MTT par exemple, ou même probablement en SnG classiques. La clé des DoN c'est le volume.
Et donc même sur les micros, il ne faut pas s'attendre à tenir 10% sur du long terme, encore moins sur les sites ayant un rake de 10% (qui semblent limite imbattable hors rakeback du coup).
Attention donc à ne pas se sentir invincible (et misplay) dès qu'on run good sur une petite série.

J'ai écrit plus tôt que la variance est faible dans ce format de jeu.
Il faut être lucide, ça reste du poker, et la variante reste très très présente (que ce soit le fish qui suckout, être card dead pendant tout le SnG...).

Au final, en jouant avec pokerdope.com/tournament-variance-calculator/ on se rend compte que :
- On peut etre perdant sur 20 000 parties, avec un ROI de 2% !
- En jouant 500 parties, on est à 95% sûr de connaitre son ROI... à + ou - 10% près ! (70% sûr à -5%/+5%)
- Pour ne "jamais" connaitre de run de 1000 parties break-even ou pire, il faut un ROI > 10%

Voila pour aider à relativiser un peu le "faible variance", ca calme non ?
Evidemment c'est les cas extremes de bad run.
Et donc ca peut aussi etre l'inverse pour les chattards ^^

Une simulation sur 1000 DoN, pour un joueur avec un ROI de 3% :

don poker

 

DoN : L'ICM, un concept obligatoire

Bon, trève de blabla, commençons à parler technique.
L'ICM (Independant Chip Modeling), ca sert à évaluer notre équité du tournoi à un moment donné, en fonction des stacks de chacun et bien sur du prizepool.

Je vais pas rentrer dans les détails des calculs, c'est pas très compliqué mais ca sert à rien de connaitre les détails vu qu'il y a des calculateurs gratuits online et offline pour ce genre de choses.

Quelques exemples de base (toujours sur des DoN 6max, 1500 chips de départ).
En utilisant : www.icmpoker.com/icmcalculator/
Indice : en utilisant un structure de payout 100/100/100 (au lieu des % réels de distribution du prizepool 33.3/33.3/33.3) on ne change pas les résultats et on obtient l'équité directement en % en sortie, ce qui est bien pratique.

1. Début du DoN, évidemment tout le monde se retrouve à 50% d'équité dans le tournoi, puisque tout le monde a 1500 jetons.

2. Imaginons qu'on a eu la chance d'avoir AA > KK en BvB preflop en early game et qu'on a doublé.
On se retrouve à 3000 chips et les autres joueurs restent à 1500.
Notre équité passe à 80% et celle des autres joueurs est passée de 50% à 55%.
Et oui, malgré le fait que nous ayons gagné tous les jetons du joueur qui a bust, son équité à été redistribuée entre tous les joueurs et les joueurs n'ayant pas participé en profitent aussi, et ce, sans avoir pris aucun risque.
Cela est bien évidemment lié au fait que tout le monde se retrouve plus proche de l'ITM maintenant qu'un joueur a bust.
Et cela explique bien l'importance de rester en vie et de ne pas s'envoyer en l'air pour rien.
Cela montre aussi l'interet de jouer avec des fish qui jouent 50/10 et ne savent pas lacher une 2nd paire.

3. Maintenant, à la bulle, avec 2 gros stack, et 2 short : 5000/3000/500/500
Les équités dans le tournoi sont respectivement : 98.9%, 96.6%, 52.2%, 52.2%
Les gros stacks sont quasiment assurés de gagner (et la différence d'équité entre le chip leader a 5000 et l'autre stack de 3000 est vraiment minime, pourtant 2000 chips les séparent), alors que le tournoi va se jouer maintenant uniquement pour les shortstack qui veulent chacun voir l'autre bust.
Ca montre bien qu'à ce genre de moment dans le tournoi, il va etre inutile de se chercher entre gros stack.
Aucune main n'ayant plus de 96% d'équité preflop, si le chip leader shove, l'autre gros stack ne devrait jamais call, meme avec AA !
Ca revient toujours aux petits stack pour prendre les risques.

Voila un petit calcul sur une étude de cas pour finir d'illustrer le concept d'ICM et surtout montrer comment calculer les choses en fonction de l'ICM.

Imaginons que nous soyons en début de DoN, et il y a un fish maniaque dont on sait qu'il shove 30% de ses mains (cas extreme à nouveau, mais c'est intéressant pour se rendre compte de certaines choses).
On est en BB, sur level 10/20
On va devoir call 1480 pour gagner 1510

En CG c'est simple, on a plus de 50% d'équité, bah on call (un peu plus de 50% en réalité en prenant en compte le rake) .
Ici, le choix est beaucoup moins simple.

Il faut regarder notre ICM si on décide de fold.
Puis notre ICM si on décide de call et qu'on gagne.
Enfin notre ICM si on décide de call et qu'on perds.
Mixer tout ca, et trouver notre équité nécessaire.

Notre équité si on perd, ca c'est facile, c'est 0 (attention, s'il nous reste des chips après avoir perdu, ca serait différent, et ca peut changer pas mal de choses).
Pour les 2 autres situations, le calculateur nous donne :
fold => 1480 jetons => 49.5%
on call et on gagne => 3010 jetons => 80.12%

Soit X l'équité de notre main vs. la range de vilain, il nous faut :

Notre main doit avoir 62% d'équité pour call un mongol en early game :o
Ca veut dire quoi en pratique ?
On doit fold 99, on doit fold AQo !

