- 25 septembre 2014
- bigbox
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«Notre maison brûle et vous regardez ailleurs », cette reprise résume bien l’esprit actuel du président de l’ARJEL et son bilan désastreux ne doit pas nous faire oublier la nécessité d’agir pour porter les réformes nécessaires du poker. L’alternative ? Assister passivement à sa chute.
Quelles sont les missions principales de l’ARJEL ?
L’éditorial du président de l’ARJEL, Mr Charles Coppolani, lors de son dernier rapport développe bien les objectifs clés de l’organisation: « J’ai choisi d’orienter mon action autour des missions fixées par la loi du 12 mai 2010 qui a ouvert à la concurrence les jeux d’argent et de hasard en ligne et qui a créé dans le même temps l’Autorité de régulation des jeux en ligne:
- assurer la protection du joueur : notre vigilance doit être sans faille car les risques sont avérés
- offrir aux opérateurs agréés, dans un contexte économique difficile, des conditions optimales d’exercice de leur activité
- lutter contre l’offre illégale, parce que cette mission sert les deux objectifs précédents »
Au niveau du poker, le bilan de l’ARJEL après 4 ans d’existence est catastrophique et pose des questions de fond sur la crédibilité de l’organisme.
La protection du joueur n’est pas assurée
Alors que l’ARJEL s’attarde à juste titre sur le problème sérieux de l’addiction et du jeu pathologique, elle a mis de côté les litiges que les joueurs peuvent rencontrer au quotidien avec les opérateurs. Déjà à la suite du Black Friday en avril 2011, la crédibilité de l’ARJEL a été mise à mal. Les joueurs ayant leur bankroll sur Full Tilt Poker avaient attendu plus d'un an et demi pour être remboursés et on est en droit de supposer que cela vient d’avantage de la reprise par PokerStars que de l’activisme de l’ARJEL. Aujourd'hui, il suffit d’observer sur le thread des problèmes de cash-out d’Europoker et le silence de l’ARJEL relayé par les membres pour comprendre qu’à chaque crise grave au sein d’un opérateur, l’ARJEL est aux abonnés absents.
Dès 2011 pourtant, le sénateur Trucy, bien conseillé par les coachs Pragmos et Personne ainsi que par Skip, président de l’Association des joueurs en ligne, avait insisté au Sénat sur l’importance du rôle de médiateur dans la résolution des conflits entre joueurs et opérateurs mais depuis l'inaction règne en maître et les joueurs en sont les premières victimes. Le contraste entre le satisfecit affiché par l'ARJEL et l'image de l'organisme auprès des joueurs est à ce titre assez saisissant et symptomatique.
Comment ne pas penser également à tous ses joueurs pros et semi pros qui ont fui la France pour échapper à l’administration fiscale alors même que le poker est considéré comme un jeu de hasard et que les gains liés aux jeux de hasard sont non imposables. La problématique est en réalité plus complexe mais l’ARJEL, si attaché à la protection du joueur se doit de clarifier sa position sur ce sujet au lieu de s’illustrer par son silence.
La crise du poker (est) continue
Contraction de 13% du Produit Brut des Jeux en 2013, chute de 17% de l’activité cash-game entre le 2eme trimestre de 2014 et celui de 2013, baisse du nombre de joueurs actifs de 9% en 2013. Les rapports trimestriels et annuels s’accumulent avec une même tendance baissière et contrastent avec l’optimisme de façade de Mr Coppolani. Il est possible de se réfugier devant la fin de l’effet de mode comme l’a fait ce dernier lors de sa première apparition médiatique dans les colonnes du journal les Echos mais c’est occulter les problèmes de fond d’une régulation bâclée et d’engagements non tenus. Qu’est devenue notamment la clause de revoyure promise en 2010 pour corriger les imperfections de la loi? La taxe des 2% prélevée sur chaque mise définie par l’ARJEL correspond à un équivalent de 37% du PBJ quand la taxation des autres pays régulés se situe entre 15% et 25% du PBJ.
