LE JEU EN BLINDS EN NANO-LIMITES
Je propose ici une stratégie de jeu en blinds à destination des joueurs débutants ou des joueurs évoluants en NL 2/4/5. Au dessus, cette stratégie commencera à montrer sérieusement ses limites. Il ne s’agit donc pas d’un jeu optimal et encore moins inexploitable mais le but est de vous proposer une range relativement solide qui vous permettra de rentabiliser vos mains dans certaines situations et d’éviter de perdre trop de jetons dans d’autres. C’est donc avant tout un guide de survie que je propose ici. Je vais tenter de couvrir les situations les plus typiques et les écueils à éviter. Avant toutes choses, plusieurs remarques générales :
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Une range n’est jamais statique. Il faut l’adapter selon le profil des joueurs que nous avons en face, la dynamique, notre image, notre position, etc. Au delà de la valeur absolue d’une main, il faut surtout se poser en toute honnêteté la question de savoir si nous avons les compétences pour la jouer. Par exemple, on peut ouvrir A3s UTG, c’est une main qui peut faire des TP à l’As, des tirages quinte et des tirages couleur. Cependant, vous risquez souvent de jouer le coup hors de position, lorsque vous toucherez un As, saurez vous vous situer lorsque l’adversaire payera votre Cbet ? Quand vous toucherez un tirage, saurez vous quand le jouer agressivement et quand le jouer passivement ? etc. Si vous débutez ou que vous ne battez pas la NL 4, il y a de fortes chances que la réponse à ces questions soit non et c’est pourquoi il ne faudra pas jouer cette main. Dans le même ordre d’idée, il vaut donc mieux parfois accepter de perdre sa blind plutôt que d’en perdre plusieurs “parce qu’on devait jouer la main”.
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Je n’aborderai pas la défense en 3bet qui mérite un traitement à part entière. Retenez juste que transformer certaines mains en bluff peut être un bon moyen de défendre ses blinds s’il est utilisé dans les bonnes circonstances, même en nanos.
Je vais prendre 3 situations : lorsque vous être le premier à ouvrir, lorsqu’il y a un/des limper(s) avant vous et lorsqu’il y a un/des open raiser(s)
Vous êtes le premier à ouvrir (personne n’est entré dans le coup avant vous)
EN SB
C’est l’unique situation et nous allons construire deux ranges : un range de vol et un range de value.
Le range de vol
A destination des joueurs qui foldent en BB plus de 70 % sur notre raise (attention à bien considérer la stat de SB vs BB). En théorie, nous pourrions ouvrir 100 % des mains. En pratique, je conseille d’ouvrir environ 70 %. En effet, un adversaire qui à priori ne s’adapte pas finira par le faire s’il nous voit retourner 72o au showdown.
Si vous êtes payé, gardez à l’esprit que votre but est avant tout le vol et que la range de votre adversaire est assez forte. En théorie, vous pourriez check/fold lorsque vous n’avez rien et tout de même gagner de l’argent. En pratique, vous pouvez faire un Cbet en bluff sur un board favorable, pas plus. Soyez attentifs au profil adverse, un adversaire qui folde 70 % n’a pas le même range de call qu’un adversaire qui folde 90 %, regardez ses FCBET, WTSD, etc. Vous pouvez raiser à 3x au lieu de 4x pour avoir un meilleur risque/récompense.
A l’attention des raisers fous : vous riez beaucoup de votre adversaire qui ne capte pas que vous êtes en train de lui voler ses blinds à chaque tour mais vous pourrez aussi rire de vous lorsque vous continurez à le faire alors que votre adversaire a compris votre manège au bout de 1000 mains ou si vous n’avez pas remarqué qu’il folde sur une relance à 4x mais considère une relance à 3x comme un invitation à payer.
N’oubliez pas d’utiliser le même sizing que vous ayez AA ou 65o.
