- 24 mai 2012
- ace_of_raise
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Marine Gessat alias «Maju» est coach sur le site Poker Académie. Spécialisée dans les tournois en ligne et en live, elle cumule plus de 100 000€ de gains. Elle travaille en salle de marché et nous livre au cours de cette série des pistes de réflexion pour améliorer notre jeu. Pour le dernier article de cette série, elle aborde le bankroll management et l'optimisation des profits.
Savoir gérer son capital
Le portefeuille d'un trader est l'équivalent du bankroll d'un joueur de poker. Il s'agit d'un fond de roulement nécessaire à toute entreprise, qui sert à la faire vivre et à maintenir son cycle d'exploitation. Hors de question de puiser dans ce capital indispensable à votre entreprise, c'est la banqueroute assurée et vous n'êtes pas à la roue de la fortune ! En tant que joueur de poker, votre stratégie d'investissement, que l'on appelle bankroll management, a besoin de disciple, de règles et d'objectifs. La route est longue, semée d'embuches et il vous faut garder le cap. Sans règles et objectifs, votre bankroll serait un navire sans pilote, à la dérive.
En bourse on utilise un panel de stratégies d'investissement pour gérer son portefeuille. Il existe des stratégies conservatrices, pour limiter les risques et sécuriser son capital. Les plus audacieux font appel à des stratégies agressives et risquées, mais à fort rendement. Pour résumer il s'agit d'un ratio entre les bénéfices potentiels et le risque de perdre tout ou partie de son capital. Elles ont pour point commun la diversification pour limiter les risques. Si votre bankroll de départ est de 100€, il est risqué de tout jouer sur une table et plus raisonnable de jouer 20 parties à 5€.
Voici quelques indications de bankroll management au poker:
- En cash game, il vous faut entre 20 et 50 caves minimum pour jouer à une limite donnée. Par exemple si vous avez 500€ de bankroll, vous disposez de 20 caves en NL25 et il ne faut jamais jouer des parties plus chères.
- En sit'n go, il vous faut entre 25 et 100 buy-in minimum
- En tournoi, la variance est telle qu'il vous faut 100 buy-in minimum
Ces chiffres représentent une bonne base pour une gestion saine de votre bankroll. Comme le niveau de jeu augmente avec les limites et qu'il est plus difficile de gagner, il vous faudra plus de buy-in à mesure que vous monterez de limite. Cette gestion vous permettra de descendre de limite si nécessaire pour protéger votre capital, après plusieurs cessions perdantes. En ne jouant qu'un faible pourcentage de votre bankroll, vos décisions seront basés sur le jeu uniquement et ne seront pas affectées par l'aspect financier.
En finance on détermine souvent un seuil de perte maximum au delà duquel on coupe sa position, appelé Stop Loss. On estime qu'au delà d'un certain niveau, l'erreur d'appréciation est telle qu'elle ne pourra être corrigée ultérieurement. Il faut savoir perdre en quelque sorte et je pense qu'il est bon de se fixer les même règles au poker, ne jamais chercher à "se refaire" immédiatement quand tout se passe de travers. En voici un exemple qui a fait un peu de bruit:
En 1995, Nick Leeson a 28 ans. Basé à Singapour, il est l'un des plus brillants traders de la Barings, la plus ancienne banque du Royaume-Uni. L'année précédente, lui et son équipe avaient réalisé le tiers des bénéfices de la Barings. Il décide de miser sur un rebond du Nikkei. Mal lui en a pris, l'indice phare au Japon repart a la baisse, suite, en particulier, au tremblement de terre de Kobé. Mais Nick Leeson continue de spéculer en prenant des risques inconsidérés. Lorsque les pertes deviennent insurmontables, Nick Leeson prend la fuite. Il sera arrêté en Allemagne puis condamné à Singapour. Du haut de ses 233 ans, la banque Barings fait faillite.
Optimiser ses profits
La recherche d'expected value (EV) ou espérance de gain est l'objectif de tout joueur gagnant. Il cherche à maximiser ses gains lors situations profitables (EV+) tout en minimisant ses pertes lors des situations qui lui sont défavorables (EV-). Il est intéressant de remarquer les similitudes entre les actions d'un joueur de poker et celles d'un trader:
TRADER |
achat |
renforcer |
alléger |
vendre |
couverture de position |
JOUEUR DE POKER |
miser |
relancer |
pot control |
passer |
mise de protection |
Il y a également la part d'imprévu, une inversion de tendance liée à l'actualité, cette part de hasard que l'on ne peut maitriser et qui dépasse les raisonnements les plus justes. Si vous jouez au poker depuis un moment, il vous est sûrement arrivé de vous faire craquer un carré par une quinte flush à la river, ce n'est vraiment pas de chance. Mais l'inverse existe aussi... nous sommes en avril 2011 et l'action Artprice cote 8.19€. Cette société de 35 salariés est leader mondial des banques de données sur la cotation des œuvres d'art. Suite à une directive européenne elle devient une maison de vente aux enchères en ligne, commissionnée à 4.5% sur un chiffre d'affaire de 1.8 milliards d'euros. Son cours gagne 580% en 3 mois suite à cette annonce... de quoi ce payer le Main Event à Vegas pour un investissement de départ de 1313€, une situation bien EV+ !
Je ne pourrai pas conclure cette série sans vous parler de Warren Buffett, un investisseur financier de génie. Surnommé l'oracle d'Omaha, il aurait fait un joueur de poker remarquable, mais voilà il préfère le bridge. Son premier coup d'éclat, il le réalise à six ans en achetant six packs de Coca Cola dans l'épicerie de ses grands parents, qu'il revend au détail en faisant un cent de bénéfice par canette. Aujourd'hui, il est le plus important actionnaire de la fameuse compagnie dont il détient 8,11%. En 2006, du haut de ses 76 ans, il écrivait à ses actionnaires : « Je me sens en pleine forme. C'est fascinant de voir ce que le Coke aux cerises et les hamburgers peuvent faire pour vous. » Sa fortune personnelle est estimée à 44 milliards de dollars, ce qui le classe troisième fortune mondiale derrière Bill Gates. Alors écoutons son conseil: