Les secrets du Value Bet

Les secrets du Value Bet

Le value bet est probablement un concept que de nombreux joueurs pensent avoir compris, particulièrement en micro-limites, alors qu’il n’en est rien. Après cette phrase d’accroche, vous comprenez de suite que vous n’allez pas lire l’article le plus drôle de l’année. Néanmoins, pour certains, il sera peut-être le plus utile (en toute modestie)


Le value bet

Il m’arrive souvent durant mes coachings de mettre à l’épreuve mes joueurs (oui eux aussi ne s’amusent pas) en leur demandant une définition du Value bet. Bien souvent la réponse ressemble à quelque chose comme : « Euh…et bien c’est faire grossir le pot avec la meilleure main, maintenant je peux aller jouer des SNG Jackpot coach ? ». Les plus prudents répondront : « C’est une mise faite pour valoriser notre main ». Tout ceci est vrai mais ce n’est qu’une partie de la réponse alors qu’elle constitue pour beaucoup la fin.


AVOIR LA MEILLEURE MAIN NE SUFFIT PAS POUR EFFECTUER VALUE BET


Au poker, avoir la meilleure main ne suffit pas pour justifier de miser en value. Je pense que c’est ce qui échappe le plus souvent à de nombreux joueurs. Prenons un exemple concret bien que caricatural. Nous avons et sur un flop , nous décidons de miser en value face au joueur le plus large et le plus curieux de la Terre. Il suit absolument tout, soit 100 % des mains. Inutile de dire que nous sommes largement devant sa range. La turn est un 2s, nous misons, et encore une fois nous sommes suivi par ce joueur qui reste le plus large de la Terre. La river est un Ah. Nous ne sommes alors battus que par une main : AA. Nous sommes donc largement devant une nouvelle fois. Sauf qu’à ce stade, quelque chose d’étrange se passe chez notre ami. Il est passé sur le forum Poker académie et a fait la rencontre d’un ordre obscur qui sévit depuis des années, l’ordre des Chevaliers Nits. Il s’est laissé convaincre qu’il ne faut payer une river que si on a le jeu max absolu et il décide donc dans ce coup de ne payer qu’avec AA, le carré royal, et de folder tout le reste.

La question est : devons-nous miser ?

La réponse est : Absolument pas. La logique est assez facile à comprendre si on y réfléchit calmement. Nous avons la meilleure main mais quand nous misons :

  • Soit l’adversaire fold et nous ne gagnons pas plus que le pot actuel
  • Soit l’adversaire paye et nous perdons notre mise puisque nous serons face à AA

Conclusion : Miser ne sert à rien car nous ne serons payés que par mieux. 

Un petit effet visuel pour vous convaincre.

La range adverse avant de miser.



La range adverse après qu’on ait misé.




Nous sommes donc dans un cas de figure où malgré le fait que nous ayons de loin la meilleure main, cette dernière n’est pas suffisamment forte pour value. Ce qui nous donne la définition suivante que je propose pour les joueurs de micro-limites : « Un value bet au poker consiste à miser avec une main qui va se faire payer par une majorité de mains moins fortes »

Notons une subtilité qui a tendance à mettre la confusion. Miser avec notre 77 n’est pas EV-, cette mise gagne de l’argent sur le long terme car le joueur adverse va énormément folder. Mais cela gagne moins d’argent que de checker. Or, bien souvent, nous sommes parfois plus intéressés par le fait de gagner un pot que de nous demander si notre ligne de jeu va nous rapporter le plus d’argent sur le long terme. Ne soyez pas ce genre de joueur. Certes cela vous causera plus d’une situation compliquée mais ce n’est pas en évitant les situations complexes qu’on apprend à les jouer.

Voici un autre exemple plus difficile joué par l’un de mes joueurs. Il ouvre Kc Qh en UTG et est payé par un joueur 32/21 en BB qui est assez curieux. D’après nos reads, il paye une range qui ressemble à TT-22,AJo-A8o,KQo-KTo,QJo-QTo,JTo,ATs-A2s,KJs-K2s,QJs-Q8s,JTs-J8s,T9s-T8s,98s-97s,87s-86s,76s-75s,65s-64s,54s-53s,43s. Le flop est et notre Héros mise ¾ du pot. La turn est un 9h et notre Héros mise de nouveau ¾ du pot. La river est un Ac. La Big blind check et Héros réfléchit à value bet. Il finit par miser 1/3 du pot afin de se faire payer par des Q. Analysons un peu l’action.

