Les joueurs de poker doivent-ils craindre le fisc ?

Les joueurs de poker doivent-ils craindre le fisc ?

Quels-sont les joueurs réellement menacés d'un redressement et comment sont-ils repérés par l'administration ? Quels-sont les risques encourus et comment se protéger ? Cédric Seguin, avocat du droit des affaires et grand amateur de poker lève le voile.


Qui est menacé d'un redressement ?

La doctrine fiscale actuelle, qui ne constitue pas une loi au sens légal du terme mais la position officielle de l’administration, précise que les gains résultant de la pratique du poker sont imposables dès lors que cette pratique est exécutée dans des conditions qui permettent de la qualifier de « professionnelle ».

Pour qualifier un joueur de « professionnel », l’administration procède à partir de la méthode des faisceaux d’indices.

Autrement dit, elle analyse, au cas par cas, la situation du joueur pour vérifier si ce dernier a d’autres sources de revenus, à une pratique soutenue du poker, perçoit des gains qui sont importants par rapport à ceux qu’il perçoit par ailleurs, a bénéficié d’un contrat de sponsoring, etc …

Il en résulte que les joueurs menacés de redressements liés aux gains de poker sont les joueurs qui peuvent être considérés par l’administration comme des « professionnels ».

Dans le principe, le joueur amateur, ne pratiquant le poker que de manière occasionnelle, exerçant une profession dont il retire, de manière régulière, les revenus qui subviennent à ses besoins quotidiens, ne sera pas imposé sur les gains qu’il réalise.

Mais, la frontière est parfois ténue et il existe nombre de situations que l’administration n’hésite pas à « utiliser » pour alléguer du caractère professionnel de la pratique du poker par un joueur.

Prenons le cas, par exemple, d’une personne se trouvant au chômage depuis six mois, qui pratique le poker depuis plusieurs années de manière totalement amateur et qui, du fait de sa situation de demandeur d’emploi, a plus de temps pour jouer au poker et qui s’y adonne donc de manière très régulière depuis 3 mois. Puis, cette personne a eu la chance de réaliser un gain très important en gagnant le Main Event de Winamax.

Il n’est pas impossible, bien au contraire, que l’administration utilise à son profit le flou juridique de la définition de la notion de professionnalité pour tenter de taxer les gains réalisés par ce joueur dont elle pourra prétendre qu’il est professionnel … depuis quelques mois …

Cet exemple, même s’il ne correspond pas à une situation réelle identifié, est loin d’être une fiction compte tenu des pratiques de l’administration fiscale à l’égard des joueurs de poker.

Il existe donc une grande insécurité fiscale en ce qui concerne les gains de poker et chaque joueur doit analyser, au cas par cas, sa situation pour savoir s’il est menacé ou non d’un redressement afférent aux gains résultant de la pratique du poker.


Comment les joueurs sont-ils repérés par l’Administration ?

Il n’est pas facile répondre à cette question.

À mon avis, il y a plusieurs sources d’information.

Tout d’abord, il n’est pas possible d’exclure qu’il existe, aujourd’hui, une collaboration étroite entre l’administration fiscale et l’ARJEL.

Rien ne dit que l’ARJEL ne communique pas à l’administration les coordonnées de joueurs gagnants ayant une pratique soutenue.

Il y a aussi les banques qui, dans le cadre de leur obligation d’information concernant les mouvements financiers litigieux, sont susceptibles de signaler que telle personne, n’exerçant pas de profession à leur connaissance, opère des mouvements financiers importants sur son compte bancaire.

L’activité des sites de jeux en ligne reste très obscure pour les banques et la provenance des opérations financières, certains sites étant basés dans des pays jugés suspects comme Malte ou encore l’Ile de Man, conduisent à des signalements.

Ensuite, il y a bien sur la visibilité des joueurs, leur notoriété, tout ce qui permet d’identifier un joueur de poker.

Mais, le plus frappant actuellement, c’est que des joueurs inconnus sont contrôlés, ce qui me laisse vraiment penser que la source de la transmission des informations vers l’administration fiscale peut être l’ARJEL.


Quels sont les risques encourus ?

Si l’administration considère un joueur comme étant un professionnel et que ce dernier n’a pas déclaré ses gains de poker, l’administration n’hésite pas à mettre en œuvre une procédure de taxation d’office sur la base d’une activité occulte du joueur de poker.

La mise en œuvre de cette procédure est loin d’être anodine puisque ses conséquences sont extrêmement pénalisantes pour la personne contrôlée et sont très lourdes en matière de «  pénalités » .

En effet, la procédure de taxation d’office pour activité occulte permet à l’administration de «  renverser la charge de la preuve ».

Cela signifie que l’administration considérera que les gains de poker obtenus résultent d’une pratique professionnelle et qu’il appartient au joueur, en retour, de faire la preuve que ce n’est pas le cas.

Dans le cadre d’une procédure de vérification fiscale classique, c’est à l’administration de prouver que telle somme aurait dû être déclarée et que l’absence de déclaration constitue un manquement.

Dans le cadre de la procédure de taxation d’office, l’administration n’a rien approuvé. C’est le joueur, dès lors qu’elle le considère comme professionnel, qui doit rapporter la preuve que ses gains ne sont pas imposables…

Ce n’est pas toujours simple.

Ensuite, dès lors que les gains de poker ressortent de la catégorie fiscale des bénéfices non commerciaux (BNC), la non adhésion à une association de gestion agréée emporte majoration du bénéfice imposable de 25 % pour calculer le montant des impôts qui sont dus.

Ensuite, les intérêts de retard calculés sur une base de 4,80 % par an s’ajoutent aux impôts qui doivent être payés.

Enfin, il existe une pénalité « automatique » de 80 % qui est calculée sur les impôts qui sont dus, résultant de la procédure de taxation d’office pour activité occulte.


Comment se protéger ?

Je vais un peu « plaider pour ma paroisse ».

Pour se protéger, il faut faire une analyse de la situation personnelle du joueur concerné afin de mesurer les risques d’une éventuelle qualification de joueur professionnel.

Pour ce faire, je recommande de consulter un spécialiste en la matière, comme moi par exemple :)

Il est aussi possible de décider de déclarer afin de ne prendre aucun risque.

Dans ce cas, il est également opportun de se rapprocher d’un spécialiste pour pouvoir bénéficier, le cas échéant, des enveloppes fiscales à disposition et pour pouvoir optimiser.


Que faire en cas de contrôle ?

À nouveau, je recommande de consulter, de manière immédiate, un spécialiste pour assister le joueur dans le cadre du contrôle fiscal.

La manière dont les choses vont se passer, au global, dépend très majoritairement de la manière dont le contrôle se déroule et des éléments fournis à l’inspecteur.

Il est donc essentiel et déterminant d’être bien accompagné dans la phase du contrôle fiscal pour pouvoir se défendre de la meilleure manière possible et limiter au maximum les risques de redressement.

J’insiste vraiment sur le fait que l’économie des honoraires d’assistance à contrôle fiscal est un mauvais calcul au final car le coût du redressement, associé aux intérêts de retard, à la pénalité de 80 % et à la majoration du bénéfice de 25 % est très rapidement beaucoup plus important et décuplé en cas de mauvaise défense.

 

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Informations sur l'auteur

Cédric Seguin, avocat spécialisé en droit social et droit des affaires
Cabinet : CS Avocats Associés
Adresse : 64 rue de Toqueville, 75017
Tel : 01 56 33 70 20
Mail : www.csavocats.com

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