- 16 juillet 2019
- Freudinou
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Faire un article sur le continuation bet en 2019 n’est pas une mince affaire. Il s’agit sûrement du premier move que va apprendre un débutant et pourtant, expliquer quand le faire et pourquoi devrait faire appel à de multiples concepts assez avancés.
INTRODUCTION
Je vais donc essayer de relever le défi de faire un travail de synthèse à destination des joueurs de micros-limites en omettant volontairement certaines notions et en prenant certains raccourcis.
Dans cet article en deux parties, l’une théorique, l’autre pratique, je ferai essentiellement référence à des situations de continuation bet contre un bon régulier de ces limites. Ce joueur vous observe, il n’est pas le meilleur joueur du monde mais vous ne pouvez pas non plus abuser des bonnes choses contre lui, comme par exemple changer de sizing suivant que vous êtes en value ou en bluff.
Commençons par la base avec une définition :
Un continuation bet est le fait de miser au flop après avoir été le relanceur préflop. Votre adversaire a payé votre relance préflop et vous continuez d’agresser. Notons que l’action de miser la turn une fois payé au flop sera appelé un continuation bet turn ou second barrel.
POURQUOI CONTINUATION BET ?
Le continuation bet étant une mise, c’est tout naturellement qu’il devra répondre à l’une de ces trois
raisons de miser :
- La mise de value
- La mise de protection
- Le bluff
Si vous n’êtes pas familiers avec ces concepts, je vous renvoie vers ces articles :
1. Les secrets du value bet
2. La mise de protection en cash game
LA TEXTURE DU BOARD
Il y a deux principales textures de boards au poker : dry et drawy. Sur un board dry, les cartes sont déconnectées entre elle. Par exemple . Sur un board drawy, les cartes sont assez connectées, par exemple . Identifier la texture de board est capital pour nos stratégies de continuation bet.
BON ALORS ON « CBET » QUOI DU COUP ?
Comme nous l’avons dit précédemment, nous allons avoir trois raisons de Cbet mais bien plus de raisons de nous tromper. Je vous propose d’analyser les choses suivant les deux types de boards.
Les boards dry
En value :
La première chose à se demander est : ma main est-elle suffisamment forte pour value bet ? Une main est techniquement suffisamment forte pour value bet si vous pensez pouvoir provoquez de l’action par une range que vous dominez. Facile ? Non. En vérité, il y a deux types de mains en value : Les mains qui peuvent avoir 3 streets de value, autrement dit miser sur trois tours d’enchères.
La règle de base est de ne pas slow play ces mains, vous avez trois mises à prendre, vous misez trois fois, pas de check, il faut faire grossir le pot autant que possible. Quand vous avez sur , pas de kéké attitude : on mise ! Les mains qui ne vont avoir que 2 streets de value ou moins. Dans ce cas là, vous avez au moins un check à placer, tout l’art est de le placer au bon moment. Continuation bet correctement c’est aussi savoir quand ne pas continuation bet.
Prenons une situation où vous ouvrez en small blind avec , la big blind, un régulier agressif vous paye. Le flop est , une texture de board dry. Ici, il est évident que vous pouvez avoir de la value en misant. Vilain peut vous payer avec des As moins bons, des paires voire des gutshots comme ou des mains comme venues vérifier les papiers.
Mais au poker, ce n’est pas parce qu’on a un move EV+ qu’on doit nécessairement le faire, à force d’abuser de moves EV+, on peut transformer notre stratégie globale en stratégie EV-. Le problème ici est que si vous misez tous vos et dans le même ordre d’idée des mains comme ou même , avec quelles mains allez vous protéger votre range de check ? Ici, je sais d’expérience que cette question peut provoquer une mine dubitative (oui je vous vois) car elle n’est pas forcément instinctive.
Protéger sa range de check signifie que du point de vue de vilain, celui-ci ne pourra pas se dire « mon adversaire a check, je peux miser impunément, il ne défendra pas assez ». Sachez par exemple que sur une mise d’un demi pot, en théorie, vous devez défendre la moitié de votre range.
Si vous misez au flop toutes les mains pré citées ou qui y ressemblent, permettez-moi de vous souhaiter bon courage pour défendre suffisamment de mains quand vous aller checker ce flop. Vous allez donc devoir rapatrier certaines mains en check afin d’avoir suffisamment de défense, ou plus précisément, pour faire semblant d’en avoir assez. Et des mains comme , ou font parfaitement l’affaire, elles n’avaient pas 3 streets de value, vous n’aurez pas de regrets si vilain check car il sera encore temps de prendre de la value plus tard et vous ne risquez pas grand chose à laisser une carte gratuite. Notez que vous pouvez faire ce qu’on appelle mixer votre stratégie : vous n’êtes pas toujours obligé de checker , , etc. mais le faire à une certaine fréquence est très recommandé.