Pour commencer, Héros a un très bon réflexe à la river, il ne s’arrête pas au fait qu’une carte qu’il n’aime pas vient de tomber. Il ne faut pas réfléchir de façon schématique ici en suivant des règles comme « si une carte supérieure tombe, je check ». Le poker est bien plus complexe que ça. Sachez que Héros est le plus souvent devant ici. Si le vilain a payé flop et turn des paires jusqu’au 5 et tous ses tirages, tout en relançant de temps en temps une double paire ou mieux, Héros va avoir une équité qui tourne autour des 70 %. Mais comme vous l’avez compris, ce n’est pas suffisant pour justifier de miser.

Notre Héros tente de provoquer une certaine élasticité dans la range adverse. En baissant son sizing, il espère ainsi aller chercher des mains assez moyennes. Dans ce coup les choses sont assez simples. Si vilain paye avec ses Q, malheureusement il atteindra rarement les 50 % d’équité une fois payé bien qu’il en sera proche. Il faudra alors checker. Si vilain est capable de payer avec des paires en dessous des Q, dans ce cas, Héros pourra value bet. Il dépassera le seuil des 50 % d’équité une fois payé. Dans ce cas précis, la carte river étant vraiment une carte qui a tendance à faire peur et vilain étant tout de même un joueur qui est certes curieux mais très loin d’être un gros récréatif, il est probable que le check soit préférable au bet 1/3 pot car il sera difficile de se faire payer par une paire en dessous de la Q voire même par certaines Q assez faibles. Sans compter la possibilité pour l’adversaire de bluffer. Mais rien ne nous empêche d’être ouvert d’esprit avec un autre sizing…

Vous reprendrez bien un petit effet visuel ?

Avant de miser :

Une fois payé :


Vous pouvez voir ici qu’il peut être nécessaire d’utiliser certains logiciels si vous souhaitez franchir un cap concernant la précision dans votre jeu. Bien entendu, dans cette situation précise, l’important est surtout la méthodologie. Nul doute qu’il est possible de faire des pages de débat pour savoir si notre adversaire va payer avec 3ème paire ou non…


CONSIDERATION AVANCEES


La notion de value bet est en réalité un peu plus complexe qu’il n’y paraît comme l’a notamment souligné notre grand maître à tous, Matthew Janda. En réalité, les termes de value bet et de bluff devraient être uniquement réservés pour la river, là où la valeur des mains ne peut plus évoluer.

Réfléchissons à une situation à la turn. Nous avons une main qui peut être payée par une range que nous battons 51 % du temps. Allons- nous systématiquement faire un value bet dans ce cas et checker si la main a 49 % d’équité une fois payée ? Assurément non, il y a d’autres paramètres qui rentrent en compte. Pour commencer, il y a l’équité que nous pouvons voler à notre adversaire. Imaginons que l’adversaire fold 90 % de mains qui ont 10 % d’équité contre nous, il est probable que nous voulions souvent miser même avec 49 % d’équité une fois payé. Nous transformons des mains qui auraient dû gagner 1 fois sur 10 en mains qui perdent 100 % du temps.

Plus important, en réalité ces valeurs sont très relatives. Nous n’allons pas gagner 49 % ou 51 % du temps. Pour cela, il faudrait que le coup s’arrête à la turn. La river peut amener une carte qui va changer la valeur des mains. Ce qui était une mauvaise main une street avant pour l’adversaire peut devenir une main très forte à valoriser. De même, suivant la carte qui tombe river, nous aurons plus ou moins des difficultés à effectuer un value bet. Pire, alors que notre main est réellement devenue la meilleure main, nous pourrions être en situation de devoir la folder en raison d’une carte qui provoquerait une erreur de notre part.

Il n’est pas inutile de raisonner en terme d’équité pour savoir si nous devons value bet une main avant la river, mais il faut avoir conscience qu’il ne s’agit que d’un paramètre parmi d’autres. Si nous schématisons, d’un strict point de vue théorique, la décision de miser à la river avec 49 % d’équité une fois payé n’aurait pas de sens. Au flop ou à la turn, ces 49 % ne sont qu’un des paramètres de l’EV de notre main.

En résumé, prenez le réflexe si vous ne l’avez pas déjà de vous demander pourquoi vous misez, si vous êtes en value ou en bluff, et si vous êtes en value, demandez-vous quelles mains moins bonnes vont vous payer. La définition que nous avons donné en début d’article me semble être une bonne base de travail mais gardez à l’esprit que vous devrez très vite la dépasser.

 

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Présentation de Freudinou


Joueur de poker professionnel et coach sur Poker Académie depuis 2013, Freudinou a coaché à ce jour plus de 150 joueurs dont certains sont aujourd’hui professionnels. Il peut coacher des joueurs jusqu’en NL 30, son approche se veut construite et organisée. Psychologue de formation, l’aspect mental du jeu, encore bien souvent négligé, fait partie intégrante de ses coachings. Il a également une bonne maîtrise des logiciels poker (Trackers, Flopzilla, PIO Solver…). Pour plus d'informations, cliquer sur sa fiche coach.

 

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