Le range de value
On considère qu’on va être payé par l’adversaire, vous devez donc avoir un range fort qui puisse jouer hors de position. Je conseillerai le range suivant : 22+,A9s+,KTs+,QTs+,JTs,A9o+,KTo+,QJo (17,3 %).
L’objectif est de se situer relativement aisément au flop et d’être devant la range adverse quand on touche TP (notons que A8 est la main médiane à partir de laquelle on bat un adversaire qui joue tous les As). Au fur et à mesure que vous affinerez la lecture de votre adversaire, vous pourrez rajouter des mains comme A8, des SC ou encore des mains type QTo, K9s, etc. S’il vous semble difficile à jouer, rien ne vous empêche d’enlever aussi des mains comme JTs ou QTs.
Comme notre range est en value, nous allons relancer à 4x, on fait payer à l’adversaire le privilège de la position et on veut mettre le plus d’argent possible dans le pot. Je me répète mais n’oubliez pas d’adapter votre range au profil adverse, un adversaire qui folde 60 % n’est pas le même que celui qui fold 20 %, on ne va pas jouer les mêmes mains s’il est très agressif postflop ou s’il a tendance à 3bet, s’il folde ou non au Cbet, etc. mais à mon sens, cette range est une bonne base de réflexion.
Il y a un/des limper(s) avant vous :
Plus il y a de limpers, plus on a une bonne cote pour compléter, encore faut-il se demander une cote pour quoi ? Voici quelques pistes de réflexion à l’aide de quelques probabilités :
Flopper une couleur avec deux cartes assorties : 124/1 (0,8 %)
Deux cartes assorties faisant tirage couleur : 8/1 (11 %)
Deux cartes faisant double paire : 47/1 (2 %)
Toucher une paire avec deux cartes comme AK : 2,1/1 (32 %)
Toucher brelan avec une paire : 7,5/1 (12 %)
En moyenne 14/1 (6,5 %) de flopper un tirage quinte avec une main à un trou
EN SB :
Pour commencer, il faut considérer la BB qui peut relancer et venir contrecarer nos plans de voir un flop peu cher. Les situations sont également variables selon le nombre de limpers.
S’il y a 2 limpers ou plus, vous pouvez limper les bons connecteurs assortis ou les Axs. Limpez également les pocket paires inférieures à 77.
Contre deux limpers ou moins, je pense qu’on peut pratiquer un iso raise avec la range de base suivante : 77+,A9s+,KJs+,A9o+,KJo+ (12,1 %). Au delà de deux limpers, les situations diffèrent tant que je n’ai pas de conseils précis si ce n’est de vraiment vous projeter avec votre main contre toute une table…
Je pense que vous pourrez étendre à 77+,A9s+,KTs+,QJs,A9o+,KTo+,QJo (14,5 %) à mesure que vous progresserez, l’idée étant toujours de toucher fort dès le flop. On ne va étendre cette range que lorsqu’on a de grandes chances de se retrouver en tête-à-tête contre un adversaire large qui fold énormément au Cbet ou contre une baleine qui navigue dans les eaux internationales. Cependant, gardez à l’esprit que même QJo est en coin flip contre une range de 50 %, ne vous mettez donc pas dans des coups compliqués inutilement, surtout hors de position et posez-vous également la question d’iso raise A9s contre toute une table qui a limpé ou contre un joueur qui est 12/0 et limp/fold 0 %…
En BB :
Vous avez le privilège de pouvoir checker certaines mains “gratuitement”, ne vous en privez pas. Je conseillerai d’iso raise avec le même range que la SB s’il y a un ou des limpers. Une exception concerne le jeu SB/BB avec une SB qui limpe : ne laissez-pas votre adversaire voir des flops contre vous pour peu cher. S’il a tendance à limp/fold ou à folder au Cbet, on peut raise énormément de mains comme des Ax, Kx, SC, etc. Faîtes attention à sa fréquence de limp, si c’est la première fois qu’il le fait, cela peut être un piège mais dans le cas contraire, utiliser le fait que vous ayez la position contre une range faible. Quoiqu’il en soit, prenez des notes quand vient le showdown.
