Dans un autre post, j’avais commencé à expliquer que le poker n’est pas vraiment l’enjeu de poids dans cette histoire (je dirai le grand perdant)
Je reprend ici un excellent article de stratégie du marché développé par Paul Bougnoux
Partner (Largilliere Finance) sur le site gaminglaw sur le thème :
Etat des lieux et perspectives du marché français des jeux d’argent en ligne
"[i]Dans le contexte animé de l’ouverture maîtrisée des jeux d’argent en ligne en France, il semble utile de dresser un tableau général de la situation.
Si les opérateurs sont prêts à partir à la conquête du marché français, le démarrage opérationnel reste
déterminé par le calendrier règlementaire.Le début de la Coupe du Monde de football sera l’occasion pour les opérateurs de paris sportifs disposant
d’un agrément de mettre en oeuvre leurs partenariats média et de communiquer massivement auprès du
grand public ; la concurrence s’annonce intense au moins dans un premier temps.Les opérateurs spécialisés dans le poker ou les paris hippiques seront également amener à relever des défis
majeurs inhérents à leurs activités.
Enfin les fournisseurs et les prestataires de services du secteur du Gaming sont eux aussi confrontés à un
agenda serré qui est défini par des contraintes réglementaires strictes.
Si le secteur du jeu d’argent en ligne a fortement évolué ces derniers mois, des mutations majeures
devraient continuer à survenir dans les mois et les années à venir.
Point règlementaire à la veille de l’ouverture du marché
Si nous disposons aujourd’hui d’une loi qui vient d’être votée, nous restons dans l’attente de la promulgation
des décrets d’application de cette loi par Arrêté Inter Ministériel.
Rappelons qu’il plane un aléa majeur dans le processus d’ouverture avec la saisine du Conseil
Constitutionnel.
Dans l’hypothèse où le Conseil Constitutionnel ne modifierait pas la loi, la promulgation de cette dernière
devrait intervenir dès le 17 mai prochain.
Les étapes suivantes seront :
* Les opérateurs auront la possibilité de déposer un dossier de demande d’agrément dès le jour
suivant la parution des Décrets au Journal Officiel.
* Si les dossiers sont remis dans les quelques jours suivants cette parution, l’ARJEL sera en mesure
d’accorder ou de refuser la demande d’agrément avant le début de la Coupe du Monde de Football.
* De fait les opérateurs ayant transmis leurs demandes dans cette première vague seront en mesure
d’exercer légalement leur activité pendant la Coupe du Monde de Football.
* Enfin, il restera à finaliser les dossiers d’agrément durant la période « transitoire » de six mois pour
une mise en conformité totale des opérateurs aux exigences du cahier des charges.
Pour les opérateurs non présents lors de cette première vague, l’Arjel risque d’appliquer le cadre strict de laloi en utilisant tout le délai légal de 4 mois pour instruire toute demande d’agrément. Les agréments suivants
ne seraient alors pas exploitables avant l’automne 2010, au mieux.
Une fois l’agrément obtenu, la stratégie des opérateurs va se concentrer sur la conquête des parts de
marché et la mise en oeuvre d’accords media et publicitaires.
Rappelons préalablement que le marché français des jeux d’argent en ligne est estimé à 300 millions d’euros
en 2009 et 1,7 Milliards d’euros en 2014. Il est considéré comme étant le premier marché d’Europe
continentale.
Le marché français des jeux d’argent (casinos, PMU et Française des Jeux confondus) avait déjà représenté,
au total, 21,6 milliards d’euros en 2009.
Avec la Coupe du Monde, la clé d’entrée du marché français sera le pari sportif.
Cinq acteurs historiques affichent des ambitions importantes : Betclic, Unibet, Bwin et bien sûr les deux
futurs anciens monopoles français (la FDJ & le PMU). Plusieurs acteurs se présentent avec des ambitions
diverses : des poids lourds européens, comme Ladbrokes ou Sportingbet , ou des acteurs français très actifs
FrancePari, Sajoo, EurosportBet, Mitiwin, par exemple, …
La majorité de ces acteurs a passé des accords technologiques leur permettant d’étendre le périmètre de
l’offre présentée aux joueurs et donc de proposer également du poker et du pari hippique, sous réserve de
l’obtention des agréments requis.
Dans le même temps, étant données les conditions d’accès au marché français, plusieurs acteurs mondiaux
ne solliciteraient pas d’agrément (PinnacleSports, Interwetten, …). L’attitude de l’ARJEL face aux opérateurs
non agréés sera particulièrement suivie par les opérateurs légalistes.
Toutefois, l’ouverture du secteur ne se limite pas à la Coupe du Monde et aux paris sportifs.