Imaginez donc contre une range moins loose...

D'une facon similaire on peut utiliser l'ICM pour savoir si un shove est EV+ lorsque nous connaissons plus ou moins les ranges de call des vilains.
Si ca vous interesse, essayez de faire des calculs et si vous avez des soucis, n'hésitez pas à poster ici, j'essairai de vous répondre sur le thread.
On verra aussi des exemples dans les prochains chapitres.

Note:
Et on peut bien évidemment utiliser ce concept d'ICM postflop de la meme facon, dans de multiples cas de figure.
Le problème postflop restera le même que dans toutes les variantes de poker : l'évaluation de la range de vilain.
Mais ca sort largement du cadre de cet article.

Note bis:
Je tiens aussi à attirer votre attention sur le fait que l'ICM n'est pas évangile et qu'il a malgré tout quelques limites.
Notamment vis à vis de la dynamique du jeu, il ne se rend pas compte des blindes qui arrivent ou qui augmentent, et qui vont attaquer fortement notre équité de tournoi ainsi que changer nos ranges.
Il peut donc être correct de prendre un shove EV- en terme d'ICM quand on est UTG, car au tour suivant notre ICM ne sera plus vraiment la même.

 

Nash ou Les erreurs des uns ne font pas forcément l'EV de Hero

Lorsque le jeu arrive à la phase de push/fold, il est très facile de calculer l'équilibre de Nash.
Enfin, avec des logiciels, car à la main bon...
Par exemple : www.holdemresources.net/h/web-calculators/nashicm.html

Un petit exemple, en rentrant une situation du genre : 4 joueurs à la bulle, tout le monde a 5bb


Et les ranges de call sont en gros TT+ pour tout le monde.

Ca veut dire quoi ?
Tout simplement que personne n'a intérêt de call sauf avec une très très bonne main.
Et que donc il est EV+++ de shove tout et n'importe quoi, dans ce cas.

Même 10bb deep : www.holdemresources.net/h/web-calculator...s8=&s9=&s10=
On obtient 82% de shove pour CO et 100% de shove pour les autres positions.

Et la vous allez me dire, ah OK c'est trop facile les DoN en fait, on attends d'etre 10bb deep et on shove tout le temps.
Et je vais vous répondre, oui mais uniquement dans un monde où tout le monde joue parfaitement.

Mais pourquoi? Si vilain fait une erreur on devrait être encore plus EV+, non?
Eh bien non.
Si vilain fait une erreur, il sera EV-, ça, aucun doute.
Par contre, il va réussir, de part son erreur, à rendre notre shove EV- ! (bastard!)
Et toute l'EV perdue chez nous et vilain va être redistribuée aux joueurs qui n'ont pas joué la main.

Et c'est bien là que la phase de push/fold devient tricky.
Regardons un exemple pour mieux comprendre :

Mettons SB vs BB pour simplifier, 10bb deep, à la bulle.
Nash nous dit, SB doit shove 100% de sa range, et BB doit call TT+
Maintenant, prenons un vilain, un peu fishy, qui va nous payer bien plus light : 22+,Ax (range de 20.36% - arrondi à 20% dans la suite pour simplifier les calculs)

Calculons maintenant notre shove optimal, face à cette nouvelle range de call.

Pour cela, il nous faut :
- notre ICM si on fold (73.15)
- notre ICM si vilain fold (78.44)
- notre ICM si on est call et qu'on gagne (100)
- notre ICM si on est call et qu'on perd (0)

Il faut calculer EV(shove) > EV(fold)

Soit X notre proba de gagner contre la range de call de vilain, on a :

On doit donc avoir plus de 52% d'équité contre sa range de call pour pouvoir shove ici, contre ce vilain qui comprends pas qu'il devrait pas call light.
Et ca, ca veut dire une range :
66+, ATs+, AJo+
Une range de 8% seulement !
Alors que Nash nous donne 100% de shove optimal, une belle différence.

On comprends bien ici pourquoi les résultats Nash sont à prendre avec des pincettes et ne s'appliquent pas vraiment aux vilains qu'on rencontre en vrai, surtout en micro stakes.
 


DoN : Différences de ranges, de commitment, par rapport à d'autres formats

Un petit chapitre pour finir, juste pour montrer qu'on se commit beaucoup moins facilement en DoN (qu'en CG par exemple).

Prenons la situation suivante : SB vs BB, à la bulle, 7bb deep pour tout le monde.
Hero est en SB et minraise (donc, plus de 28% de son stack est investi)
BB reshove, donnons lui une range de 20% comme précedemment: 22+,Ax

A nouveau, il nous faut :
- notre ICM si on fold (62.97)
- notre ICM si on call et qu'on gagne (100)
- notre ICM si on call et qu'on perd (0)

Soit X l'équité de notre main nécessaire, on a :

On ne doit call qu'avec TT+,AKs ici, alors qu'on a quand même investi 2/7eme de notre stack !

On se retrouve un peu dans une situation inversée où les stacks seraient divisés par 2 et que la BB serait en SB et ferait un open shove et qu'on pourrait presque jamais call profitablement.

Ca implique tout un tas de choses, comme le fait qu'on peut raise/fold même lorsqu'on est short si le vilain en face va fold assez, sans nous reshove trop souvent.
Cela montre aussi que face a un reg qui minraise souvent, on peut reshove assez wide et il peut rien faire si ses ranges sont mal équilibrées (exploitables).

 

 

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