- 08 octobre 2019
- Freudinou
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Dans le précédent article, nous avons donné certains repères théoriques pour décider d’opérer ou non un continuation bet au flop. A présent, Freudinou vous présente des situtations pratiques et des exemples précis, pour comprendre quand cbet et comment.
INTRODUCTION
Deux idées directrices seront présentées : simplifier les lignes de jeu et privilégier des options qui vont exploiter au maximum les faiblesses adverses. En ce sens, certaines propositions s’éloigneront de ce que demande de faire la théorie du poker (GTO) mais resteront rentables sur ces limites. Commençons en analysant plus en profondeur un coup du précédent article.
VOIR ARTICLE : GUIDE DU CBET (THÉORIE)
SITUATION 1 : SB VS BB, Flop . Héro open raise en Small blind, la Big blind paye. Board dry.
Nous avions noté que sur ce genre de boards, les joueurs ont parfois tendance à surprotéger des mains comme Qs 9h en craignant des mains comme Js Tc ou même 9c 8h chez leur adversaire. Pour commencer, voici un tableau qui synthétise la répartition des mains sur ce board face à un joueur régulier classique en micro limites :
Si nous résumons, un tiers du temps, votre adversaire ne possède tout simplement…rien ! A méditer quand on pense qu’un sizing de 1/3 du pot n’a besoin de passer qu’un quart du temps pour être profitable…De plus, les tirages, si effrayants pour certains, ne représentent non seulement que 1/10ème de la range adverse mais en plus ne vous repasseront devant que 13 % du temps à la turn. En résumé : les tirages ne sont pas un problème. Néanmoins, d’un point de vue pratique, je vous conseille de checker dans une optique de check/call des mains moyennes comme Q9o ou A2o. Trois raisons à cela :
- Vous n’avez pas trois streets de value. En checkant, vous permettez à des mains qui auraient fold de miser et donc de faire une erreur. K9o ou 65s par exemple
- Vous devez protéger votre range de check un minimum. En misant des mains comme A2o ou Q9o, il ne vous reste plus grand-chose à payer quand vous checkez et que votre adversaire mise…
- De mon expérience, une fois que des mains comme Q9o ou A2o sont payées sur un Cbet, les joueurs se trouvent rapidement en difficulté. Elles ne sont généralement pas assez fortes pour miser une nouvelle fois en value, c’est donc logiquement que le joueur check à la turn. Le problème, c’est qu’en cas de mise adverse, c’est souvent le début des ennuis…Paradoxalement, le fait de check/call au flop amène moins de soucis que continuation bet au flop et checker la turn. En effet, les adversaires savent qu’on peut continuation bet en bluff et créer des plans contre cela tandis que si vous effectuez un check/call, vous ne pouvez pas ne rien avoir et même si vous représentez votre main moyenne, cela va souvent bien plus calmer votre opposant.
Néanmoins, si vous souhaitez aller plus loin (à vos risques et périls) : la moitié du temps vous pouvez penser à miser un sizing 1/3 pot avec Q9o, l’autre moitié effectuez un check. Vous serez payés par des 3ème paires comme des 7, 88/99 et tous les tirages. Misez vos mains fortes comme AT+ à ¾ du pot. Pour les bluffs, laissez libre court à votre créativité suivant le taux de résistance adverse avec les deux sizings.
Le résumé de la stratégie conseillée :
- Check/call deux fois des mains comme Top paire/kicker moyen et les paires jusqu’au Q.
- Miser ¾ pot les bluffs avec de l’équité, y compris les 7.
- Miser ¾ pot AT+
SITUATION 2 : CO VS BTN Flop : . Héros open raise au cut-off, le bouton, joueur régulier, paye.
Généralement, le bouton va payer votre relance avec une range environ deux fois moins large que la vôtre préflop. Pour analyser ce coup au mieux, le tableau récapitulatif :
Equités souvent du 50/50
Ce genre de board dont il est difficile de dire s’il est totalement dry ou drawy a tendance à inquiéter les joueurs car il y a un tirage couleur. J’entends souvent dans mes coachings des arguments comme « je mise car il y a des tirages ». Il est temps d’analyser s’il s’agit de notre inquiétude prioritaire. Les tirages couleur ne représentent que 7,5 % du range adverse, et si vous avez une main faite, ils n’auront que rarement plus d’une chance sur trois de vous repasser devant d’ici la turn. En résumé : les tirages sont un paramètre, non la priorité dans votre raisonnement.
La question des tirages étant réglée, jouer ce flop hors de position est-il pour autant assez simple ? Pour le dire autrement, à quel point la position a de la valeur ? Je vous propose comme repère la règle édictée par le grand théoricien du poker Matthew Janda dans son ouvrage Applications of No Limit Hold’em :
Plus il est difficile de check/call sur une texture de board, plus la position a de la valeur.