Autre avantage de checker ce genre de main : prendre de la value sur des mains qui auraient fold sur une mise. Imaginons que votre adversaire possède en main, quand vous misez, il se rendcompte qu’il doit fold, le potentiel de sa main est trop lointain.
Quand vous faites un check, il peut se dire « c’est ma seule chance de remporter le coup, je mise ! ». Parfois, il sera plus frileux, effectuera un check également et touchera l’un de ses outs à la turn, ce qui vous garantira de récupérer une mise de value par la suite. Un des leaks récurrents des joueurs de micros limites est de miser tout ce qui peut potentiellement se faire payer par moins bien, ce qui finit par trop déséquilibrer les ranges, même à ces limites de jeu.
En protection:
Si nous reprenons le board précédent, une main comme ou aura plus d’intérêt à être misée. Certes, elle ne se fera pas vraiment payer par moins bien, mais le simple fait de faire folder beaucoup de mains à l’adversaire ayant une bonne équité est une bonne opération. En effet, une main comme possède 32 % d’équité face à 33, 28 % % contre . Sans compter que de très nombreuses cartes peuvent venir nous perturber.
En d’autres termes : l’adversaire fold, on est content tandis qu’une main comme ou ne verra pas l’intérêt de faire folder un qu’elle bat allégrement. Encore un leak souvent rencontré en micros : la surprotection. Le joueur va miser sur afin d’éviter que son adversaire ne touche des quintes avec ou même …
En bluff
C’est une partie qui nous intéresse grandement car c’est finalement l’essence du continuation bet : sur de nombreux boards, les deux joueurs n’ont pas forcément touché grand-chose, c’est celui qui possède l’initiative qui remportera le coup. Après tout la relance préflop montre de la force, le fait de miser continue de représenter cette force tandis que celui qui a payé n’est peut être pas si fort que cela sans quoi il aurait sur-relancé préflop (3bet).
Il est important que vous preniez conscience d’une chose: sur une texture de board dry, plus un joueur aura une range large, moins il pourra supporter le poids d’une mise.
Prenons l’exemple d’un joueur qui paye en big blind une relance du bouton, voici comment le logiciel Flopzilla décompose sa range sur un flop : En faisant les comptes et en intégrant toutes les backdoors ayant même un petit potentiel comme , on arrive à un total de 46,7 % de percussion du board.
En faisant les comptes et en intégrant toutes les backdoors ayant même un petit potentiel comme , on arrive à un total de 46,7 % de percussion du board.
Autrement dit, l’adversaire ne pourra sûrement pas dépasser un pourcentage de défense de 46,7 %. Un drame dans sa vie. Sachant que si vous misez un sizing de continuation bet à ¾ pot, un sizing qui l’arrange car il lui demande de moins défendre que sur 1/3 pot par exemple, il devrait tout de même défendre au moins 57 % de ses mains, ce qu’il ne peut pas faire.
Pour le dire de façon plus théorique : quand le défenseur possède une range large au flop, il ne peut pas atteindre le MDF face à une mise sur un board dry.Le MDF étant le Minimum Defense Frequency, la fréquence de défense minimale pour nous empêcher de faire un profit immédiat. Dès lors, n’hésitez pas à placer de nombreux bluffs. C’est la fête du kangourou pour vous. Si vous êtes à la place de vilain, je vous conseille d’appliquer la stratégie Reine des neiges : vous êtes libérés, délivrés, du MDF, n’essayer pas de l’atteindre à tout prix, c’est impossible. Faites du mieux que vous pouvez…Mais n’ayez crainte, vous pourrez vous rattraper dans les pots 3bet où vous aurez des mains fortes à valoriser.
Pour information, voici les pourcentages de défense que vilain devrait avoir sur des sizings « classiques » :
Je vous demanderais de vous mettre de l’autre côté durant un instant. Imaginez que vous faites face à un continuation bet dans une situation donnée, défendre le MDF vous semble-t-il si facile ? Probablement que non. Une erreur courante que je constate chez les joueurs, c’est qu’ils se focalisent sur les mains adverses qui les battent au lieu de se concentrer sur les mains qui pourraient fold. Je me dois de préciser que ce concept de MDF mériterait à lui seul un article, il y aurait des choses à modérer mais je pense que c’est un bon point de départ.