Situation avec des open raisers :
Mon conseil est très simple : jouez au poker…Il est encore plus difficile d’extraire des généralités face à des open raisers. Prenons un exemple pour illustrer ce fait : nous sommes en SB, et l’UTG raise. Nous avons AJo :
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Si l’UTG ouvre à cette position 22+,AJs+,AQo+ (8,6 %). Contre cette range, cela devient une grosse erreur de payer car nous n’avons que 37 % d’équité. Il faut soit fold, soit 3bet en bluff si l’adversaire fold beaucoup au 3bet à cette position (ce qui sera rare en micros).
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Si l’UTG ouvre 22+,A2s+,KTs+,QTs+,JTs,T9s,98s,87s,76s,65s,A2o+,KJo+,QJo (26,4 %), nous avons 57 % d’équité et c’est une grande perte de value de ne pas payer au minimum.
Je vous conseille donc de régulièrement utiliser pokerstove pour savoir si une main se situe devant tel ou tel range. Gardez aussi en tête la jouabilité de la main. En effet, face à un joueur qui vole beaucoup au bouton, on est devant en payant avec A2o en SB mais pourrez-vous réellement jouer cette main postflop ?
Concernant les pocket paires en dessous de 77, on va les fold le plus souvent face à un open raiser, le fait est que pour les rentabiliser, nous devrons opérer une action agressive hors de position qui fera le plus souvent fuir notre adversaire couplé au fait que les chances de faire des overpaires diminuent. Si certains profils vous posent problème, n’hésitez pas à ne payer que 99+ contre eux (72 % du temps il y aura au moins une overcard contre 82 % avec 77, vous allez me dire que c’est encore beaucoup mais je vais vous répondre qu’on est quand même venu pour jouer au poker…). Il ne faut jamais payer une main “parce qu’on doit la payer”. Nous gardons l’option de parfois 3bet ces pockets paires interdites ou de les payer contre des adversaires serrés qui ne sauront pas lâcher leur main postflop.
C’est peut-être un leak de ma part, mais j’ai tendance à payer les paires < 77 contre un open raiser suivi d’un caller, considérant que je vais avoir plus de chance de rentabiliser.
Conclusion
Je ne répèterai pas ce que j’ai déjà expliqué en introduction et rabâché à longueur de ligne. Il ne s’agit que de ma vision des choses et il y a fort à parier que si cinquante joueurs proposaient une stratégie, vous auriez 50 versions différentes (je vois d’ici arriver le débat sur le fait d’iso raise QJo ou d’ouvrir 33 en SB…). Simplement, j’aimerais attirer votre attention sur le fait de ne pas devenir un “bot” au poker. Ne pas jouer une main car vous ne pourrez pas la maîtriser est une chose mais vous ne risquez pas de le faire si vous ne la jouez jamais ! Aussi, n’hésitez pas de temps en temps à tester vos ranges. Par exemple, sélectionnez un profil large, payez avec 65s en blinds, élaborez un plan (Check/raise, donk bet, check/call-check/raise turn…) et voyez ce qui se passe. Analysez ensuite cette main et essayez de comprendre ce qui a marché et ce qui n’a pas marché, avec l’aide d’un tiers éventuellement. Faîtes aussi un bilan de votre range toutes les 50 K hands environ pour voir avec quelles mains vous gagnez et avec lequelles vous perdez et pourquoi. Analyser votre jeu et essayer de l’améliorer reste encore le meilleur moyen de progresser plutôt que d’appliquer des tableaux pokerstove.
J’espère que cela pourra aider certains joueurs, n’hésitez pas à me faire part de vos remarques et à corriger mes erreurs. Si vous jouez en NL 2, n’hésitez pas aussi à être hypocrite et à me faire croire que vous ne saviez pas ce qui vient d’être dit et que je viens de donner un sens à votre existence B) . Bon grind à tous, moi je vais aller manger des blinds…