En méthodologie, je vous propose d’imaginer les mains qui seraient des candidates pour protéger votre range de check, en priorité des mains avec lesquelles vous ne pensez pas pouvoir miser trois fois et vous faire payer par moins bien. Un check/call est envisageable avec des mains moyennes comme JTo, 88, A4s, AK par exemple. Il est évident que le niveau technique et le style des deux joueurs entre en ligne compte pour prendre une décision.
D’une part votre capacité à lire les ranges, d’autre part la capacité de votre adversaire à mettre la pression sur des mains moyennes. Ces dernières se trouveront souvent en difficulté à la turn sur des A, K, Q, J, les couleurs qui tombent ainsi que les 3 (sauf si bien entendu lesdites cartes améliorent lesdites mains…). Nous sommes sur une texture de board qui reste assez évolutive.
En comparaison, sur A72, même si un K sort à la turn, le vilain l’utilise rarement pour mettre la pression une fois que vous avez check/call le flop par exemple tandis qu’ici il utilisera très souvent la scare card que constitue ce K. Une stratégie correcte d’un point de vue théorique laisserait une grande part aux checks et on s’orienterait vers un sizing 1/3 pot.
De mon expérience de coach, cette stratégie apporte bien des ennuis aux joueurs de micros dans cette configuration, elle demande une bonne lecture de ranges. C’est pourquoi je vais au contraire vous inviter à miser à haute fréquence (y compris les mains moyennes) contre des joueurs réguliers avec un gros sizing. La raison est que ce genre de joueur aura du mal à s’adapter, il trouvera que payer ¾ pot voire pot avec des mains comme Jx, des As à backdoors couleur tels que , ou même parfois une paire comme 77 est cher.
Pour le dire autrement, vous avez une fold équité immédiate assez conséquente et donc une mise profitable. Vous pourrez tout de même de temps à autre check/call une main comme JT et la spéciale micro-limites : AA. En effet, il y a comme un talisman de protection quand vous effectuez un check/call avec une telle main et que vous la montrer à l’abattage. Le joueur vous perçoit comme un potentiel slow player et va se calmer dans son agression sur un check. L’avantage que vous avez, c’est que les joueurs de ces limites restent avec des conceptions mathématiques assez vagues : ils ne vont pas comprendre que même en s’amusant à check/call de temps à autre une telle main, vous ne défendez toujours pas assez en cas de check (67 % de votre range sur un sizing ½ pot adverse par exemple). Ceci étant, n’abusez pas de ce genre de lignes, sans quoi le joueur en face comprendra facilement que vous si vous checkez de nombreuses mains comme celles-ci, c’est votre range de continuation bet qui est plus faible qu’elle ne veut bien le laisser croire.
Je me dois également de discuter d’une erreur que je rencontre souvent : confondre une main moyenne avec de la showdown value. Dans cette configuration, j’entends parfois certains me dire qu’ils check AJ ou 66 car ils ont de la « showdown value », une main qui a de la valeur à l’abattage.
L’erreur qu’ils commettent est de considérer que la force de ces mains au flop va être celle de la river (et qu’elles vont voir cette river). Or, dans la réalité, sachez que la showdown value de ces mains ne dépend que du bon vouloir de l’adversaire. Si ce dernier décide de mettre la pression, il est peu probable qu’elles arrivent jusqu’à l’abattage et quand bien même ce serait le cas, les bluffs adverses vont leur repasser devant une part du temps non négligeable. C’est pour cela aussi que miser une main comme 88 à ¾ pot est intéressant : vous n’avez pas tant que ça envie qu’une main comme Jx vous paye alors que vous êtes hors de position sur un board dynamique…Ce qui nous mène au nouveau repère suivant :
Une main de force moyenne devrait être misée au flop si elle est fragile face à la range de fold adverse.
Vous pouvez constater que tout est dans les apparences dans ces stratégies. Nous ne misons pas toute notre range afin de conserver un semblant de force perçue. Nous effectuons quelques check/call afin que l’adversaire ne s’enjaille point lorsque nous effectuons un check. Enfin, nous protégeons un minimum notre range à la turn. Le vilain ne doit pas se dire qu’une solution simple d’exploitation s’offre à lui tout en maintenant la pression nous même sur sa range.
Nous restons nous-mêmes déséquilibrés pour exploiter au mieux, nous sommes exploitables mais pas exploités. En bref, nous misons sur le fait que notre adversaire n’utilise pas assez les logiciels poker et les outils mathématiques pour avoir une vision juste des ranges. Précisons évidemment que ce genre de stratégie en montant de limite…montre ses limites…
Résumé de la stratégie :
- Sizing de mise à ¾ pot voire plus.
- Miser la plupart du temps toutes les paires, les overcards, les tirages et les As à backdoor couleur.
- Check de temps à autre une overpaire comme AA/KK, une top paire/medium kicker et pourquoi pas quelques tirages couleurs max.
- Un petit check/raise surprise avec un brelan de temps à autre sera « apprécié » par le collègue...
