- 15 février 2019
- Freudinou
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Freudinou vous présente les différents types de ranges que l'on rencontre au poker : les polarisés, les linéaires, les mergés ou encore les mixés et les capés !
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Introduction sur les ranges au poker
Pour un profane, le mot qui vient à l’esprit quand on dit « poker » est le mot « bluff » (ou bien vice, illégalité, Martoni, etc.), pour un joueur de poker c’est le mot « range » (enfin tout juste après « broke »… ). Eventail de mains pour les amoureux de la langue française. Pourtant, ce mot reste bien mystérieux, la plupart des joueurs amateurs ont souvent tendance à déclarer « je n’arrive pas à mettre mon adversaire sur une range ». Comme vous pouvez vous en douter, ce n’est pas en quelques pages que nous allons résoudre ce mystère, néanmoins, une première étape à mon sens est de mieux conceptualiser les types de ranges au poker. A défaut de connaître la range précise de votre adversaire ou même la vôtre dans une situation donnée, si vous parvenez déjà à la désigner par ce que nous appelons une structure de range, vous serez déjà plus à même de prendre les bonnes décisions. Voici donc un tour d’horizons des différents types de ranges existantes.
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Range polarisée
Sûrement le type de range le plus connu. Ici, la range est composée de bonnes mains et de mauvaises mains considérées comme des bluffs. Les mains moyennes sont exclues de la range. Notons que nous parlerons dans cet article aussi bien de ranges préflop que postflop.
Voici un premier exemple préflop : un vilain ouvre au cut-off et vous êtes en small blind. Ce dernier fold beaucoup face aux sur-relances (3-bet), vous décidez donc que vous allez faire des 3-bet bluff : vous allez sélectionner certaines des meilleures mains que vous comptiez folder pour les transformer en bluff. Par exemple A4s ou 76s. Vous avez également des bonnes mains avec lesquelles vous souhaitez tout simplement faire grossir le pot comme QQ ou AK. Les mains moyennes comme ATs sont simplement payées. En effet, ATs est sûrement devant la range d’ouverture du cut-off mais si vous sur-relancez, il risque de folder des mains comme A6s ou T8s. Autrement dit, des mains que vous dominez et qui pourraient faire de lourdes erreurs postflop contre vous, erreurs qu’elles ne feront pas si vous les invitez à folder. Dans le jargon poker, on dit que vous risquez de vous isoler contre le top de range adverse. Votre main est trop faible pour être 3bet en value, trop forte pour être 3bet en bluff. Dernier avantage d’une range polarisée, vous êtes illisible : vilain saura difficilement si vous êtes en train de bluffer ou si vous avez un monstre. A titre indicatif, voici une proposition de range :
Vous pouvez aussi imaginer une situation postflop, par exemple vous avez relancé UTG et le bouton, un régulier de la limite vous paye. Le flop est Ah Jd 2s. Dans cette configuration vous pouvez choisir de miser vos bonnes mains comme AA, JJ, 22, AJ, AK, AQ…et vos meilleurs bluffs comme KQ. Les mains moyennes comme A7s, JTs, KK…sont checkées.
Notons que cette range a beaucoup plus de mains de value que de bluff, range polarisée ne signifie pas range équilibrée.
Range linéaire
C’est un terme qui s’est développé assez récemment. Une range linéaire est tout simplement une range où l’on part des meilleures mains en descendant dans la force des mains misées sans discontinuité. Pas très clair, nous sommes d’accords, mais un effet visuel sera sûrement plus parlant :
Ici vous pouvez voir le côté linéaire de la range, il n’y a pas de gap (espace) entre les mains misées. Notons qu’une range linéaire peut tout aussi bien être composée du top 5 % comme du top 15 %, 25 %, etc. des mains. Notons également que ce que nous appelons les meilleures mains ne fait pas forcément référence à l’équité brute de ces dernières mais à leur EV (expected value, autrement dit l’argent que va générer une main au final). Par exemple si on 3bet cette range en SB vs BTN (très tendance actuellement), dans l’absolu 55 est une meilleure main que A4s. Cependant, en raison de sa jouabilité postflop, il est probable que A4s rentabilise plus que 55.
Une nouvelle fois, on peut aussi avoir une range linéaire postflop. Reprenons l’exemple précédent, sauf que cette fois vous misez la range suivante sur le flop
Vous pouvez constater que l’on mise tous les As, les meilleures secondes paires ainsi que les tirages. Notons encore une fois que dans l’absolu, un tirage avec KQ n’est pas meilleur qu’une main comme 88 en terme d’équité mais il va probablement générer plus d’EV que cette dernière. Vous pouvez miser ce genre de range dans des situations où vous souhaitez faire de la value thin. Autrement dit, vous avez des bonnes mains qui ne sont que de très peu devant la range adverse et vous souhaitez les value. Il faudra donc se faire payer par de nombreuses mains chez l’adversaire si vous voulez être encore devant une fois payé. Lorsqu’on mise une main comme KJs, il faut que des mains comme 77, QJs, KQ…payent, c’est pourquoi une telle main sera souvent misée avec un petit sizing (taille de mise) afin de déclencher de la curiosité chez l’adversaire.
