- 05 février 2013
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Une fréquence trop élevée de CBet est facilement exploitable. Les adversaires aguerris en profitent pour passer à l’action lorsque le flop est favorable. Aux limites les plus hautes, de nombreux excellents joueurs préconisent d’ailleurs d’utiliser une stratégie bien plus conservatrice pour CBet.
Jusqu’à une certaine limite de jeu, une relance pré-flop, suivie implacablement d’un continuation bet (CBet) au flop suffisent probablement à faire de vous un joueur gagnant. Malheureusement, de nombreux joueurs de basses limites se font littéralement massacrer lors de leurs montées en limite. En effet, une fréquence trop élevée de CBet est facilement exploitable. Les adversaires aguerris en profitent pour passer à l’action lorsque le flop est favorable. Aux limites les plus hautes, de nombreux excellents joueurs préconisent d’ailleurs d’utiliser une stratégie bien plus conservatrice pour CBet.
Au cours de cette série d’articles1, nous étudierons, au travers de nombreux exemples, les raisons pour lesquelles vous devez CBet.
Comme nous venons de le voir en introduction, de nombreux joueurs se contentent du 1er Niveau de réflexion : j’ai relancé pré-flop, j’ai deux cartes toujours vivantes en main, donc c’est parti pour un CBet quoi qu’il arrive ! Cette stratégie ne mérite pas un article complet, vous en conviendrez. Les joueurs d’un niveau supérieur vont miser toutes leurs mains fortes, et laisser la texture du board dicter leur fréquence de CBet avec leurs mains plus faibles. C’est le 2nd niveau de réflexion, qui constitue déjà une approche intéressante et difficilement exploitable. Nous allons étudier le 3ème Niveau de réflexion dans cette série d’articles. Paradoxalement, ce 3ème niveau nécessite de répondre à une question des plus simple : pourquoi devrais-je CBet sur ce flop ? Derrière cette apparente simplicité, se cachent des réponses souvent multiples et loin d’être évidentes.
Nous étudierons séparément les différentes raisons pour lesquelles CBet
- 1ère raison : Valoriser sa main
- 2ème raison : Bluffer
- 3ème raison : Semi-bluffer
- 4ème raison : Empêcher votre adversaire de bluffer au Turn
- 5ème raison : Protéger votre main
I. 1ère raison : Valoriser sa main
D’une façon triviale, lorsque vous misez pour valeur, vous espérez être suivi par des mains inférieures suffisamment souvent pour vous permettre de rentabiliser votre mise. Bien que cette définition soit des plus simples, vous seriez étonné de constater le nombre de joueurs qui ne misent que parce que leur main parait bonne, alors qu’ils n’ont qu’une infime chance d’être suivi par une main inférieure. Illustrons ces propos à l’aide de quelques mains de No-Limit Hold’em.
Nous considérons dans les exemples suivants que la taille de la relance initiale est standard, et que les profondeurs de tapis sont de 100 Grosses Blindes.
Exemple 1
Vous avez joué assez tight à une partie de NL 6-max, et décidez d’ouvrir ATs à pique UTG. Vous effectuez une relance calibrée à 3.5 BB. Tous vos adversaires abandonnent le coup, jusqu’à la Big blind, un bon joueur, qui suit votre mise.
Le flop amène A82 tricolore sans pique. Votre adversaire check. Misez-vous ici ? Bien que nous possédions un jeu correct, nous devons évaluer les mains qui vont suivre notre éventuelle mise au flop. Notre adversaire va probablement call une première salve avec n’importe quel As, mais ses As moins bien kickés avec lesquels il a suivi la relance préflop sont sûrement suités. Veuillez noter qu’ici les As adverses incluent également des mains qui nous dominent comme AJ, AQ, AK (bien qu’avec AK il aurait pu aussi surrelancer préflop). Comme les As moins bien kickés sont probablement suités, le range adverse composé de « n’importe quel As » est en fait déjà devant notre main !
Notre adversaire peut également nous suivre avec une petite paire ou une paire intermédiaire. De son point de vue, nous avons relancé UTG, notre range est donc perçu comme étant sur- pondéré en Ax et en grosses paires. Ce joueur peut également craindre d’essuyer d’autres mises durant le déroulement du coup. En général, il sur-relancera ses paires les plus fortes préflop, et va donc probablement craindre de suivre notre mise au flop avec sa main, en sachant que nous pourrions tenter de l’évincer du coup par la suite. Un check au flop, suivi d’une mise décalée au turn semble être la ligne permettant d’extraire le maximum de valeur d’une paire. Malgré cela, il semble peu probable que nous puissions extraire davantage de valeur par la suite face à une telle main.