Comment les opérateurs peuvent-ils espérer relancer leur activité alors même qu’ils sont asphyxiés par un niveau de taxe mal définie à cause du prélèvement à la source ? Cette spécificité française qui ne prend pas en compte la notion du « No Flop no drop » a pratiquement tué la variante HU (heads-up) qui coûte actuellement une fortune aux opérateurs alors même qu’elle était prisée par les joueurs et génératrice de rake.
Quelles sont les avancées sur le partage des liquidités entre marchés régulés et notamment avec l’Espagne et l’Italie recommandé dès 2011 par le sénateur Trucy? Le consensus entre les 3 pays sur ce sujet est pourtant acté depuis 2012. Lorsque l’on sait l’importance de la problématique de la masse critique pour un opérateur/réseau et que l’on connait les chiffres et la tendance actuels en terme de trafic cela devrait être la priorité du moment. Ces thèmes étaient portés par l’ancien président Jean François Vilotte qui a défaut d’avoir pu mettre en place ces recommandations en avait pris la mesure et s’en faisait l’ambassadeur. La sortie de crise ne pourra se faire que par des actions volontaristes qui sont pour l’instant absentes du discours de Mr Coppolani.
L’offre illégale n’est pas résolue
« L’ouverture à la concurrence du secteur des jeux en ligne a permis de faire reculer de manière spectaculaire l’offre illégale, au profit d’une offre légale régulée » Il est assez ironique de lire cette phrase dans le rapport de l’ARJEL lorsque l’on sait qu’une étude publiée en Février 2012 par l’Observatoire des jeux (présidé par Charles Coppolani…) réalisée sur 20 000 joueurs donnait comme résultat que « 47% des joueurs interrogées jouaient au moins pour partie sur un site illégal ». Même si les chiffres de cette enquête sont hautement contestables (on doit se situer plus véritablement entre 1% et 5%) cela reste un enjeu de taille car il s’agit des joueurs qui contribuent le plus au produit brut des jeux. En fait il faut considérer deux types de joueurs : ceux dans l’illégalité qui utilisent un VPN pour jouer sur les sites du .com et ceux dans la légalité qui ont quitté la France pour pouvoir jouer sur ces mêmes site du .com. Le constat est le même : l’augmentation du rake et le cloisonnement restreint entre français ont engendré une perte importante d’attractivité auprès des joueurs les plus réguliers.
D'après le dernier rapport de l’ARJEL, la part du top 1% des joueurs de cash-game a contribué à 58% des mises et près de 90% sur la base du top 10%. La perte de revenu qui découle de l’arrêt de ces joueurs pros est donc considérable et devrait interpeler le régulateur sur cette question et sur les réponses à apporter. De nouveau la clé se trouve dans l’attractivité de l’offre légale qui passe par une amélioration de la fiscalité et le décloisonnement des marchés régulés.
La sortie de crise passe par la mobilisation
En 2010, un regroupement de 7 personnes représentatives des joueurs de poker et de ses communautés avait permis d’avancer considérablement sur les problèmes induit par la loi de régulation de 2010 et sur ses solutions. Ces recommandations avaient été défendues pratiquement telles quelles par le sénateur Trucy et le ministre Jean François Lamour tout en étant appuyées en parallèle par l’ancien président de l’ARJEL. Ces solutions sont toujours d’actualité mais il manque aujourd’hui les personnes pour les porter auprès du politique. L’inaction nous condamne pourtant à recevoir passivement les rapports trimestriels baissiers de l’ARJEL alors que nous avons encore les moyens de faire entendre nos propositions.
J’appelle donc les joueurs à se mobiliser et à relancer l’Association française des joueurs de poker en ligne initiée par Personne et Skip pour porter à nouveau vos droits et vos intérêts. J’appelle également les opérateurs à se faire entendre d’une voie commune pour amener les réformes essentielles à la survie de notre secteur. Enfin j’appelle l’ARJEL à tenir ses engagements et faire en sorte que véritablement la protection du joueur sur toutes ses formes soit garantie et celle de l’activité du poker valorisée. Les milliers d’emplois du secteur et l’ensemble de la communauté poker vous en seront alors reconnaissant.