[center]LE JEU AU BOUTON EN NANOLIMITES[/center]
« Au bouton, tout est bon »*. Si le principe de cette citation est exact dans de nombreux cas, en abuser pourrait rapidement vous mettre en difficulté. C’est pourquoi je me propose aujourd’hui de partager avec vous certains conseils afin d’améliorer votre rendement au bouton en nanolimites. Je rappelle une nouvelle fois que je m’adresse à des joueurs évoluant en NL 2/4/5 et que je propose ici une stratégie de base destinée à éviter les erreurs grossières tout en jouant un minimum au poker, il ne s’agit donc pas de stratégie optimale.
Le bouton est la position de vol par excellence. Lorsque vous ouvrez le coup, il y a peu de chances que les joueurs qui parlent après vous possèdent une main digne de ce nom. De plus, le fait que vous ayez la position risque de dissuader nombre d’entre-eux de s’opposer à vous malgré leurs soupçons à votre égard. C’est justement le fait que vous serez toujours le dernier à parler postflop qui vous donne également un avantage sur les joueurs ayant ouvert les hostilités avant vous. Personnellement, je vois le bouton comme une sorte de laboratoire à destination du joueur de nanolimites : vous allez pouvoir tester certaines mains et tenter de comprendre la manière de penser de certains joueurs à une position idéale. Par exemple, quand checker un tirage et quand le jouer agressivement, à quelle street certains adversaires vont folder, relancer ou payer une mise etc. Petit tour d’horizon des différents scénarios.
[center]Vous êtes le premier à ouvrir.[/center]
Je propose une nouvelle fois de définir une range de vol et une range de value.
La range de vol :
Si la somme des Fold to steal des deux joueurs en blinds est supérieure à 140, vous pouvez en théorie ouvrir 100 % de vos mains**. En pratique, je conseille d’ouvrir 70-75 % afin de ne pas mettre un terme à votre hégémonie dans le cas où un adversaire prendrait mal de vous voir retourner 72o à l’abattage. A titre indicatif, je partirais de la base suivante (74,1 %):
Surtout, n’oubliez pas la stat la plus importante de votre tracker : le nombre de mains. Si elle est faible, privilégiez le VPIP/PFR de vos adversaires qui vous donnera les indications de leurs tendances. Un 45/25 sur 50 mains qui a 80 % de Fold to steal constitue le plus souvent un simple hasard et on considèrera qu’il y aura de grandes chances qu’il défende sa blind. De même, si un adversaire a un Fold to steal à 90 % et l’autre à 50 %, d’un strict point de vue mathématique le move est EV+ mais peut-être avons-nous plus intérêt à ouvrir avec une range destinée à faire de la value contre l’adversaire ne foldant pas assez. N’oubliez pas également que vous êtes venus pour voler, sachez lâcher vos mains, surtout contre une range qui est forte. Vos adversaires mettront souvent du temps à s’adapter ou leur adaptation sera insuffisante même en vous voyant retourner Q2s. Par exemple, si la BB passe de 2 à 5 % de 3bet, cela ne changera rien au fait que c’est vous qui faîtes de l’argent sur elle en blinds…ne rendez pas cet argent dans une bataille d’ego inutile en le dilapidant dans un malheureux pot 3bet…
Un dernier petit mot sur le sizing : les relances à moins de 3bb en vol ont moins de succès en nanolimites par rapport aux limites supérieures.
La range de value :
Je propose la range de base suivante :
Un titre plus précis mais moins séduisant aurait pu être « range pouvant assumer d’être payée ». Evidemment, je me répète, mais il n’y a pas de range définie, tout ce que nous savons, c’est que notre adversaire paie avec une range trop large et qu’il aura donc une range toujours large au flop***. C’est une range de base qui pourra être affinée à mesure que les infos s’accumuleront ou que votre niveau de jeu s’améliorera, j’ai proposé une range relativement forte et qui pourrait être encore plus serrée si vous faites des erreurs avec des As mal kickés par exemple. De même, j’ai enlevé certains brodways, source d’erreurs pour les joueurs de nanolimites alors que les suited connectors se jouent plus naturellement et surtout peuvent souvent checker en position dans le doute. L’idée étant d’avoir une range avec laquelle vous êtes à l’aise contre des joueurs sur lesquels vous avez suffisamment d’infos pour savoir que vous allez être payés.