Bien que cela ne semble pas être le cas à première vue, l’intérêt de miser au flop est très limité, car bien que nous possédions une main décente, celle-ci se situe dans le bas de notre range perçu par notre adversaire. En conséquence, une mise au flop ne nous permettrait pas d’extraire souvent de la valeur de notre main. Opter pour une ligne de jeu représentant plus de faiblesse en espérant induire un future bluf ou récupérer un peu de valeur durant le déroulement du coup semble être une option préférable. Veuillez noter que notre main n’est probablement plus devant le range pouvant encaisser deux salves dans ce spot.
Exemple 2
Vous ouvrez depuis le Bouton avec QJs. La Big blind est le seul joueur à suivre, et le flop amène QT5 avec une carte de votre couleur. Misez-vous ici ? Analysons les mains qui pourraient suivre une mise sur ce flop.
- des Dames plus faibles : ces mains opteront au moins pour un call. Malheureusement, si la BB est un joueur décent, son range ne contiendra que peu de Dames inférieures à la notre. Néanmoins, les Dames nous dominant, comme KQ et AQ, vont souvent 3-bet pré-flop.
- les petites paires : avec deux cartes supérieures au flop, la plupart des joueurs abandonneront leur main ici. JJ pourrait vous défier et décider de call au moins une fois, mais la majorité de vos adversaires choisira de sur-relancer le relanceur initial préflop en position tardive avec une main aussi forte.
- les Dix : une grande partie de votre profit proviendra de ces mains. Beaucoup de joueurs vont suivre au moins une mise avec un Dix. Malheureusement pour vous, ce flop est plutôt sec, et vous pouvez vous retrouver dans une situation peu confortable si un adversaire agressif et rusé décide de vous relancer au flop. Quoi qu’il en soit, face à un joueur plutôt passif, vous avez une bonne mise de valeur à placer. Contre un adversaire vraiment agressif, votre mise pour valeur est également correcte car la majorité des relances que vous affronterez seront faites avec des tirages (les Dames supérieures à la votre, AA, KK, QQ, TT et même peut-être 55 sont des mains avec lesquelles un joueur agressif va sur-relancer pré-flop face à une ouverture en position tardive), et ces joueurs engageront l’ensemble de leur tapis dans ce type de situation. Un joueur serré agressif constitue le seul type de profil contre lequel un check est préférable.
Exemple 3
Vous ouvrez ATo depuis le CO, et seule la BB suit. Le flop amène KT4 tricolore. Bien que ce flop soit quelque peu chargé en tirages, le spot reste néanmoins excellent pour check. Si vous analysez la situation, les petites paires vont abandonner avec deux cartes supérieures au flop, et les mains que vous dominez, comme des tirages quinte, vont probablement check/raise vous plaçant ainsi dans une position délicate. Le range de mains que vous battez et qui va se contenter de call se limite probablement à : [QT, JT, T9].
Bien que le CBet soit EV+, vous devriez sûrement opter pour un check. En effet, cette ligne peut induire un bluff adverse, ou vous permettre de décaler votre Cbet au turn, en fonction de la carte qui sera dévoilée.
Exemple 4
Vous ouvrez JJ en Middle Position, et le Bouton est le seul à suivre. Le flop amène J62 tricolore. Comme nous possédons le jeu maximum à cet instant, il est inutile de considérer que nous puissions être battus. Nos deux valets en main rendent peu probable le fait que le dernier soit en possession de notre adversaire. Cependant, le flop est passablement inoffensif, et notre adversaire va probablement suivre une mise avec une petite paire. Ce n’est malgré tout pas une raison suffisante pour miser ici. Bien qu’une part réduite du range adverse puisse se permettre de suivre une mise, le check est meilleur dans de nombreux cas. Par exemple, si notre adversaire possède une main jouissant de peu d’équité à l’abattage, il peut décider de miser pour tenter de nous arracher le pot. Il peut également check des mains comme KQ ou AT, et toucher un de ses outs au Turn. Ou alors, cerise sur le gâteau, il peut check une petite paire et toucher son brelan. En conclusion, comme une mise au flop ne génère finalement que peu de valeur, un check dans l’optique de piéger votre adversaire constitue la meilleure ligne contre la majorité des joueurs, hormis les plus loose passifs d’entre eux.
Traduit de l'Anglais par TicEtTac