- 26 octobre 2019
- Freudinou
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Bien qu’en théorie il n’existe qu’un seul poker parfait, dans la pratique, joueurs réguliers et joueurs récréatifs viennent avec une vision du jeu qui va influencer leur manière de jouer. Cette dernière va leur donner une idée subjective de ce qu’est le « bon jeu ». Analyse.
Même chez les joueurs réguliers qui sont en théorie à la recherche de la perfection sur les tables, on se rend compte que leur pratique est influencée par des idées directrices plus ou moins justifiées qui sont généralement liées à leur personnalité. Ce que nous appelons un profil va être ce style de jeu qui découle de ces idées directrices.
LES DIFFERENTS PROFILS AU POKER
Nous pouvons classer les joueurs en deux grandes catégories : les joueurs récréatifs qui ne travaillent pas ou très peu leur poker en dehors des tables et les joueurs réguliers qui sont en quête d’amélioration. Si vous lisez cet article, il est probable que vous apparteniez à la seconde catégorie.
Commençons par étudier votre cible principale : les récréatifs.
Le récréatif passif
Plus communément (et affectueusement) appelé le fish passif ou fish calling station. « J’ai fait ma CS » est une phrase très répandue sur les forums poker pour désigner le fait qu’on a payé déraisonnablement.
Sa philosophie est « tant qu’il y a de la carte à venir, il y a de l’espoir ». « Je paye pour voir » est un art de vivre pour lui.
Comment le reconnaître ?
- Un VPIP élevé et un PFR bas. Par exemple 50/3, 60/12, 32/0…
- Des stats d’agressions basses (AF pour Agression Factor, et AFq ou Agg% pour Agression Frequency ou Agression Percentage). Souvent autour des 1 d’AF, 35 % d’AFq et 25 % d’agg%.
- En live, sa tête vous dit quelque chose : c’est normal, il est engagé dans tous les coups où vous avez joué…et dans tous les autres ou presque…Sans forcément faire de vagues.
Vous l’aurez compris, notre ami vient jouer des mains et pousser jusqu’au bout pour voir si elles peuvent finir par gagner. Le tout passivement. Il est là pour provoquer la chance, espérer que son Q3o touche sa double paire miracle à la river, qu’on ne le voit pas dessus et repartir content de sa session en ayant le sentiment d’avoir gagné au poker.
Votre stratégie
- Miser en value jusqu’à ce qu’il vous dise qu’il a mieux. Faites payer cher vos bons jeux sachant qu’un bon jeu contre un tel joueur se résume souvent à une top paire bien kickée. Si jamais vilain vous agresse, en relançant par exemple, alors soyez très prudent : ce n’est pas dans son approche de bluffer. Nombre de regs perdent de gros pots contre de tels joueurs car ces derniers les relancent et ils se disent « non c’est pas possible, il ne peut pas avoir cette main ! » et se rendent compte que si…Ou encore l’excuse n°1 : « c’est un fish, il fait n’importe quoi, je paye ma top paire ». Retenez que ce n’est pas parce qu’il fait n’importe quoi qu’il le fait n’importe comment…
- Ne pas lui raconter des histoires. Inutile d’essayer de construire un scénario comme « je vais représenter la couleur ici pour lui faire folder une top paire ». Vilain ne vous écoute pas, ile ne regarde que sa main. D’ailleurs il regarde souvent une série en même temps…De même, éviter de le bluffcatcher. Une seule exception à cette règle, ce genre de joueur reste capable de bluffer ses tirages ratés à la river, souvent en misant des sizings comme ½ pot.
- Prenez conscience que comme le veut l’expression consacrée, il peut avoir tout et n’importe quoi…mais il a surtout la plupart du temps rien ! On entend souvent la phrase « il ne faut pas bluffer un fish ». C’est un mythe, au contraire, on passe son temps à bluffer les fishs mais en faisant des petits bluffs. En réalité, même en étant très curieux, ils ne défendront pas suffisamment pour ne pas être exploité sur la plupart des continuation bet et autres mises d’opportunisme.
- Ne soyez pas angoissé quand une couleur apparaît sur le board à la turn ou la river. Les joueurs ont tendance à penser que ça y est, le récréatif vient de la toucher. En réalité, sachez qu’il ne l’aura que 25 % du temps au grand maximum.
Notre deuxième catégorie concerne donc les regs. Ce n’est pas parce qu’un joueur paraît de niveau correct au premier abord qu’on doit le laisser tranquille pour autant. Ces joueurs ont des faiblesses…sinon ils ne joueraient pas contre vous mais à des limites galactiques. Voici des propositions pour les catégoriser :
Le nit
Le nit se caractérise par une approche du jeu prudente. Il n’aime pas le risque, l’incertitude et jouer des gros pots qu’il n’est pas sûr de remporter.
Sa philosophie consiste à suivre les cases. Il a balisé le jeu avec plein de règles censées le protéger contre les erreurs et lui garantir à coup sûr des gains réguliers. Il va suivre des principes comme « je paye une fois avec une seconde paire et je fold à la turn », « A la river, si mon adversaire dépasse tel montant de mise je fold ». Etc. Il n’investira de l’argent dans un gros pot que s’il est sûr de le remporter. La spéculation, ce n’est pas pour lui. Conséquence de cette vision : il trouve toujours la première excuse pour fuir un coup et va rarement vous disputer les pots.