Les boards drawy
Sur un board drawy, la situation est différente, je vous propose de partir du principe suivant : votre adversaire a souvent touché quelque chose. (je pense que je vais me faire des amis avec cette proposition). Vous allez donc souvent être payé, à vous de juger à quel point cela vous arrange… Jugez par vous-même, en reprenant l’exemple précédent de big blind contre bouton, voici comment vilain va percuter sur un board :
Si on part du principe que vilain va défendre à partir d’une 3 ème paire et tous les tirages y compris les gutshots, il va percuter ce board 74,6 % du temps.
Quelle est la stratégie à adopter ?
L’heure est venue de ne pas trop faire le malin, surtout si vous êtes hors de position. Sur ce genre de board dynamique, les héroïnes changent d’une street à l’autre, AA reste une très bonne main au flop, elle le sera sûrement beaucoup moins si un 7 tombe à la turn. La protection prend de l’importance, on va globalement miser ses bonnes mains et à la différence des boards dry, on va également avoir tendance à miser immédiatement les mains moyennes ou qui ont moins de trois streets de value.
Quand vous possédez ou , si le coup s’arrête maintenant, c’est très bien. Cependant, vous pourrez faire de pseudos équilibrages de votre range de check avec des paires accompagnées de tirages ou de simples tirages à 8 outs ou plus qui pourront supporter de nombreuses cartes à la turn, par exemple .
Concernant les bluffs, comme votre adversaire va souvent vous payer, on parlera souvent de semi- bluff : votre main se devra d’avoir une bonne équité qui couplée à votre fold équité, rendra le coup EV+ (rentable sur le long terme). Les candidates naturelles sont bien entendu les tirages. On voit ici la différence entre un jeu théorique et un jeu pratique des micros-limites.
Sachez par exemple que d’un point de vue théorique, il est tout à fait possible de checker AA sur de tels boards pour diverses raisons d’équilibrage, je considérerais cela comme un crime de faire cela en micros limites. Faites particulièrement attention à ce genre de board hors de position. Evitez d’abuser du continuation bet par exemple en Small blind contre Big blind sur des boards comme , , etc. La texture de board est dynamique, même les bonnes mains apparentes comme top paire pourraient rapidement devenir des plaies.
QUELS SIZINGS ADOPTER ?
KUne nouvelle fois, je vais volontairement simplifier les choses quitte à faire des erreurs théoriques mais qui ne seront pas forcément des erreurs pratiques :
- Si vous avez le range advantage, vous allez vous diriger vers des petits sizings
- Si votre adversaire a le range advantage mais que vous avez le nuts advantage, vous allez vous diriger vers de gros sizings.
Par range advantage, j’entends ici le fait d’avoir tout simplement la meilleure équité avec votre range (et non votre main) au flop. Par nuts advantage, j’entends le fait d’avoir des nuts dans votre range que votre adversaire n’a pas. En Cut-off contre bouton, sur un flop , vous avez le nuts advantage car votre adversaire n’a sûrement pas , , voire / .
Si vous avez le range advantage, vous allez souvent miser à haute fréquence avec une structure de range linéaire, si vous n’avez pas le range advantage mais possédez le nuts advanatge, vous allez souvent miser une structure de range polarisée à basse fréquence. Se demander quelle est la structure de range que nous allons miser est capital pour construire notre stratégie contre un reg, vous trouvez plus d’indications ici :
https://www.poker-academie.com/apprendre-poker/strategie-poker/no-limit-holdem/les-differentes-types-de-range-au-poker.html ou dans le Poker 52 n°110 de mars 2019.
Ces développements mériteraient une nouvelle fois plus d’un article mais je me devais de vous faire entrevoir les questionnements que vous devez avoir pour choisir votre sizing au flop. Hors de position, soyez prudents avec les trop petits sizings dans les single raised pots, notamment le 1/3 pot. Ce sizing est parfaitement justifié d’un point de vue théorique, mais il vous apportera souvent des ennuis en basses limites.
Plus d’un joueur que j’ai coaché m’a dit relancer ce genre de mise car elle représentait de la faiblesse à ses yeux (alors que dans votre esprit, vous « valorisez » votre range advantage), ce qui peut rapidement vous mettre dans une situation problématique qu’un sizing ½ pot n’aurait pas fait. Les jalons théoriques étant posés, je vous laisse un petit temps de digestion avant le prochain article qui traitera de l’application de ces principes…et leurs exceptions
Mickaël « Freudinou » Antic