Range mergée
Merge signifie fusionner en anglais. A l’origine, il désigne simplement le fait de fusionner différentes parties de notre range. Par exemple, sur le préflop, il s’agit de rajouter des mains comme AJs ou 99 dans une range de 3bet en value. L’objectif était de rendre moins facile pour notre adversaire de nous bluffcatch (attraper nos bluffs) car il risquait d’être quand même battu par une main moyenne. On peut probablement dire que ce terme était synonyme de range linéaire dans les premiers du temps du poker et il l’est encore aujourd’hui pour certains coach. Néanmoins, à mon sens, de nos jours il désigne souvent le fait d’avoir une range forte orientée vers la value mais avec une value qui peut être qualifiée d’étendue. Voici un exemple préflop de range de 3bet mergée :
Le joueur 3bet une range qui est clairement en value mais cette value peut être qualifiée de value étendue car il n’y a pas que des monstres absolus. D’une certaine façon, le joueur a fusionné ses meilleures mains avec…ses meilleures mains moyennes.
Postflop, un autre exemple peut se trouver sur un flop en bataille de blinds et vous êtes en Big blind. Le joueur fait son continuation bet et vous relancez des mains comme 88/44 (TT+ a été 3bet préflop) mais également des mains comme AT/KTs. Ici la range est clairement orientée vers la value mais on ne peut pas dire que KTs soit la meilleure main du monde.
Range ou stratégie mixée
Autre tendance qui s’est développée dans le poker moderne : la stratégie mixée. Dans une telle stratégie, une main peut se trouver dans deux lignes de jeu différentes. Par exemple, vous pouvez décider de 3-bet 76s 50 % du temps contre un open du BTN et de payer cette main les autres 50 %. La même logique vaut postflop, par exemple si vous faites un check avec une top paire et kicker moyen 35 % du temps et si vous la miser 65 % du temps au flop. Des logiciels gratuits appelés randomisers sont disponibles sur Internet afin d’être sûr d’appliquer les bonnes fréquences et les puristes jouant en live privilégieront la trotteuse de la montre.
L’avantage d’une telle stratégie, c’est qu’elle permet un certain board coverage. Autrement dit, vous serez potentiellement menaçant sur n’importe quel board. Par exemple, sur un flop 764 dans un single raised pot, un adversaire ne pourra pas se dire que vous n’avez pas double paire 76 car vous auriez fait un 3bet avec cette main. Il saura qu’aussi bien dans un single raised pot que dans un pot 3bet, la menace sera toujours présente ! A noter que suivant la théorie du poker (GTO), dans une stratégie parfaite, l’EV d’un 76s dans les deux lignes différentes devrait être égale, il est évident que dans la pratique, c’est loin d’être le cas.
Range capée ou range condensée
Ce terme désigne une range qui est essentiellement composée de mains moyennes voire de mauvaises mains. En d’autres termes, vilain ne peut pas avoir mieux qu’une certaine main. Prenons un exemple postflop : vous ouvrez au bouton avec , un vilain qui joue de manière assez directe vous paye en Big blind. Le flop est . Il check et vous faites un continuation bet à ¾ du pot, payé par votre adversaire. La turn est un et il check. Ici, miser en bluff devient délicat car la carte est une brique, elle ne change pas vraiment la situation précédente et vilain risquerait de payer quasiment toute sa range. Par exemple avec une main comme K8s, il peut vous mettre sur votre tirage et payer, or ce dernier a besoin de fold equity pour être rentable. C’est le fait d’additionner l’équité de votre main avec votre fold equity qui la rend rentable. Miser sans fold equity revient à mettre de l’argent dans un pot que vous allez perdre la plupart du temps. Il semblerait qu’on se dirige vers un check…mais réfléchissons un peu plus. Sur une texture de board aussi connectée (drawy), si votre adversaire avait vraiment une bonne main, il aurait sûrement relancé au flop pour protéger. Par exemple 88/77/J8s pourraient craindre qu’une carte comme un 9 ou un T coupe l’action alors que vous seriez probablement prêt à laisser une partie conséquente de votre tapis avec une main comme AJ si il relançait immédiatement. On dit alors que la range adverse est capée au valet : vilain dans ce coup là n’a probablement pas mieux que top paire/top kicker. Pour une telle main et bien d’autres, ce board reste inconfortable…et vous allez faire en sorte qu’il le reste en misant un overbet de 1,5x le pot à la turn ! Il devient alors très difficile pour vilain de payer une seconde paire voire un tirage en raison des cotes. Ajoutons que vous bloquez le jeu max avec votre 9. Même une main comme AJ ne va pas se sentir bien, vous avez peut-être un jeu énorme, vous menacez de miser encore gros à la river (c’est l’effet levier) et même si vous bluffez, des cartes à la river pourraient améliorer votre bluff. Comme nous sommes dans un article et que tout marche parfaitement, vilain décide de folder sur votre overbet. Retenez que chaque fois qu’une range sera capée, l’idée de l’overbet devra se présenter à vous (sans forcément l’accomplir évidemment);
Lire avec précision les ranges demande de l’expérience et de la méthodologie. Il faut apprendre à décrypter un tracker si vous jouez online et utiliser des logiciels poker comme Flopzilla pour gagner en précision. Ne surestimez pas l’apport des vidéos, elles ne seront jamais aussi précises qu’un logiciel poker et vous ne pourrez pas couper à de longues heures d’études si vous souhaitez progresser. Néanmoins, commencer à nommer la range adverse, à déterminer son type vous aidera à mieux conceptualiser les choses et cadrer votre travail.