Les grands acteurs mondiaux du poker affinent également leur stratégie.
Nous devrions rapidement avoir une vision plus claire des positions arrêtées par FullTilt, PokerStar ou bien
encore PartyPoker.
Les acteurs francophones, comme Winamax ou Everest, vont mettre également en application des accords
media majeurs dès l’obtention de leur agrément. L’un des facteurs clés de succès dans le poker sera alors la
liquidité de joueurs exclusivement français et la capacité à empêcher les gros joueurs français à jouer sur des
sites en .com donc illégaux en France.
Le dernier secteur est celui des paris hippiques. Rappelons qu’il s’agit d’un secteur historiquement très
important en France. Comme pour les autres types de jeux, ses grands acteurs comme Zeturf et bien sûr le
PMU vont se positionner très rapidement. Ici aussi, il existe une forte barrière à l’entrée du fait de
l’obligation de travailler sous forme de pari mutuel ; ce sont les obligations de maîtriser le totalisateur et la
masse commune.
Si le pari hippique est actuellement moins médiatisé que le pari sportif, force est de constater que ce secteur
sera lui aussi soumis à des changements majeurs avec de nouveaux intervenants.
L’une des questions est aussi de savoir ce que vont décider de faire les grands acteurs étrangers comme
StanleyBet ou Churchill Downs (groupe coté en Bourse qui opère le Derby du Kentucky), …
Dans ce contexte, on peut penser qu’un mouvement de consolidation du secteur surviendra assez
rapidement, comme cela a déjà été observé dans de nombreux secteurs économiques en forte croissance.
Des acteurs leaders s’imposeront, tant en France qu’à travers l’Europe, tandis que des acteurs plus petits se
développeront sur des niches communautaires ou spécialisées (par jeu par exemple).
Cette industrie est animée par de nombreux prestataires spécialisés qui apportent leur expérience aux
opérateurs.
Nous observons des évolutions stratégiques décisives.
Ainsi le secteur de l’affiliation se concentre d’ores et déjà rapidement et verra émerger des poids lourds de
dimension européenne, comme Gambling Affiliation pour les plates-formes, et Sospronostics, Top Affiliates
Publishing ou CMedia pour les portails d’informations.
Des agrégateurs communautaires se distinguent également, comme l’Ecole Française de Poker ou Canalturf.
Ce sont des acteurs qui ont vocation à regrouper des joueurs qui parient gros ou des communautés
importantes et fidèles, qui ont donc une player value importante. Ce type de population intéresse
particulièrement les opérateurs car elle permet de recruter et/ou de fidéliser de bons joueurs.
Pour l’instant, les grands bénéficiaires de l’ouverture du marché semblent être surtout les fournisseurs de
pelles et de pioches que sont les fournisseurs de solutions logicielles : Playtech, Lottomaticca, Intralot,
MicroGaming, et quelques acteurs plus petits mais en forte croissance ou très actifs, comme B3W.
Alors dans ce contexte, nous pouvons nous demander quelles sont les perspectives du marché français et
mondial des jeux d’argent ?
Les grandes mutations restent à venir et de grands défis vont se présenter à tous les acteurs de cette
industrie :
* Dans les prochains mois : nous passerons d’un marketing de la conquête à un marketing de la fidélité
des joueurs ;
* Dans les 12 à 18 mois à venir :
o Nous attendons déjà la revue de la Loi française (avec peut être une modification de la
fiscalité, ou du périmètre des jeux autorisés, avec l’introduction du casino, du bingo, ...) ;
o La consolidation du secteur à travers toute l’Europe est annoncée ;
o Comme dans toutes les industries en forte évolution, nous allons aussi rentrer dans une ère
de financiarisation avec l’arrivée de fonds d’investissement généralistes attirés par la forte
croissance de ce marché ou bien des introductions à la Bourse de Paris par exemple.
* D’ici 2 à 4 ans :
o Verra-t-on une autorisation des betting shops en France ?
o Assistera-t-on à l’ouverture du marché américain des jeux en ligne ?
* Et à plus longue échéance, il est envisageable :
o D’imaginer une convergence des secteurs du gaming (jeux vidéo) et du gambling ;
o D’assister à un rapprochement des acteurs européens et/ou américains avec les acteurs
asiatiques et donc à la mondialisation complète du secteur.
En conclusion, les opérateurs français vont devoir surmonter de grands défis ces prochaines semaines pour
s’imposer sur ce marché concurrentiel et règlementé.
A plus longue échéance, toutes ces grandes mutations seront clairement de nature à rebattre les cartes sur le
marché qu’il soit français, européen ou mondial". [/i]