- A la turn prévoir quelques check/call solides (JT, 88…) voire des check/raise (44/22) car l’adversaire sera tenté de faire du floating (payer la mise du flop pour miser sur un check à la turn) à la longue. Check/fold les mains moyennes river si l’adversaire insiste.
SITUATION 3 : UTG vs BB. Flop : . Héros open Under the gun. La Big blind paye. Board drawy.
Un board qui est un cauchemar pour le joueur hors de position. Dans mon précédent article, je vous avais suggéré de miser ce genre de texture ¾ pot et je pense que cela restera correct dans de nombreuses situations, surtout hors de position. Ceci étant, voici une configuration dans laquelle je pense nous aurions tout à intérêt à suivre ce que suggère parfois la théorie et nous orienter vers du 1/3 pot (en plus, je ne voudrais pas qu’on m’accuse de faire un plaidoyer contre ce sizing). Vilain en BB est un régulier un peu agressif et large, 32/25, il a probablement vu un peu trop de vidéos à des limites qui ne sont pas les siennes et défend systématiquement assez large en blinds. Ici, des mains comme JTo, K2s, 75s…Notez que cela peut aussi être un leak commun chez un joueur de MTT venu jouer en cash game. Le récapitulatif :
En UTG, la range est naturellement forte et possède environ 55 % d’équité sur ce board. Miser 1/3 du pot va accomplir plusieurs missions :
En value :
- Obliger vilain à payer avec beaucoup de mains et certainement des mains qui n’avaient pas toujours l’intention de payer. 3h3x par exemple.
- « Push l’equity » : vous êtes devant une grande partie de sa range et vous cherchez à en faire payer la plus grande partie possible.
- Si jamais une carte désagréable tombe à la turn, le fait d’avoir la position est de toute première importance. La plupart du temps, vous pourrez checker, voir la river, réaliser votre équité et aviser.
- La position fait que de manière générale, c’est vous qui décidez de faire grossir le pot ou non suivant la force de votre main
En bluff :
-
Vilain va vraiment être en difficulté pour défendre suffisamment de mains et ne pas être exploité.
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Vilain en voulant payer plus large va payer des mains fragiles qui supporteront mal l’agression sur certaines turns.
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A l’instar de nombreux joueurs de ces limites, vilain ne check/raise probablement pas assez contre ce sizing, même s’il a tendance à être agressif. Cela vous permettra de réaliser l’équité de vos bluffs plus facilement.
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Quand vilain paye, il cape souvent sa range : c’est l’heure des overbets !
SITUATION 4 : UTG vs BB. Pot 3bet SB vs BTN Flop : . Vilain au bouton open raise, Héros 3bet en small blind, le bouton paye. Board dry.
Voici une situation pour vous montrer que je n’ai pas pris le Cbet à 1/3 du pot en grippe. Nous avons 3bet en SB la range suivante :
AA,KK,QQ,JJ,TT,99,88,77,66,55,44,33,22,AK,AQ,AJ,ATs,A9s,A8s,A7s,A6s,A5s,A4s,A3s,A2s,KQ,KJs,KTs,QJs,QTs,JTs,T9s,98s,87s,76s,65s,54s,43s (17 %).
Vilain au BTN va en général payer des paires, des belles brodways, des suited connectors et quelques mains du type AQ/AJ ou encore A5s. L’histoire commence bien car notre équité tournera autour de 55 %. Deux chiffres vont nous intéresser : le nombre de Air (rien) et le nombre de hauteur As, autrement dit les mains à problème. 49 % cumulés chez la SB, 55 % chez le BTN. On voit donc que ce dernier aura plus de mains qui seront fragiles face à l’initiative du Cbet. Ajoutons à cela le fait que le joueur hors de position possède les meilleurs K avec AK et une belle overpaire AA, vous obtenez comme résultat qu’un simple continuation bet à 1/3 du pot va mettre le joueur en position en grande difficulté. Pour défendre, il devrait payer des mains à backdoor comme , , des AQ et bien entendu toutes ses paires. Si vous continuez en mettant ¾ pot à la turn, ces mains qui résistaient se trouveront assez mal. Aucun joueur régulier de micro-limites (et sûrement au dessus) ne sera de taille à faire face à cette simple stratégie sur ce type de boards.
Il est évident que les exemples pourraient continuer sur des dizaines de pages. J’espère vous avoir donné certains repères qui vous permettront d’une part de pratique un jeu solide et d’autre part d’utiliser les faiblesses spécifiques aux joueurs de micro-limites. Retenez que tout est affaire de proportion, il ne faut pas hésiter à abuser des bonnes choses, à prendre certains raccourcis tout en ne tombant pas dans la caricature car les joueurs de micro-limites, surtout les réguliers, ne sont peut-être pas des joueurs professionnels, toujours est-il que ce sont des joueurs qui réfléchissent, observent et tentent de progresser.