Comment le reconnaître ?
- VPIP/PFR bas, par exemple 15/12, 19/16…
- AF élevé, AFq ou Agg% bas
- Fold au continuation bet élevé (+55 %), peu de mises d’opportunisme comme le bet vs missed Cbet/Float flop (~30/35 %).
- Stats de continuation bet qui ont tendance à s’éteindre au fur et à mesure des streets (par exemple 60 % flop, 40 % turn…)
Votre stratégie :
- Vous allez lui voler beaucoup de petits pots. Par exemple ses blinds, les flops sur un continuation bet, effectuer du floating. Etc. Attention, s’il s’accroche vraiment ou pire, s’il commence à vouloir investir beaucoup d’argent, vous avez intérêt à avoir un très bon jeu pour continuer.
- Vous pouvez raconter de grandes histoires à un tel joueur. Si vous le mettez sur une top paire à la river, il est probable qu’une mise énorme sur une carte inconfortable le fasse folder.
- Eviter d’abuser des abus. N’oubliez pas que la réaction de défense du nit est la fuite. Si vous commencez à lui montrer que vous ouvrez T3o au bouton contre lui, il est probable que sa réaction soit de quitter la table. C’est un peu dommage de fermer son livret A sans être sûr d’avoir un investissement plus rentable ailleurs.
Le régréatif
Le régréatif est à mi-chemin entre le joueur régulier et le joueur récréatif. C’est un joueur qui a clairement conscience qu’il faut une stratégie pour être gagnant au poker et qu’il faut travailler son jeu. Seulement, pour des raisons qui lui sont propres, il ne peut pas travailler ce jeu à la hauteur de ses espérances. Ce qui fait qu’il va avoir ce qu’on appelle des pics d’incompétences, autrement dit des leaks qu’on ne s’attendrait pas à rencontrer face à un joueur « éveillé ».
Par exemple, il comprend qu’il faut sélectionner ses mains préflop mais surestime le potentiel de certaines mains. Son jeu est construit sur beaucoup d’idées reçues, des principes plus ou moins douteux qu’il a entendu ici ou là au cours de son apprentissage un peu chaotique. Par exemple « je mise pour me situer ». Son mental est également assez fragile car il a finalement peu d’expérience malgré les années.
Il va par exemple avoir le sentiment que ses premiums ne sont jamais payées ou se font systématiquement craquer. Il n’a pas de philosophie de jeu particulière, chaque régréatif développe des leaks qui lui sont propres et l’empêchent de passer au niveau supérieur.
Comment le reconnaître ?
- Ecart conséquent dans le VPIP/PFR sans aller dans les extrêmes (32/16, 21/8…). En live, c’est un joueur qui semble serré et pourtant on le voit effectuer des open limp, souvent avec des petites paires, des petits As suités et des connecteurs suités.
- Il va avoir certaines stats caricaturales qu’il convient d’identifier. Par exemple fort taux de Cbet au flop (+70 %) et une grande chute à la turn (-30 %). Autrement dit, le joueur mise systématiquement au flop et uniquement en value à la turn ou ses meilleurs bluffs.
Votre stratégie :
- Débusquer les leaks dans le tracker ou en prenant des notes et taper dessus
- Provoquer le tilt et une fois qu’il est tilté, le joueur se mettra à payer/bluffer plus que de raison.
- Ne pas hésiter à miser fort en value dans des situations où on pourrait avoir beaucoup de bluffs, par exemple un board avec des tirages manqués river. Ce genre de profil a tendance à voir le bluff partout.
- C’est un spécialiste du donk bet (+20 %) : observer ses sizings qui donnent souvent beaucoup d’infos.
Les Regs Standards / Bons regs / Top regs
Je vais sûrement vous décevoir, mais il y a un conseil simple contre ces joueurs : travaillez votre jeu (sur Poker Académie), devenez meilleurs, et vous finirez par les dominer.
Certes, l’application du conseil est un peu plus compliquée…Leurs stats seront globalement dans les normes même si aucun joueur n’est parfait. Surtout ne projetez pas votre façon de voir sur eux et gardez à l’esprit que la pastille « joueur régulier » n’est pas un talisman de protection : faites les sortir de leur zone de confort !
Tous les regs ont des trous dans leurs ranges (des déséquilibres) qu’on peut exploiter, mais pour cela, il faut savoir observer, prendre des notes et avoir le niveau pour identifier où se situent ces fameux trous. Il est également important de comprendre le profil psychologique de ces adversaires pour favoriser leur(s) tilt(s).
Voici un schéma récapitulatif des différents profils :
En guise de conclusion, rappelons qu’il y a toujours un humain derrière chaque joueur et qu’il ne peut être réduit à un ensemble de stats et de stratégies préconçues. Charge à vous de noter les subtilités qui le feront sortir des cases que nous avons présentées et qui vous permettront d’avoir l’attitude d’un bon reg, autrement dit être un joueur qui sait s’adapter.