Cependant, je vous invite à lutter contre les automatismes au poker, de nombreux joueurs ont des ranges prédéfinies qu’ils vont appliquer à la lettre alors que les situations diffèrent grandement. Il serait vraiment dommage de tomber dans ce piège à une position si favorable que le bouton où la position précaire des adversaires ne va pas leur permettre de grandes fantaisies. Rares seront ceux qui sauront vraiment se défendre avec des plans de défense sur plusieurs streets à ces limites. La plupart du temps, même s’ils tentent quelque chose au flop, ils reprendront leur manière naturelle de jouer dès la turn. Si vous détectez une faiblesse, c’est le moment d’appuyer dessus. Imaginons par exemple que nous observons qu’un adversaire large paie souvent au flop mais fold au turn, on va au contraire vouloir jouer le plus de mains possible en position avec un mélange entre mains pouvant multi-barrel avec de l’équité (suited connectors, one gappers, Axs, Kxs) et mains ayant des chances de gagner au showdown (TP même mal kickée) qu’il ne faudra toutefois pas surjouer. Un exemple de range « hybride » contre ce profil:
Bon j’avoue que je reste sobre, je n’oublie pas que des gens liront et peut-être même appliqueront ce que je propose
Pour étayer un peu la réflexion, il faut savoir qu’un joueur qui défend 40 % des mains et qui décide que l’argent posté en blind lui appartient n’est pas le même qu’un joueur qui défend 40 % et joue fit or fold. Faire le raisonnement « Ce sont des fishs, hop, range de value » n’est pas la meilleure approche. Dans le premier cas, on va éviter les suiteds connectors qui toucheront de mauvaises top paires, qui n’auront que peu de fold equity et qui ne pourront pas réaliser leur équité en raison de l’agression adverse. On peut aussi abandonner quelques As/Rois weaks si vous êtes mal à l’aise avec l’idée de jouer votre tapis avec Top paire/mauvais kicker. L’idée de base étant de le cueillir (ensuite, quand vous serez devenus un shark grâce à PA, vous pourrez penser à bluffer le bluffeur…). Ayez aussi à l’esprit que si votre adversaire joue mal, cela ne veut pas dire qu’il est idiot. Lui montrer qu’on peut folder parfois à une autre street que le flop n’est pas mauvais si on risque d’avoir une dynamique, sans quoi il remarquera que si on est prêt à lui donner de l’action, c’est qu’il est battu. Dans le second cas qui défend également 40 %, on peut élargir notre range puisqu’il va folder au turn très souvent et on se rapprochera plus de la range hybride exposée précédemment. Il faut dépasser la légende urbaine qui dit qu’on ne bluff pas un joueur récréatif. En prime, votre adversaire se fera un plaisir de vous livrer des tas de jetons lorsque vous aurez touché une top paire bien kickée et qu’il aura touché une paire lui aussi.
Pour résumer : réfléchissez au profil adverse et quelle range va jouer le mieux contre lui.
[center]Il y a un ou plusieurs limpers avant vous.[/center]
Avant toute décision vous devez déjà regarder le profil des joueurs situés…derrière-vous. En effet, c’est un peu dommage de faire un iso raise avec 73s car vous avez 344000 mains sur un limper et que vous connaissez tous ses schémas de mise et de voir votre plan ruiné par un bon 3bet des familles venant de la BB qui affiche un joli 25 % de 3Bet…Le maître mot avant tout raise ou iso raise est : anticipation. Regardez votre main, imaginez la situation la plus probable qui risque de se produire après votre raise et demandez-vous si c’est bien la situation que vous désirez.
Il va y avoir une nouvelle fois une partie forte de notre range et une partie plus flexible. La partie forte, sauf en cas de 3beteur fou en blinds, reste la plupart du temps la même : ce sont des mains qui veulent être payées et qui peuvent l’être par plusieurs joueurs, comme des bons As type AJ/ATs, des gros brodways et des paires comme 22+. Je fais partie de l’école qui pense que raise une pocket paire en position est EV+ puisqu’on va rentabiliser lorsqu’on va toucher notre brelan…Entendons-nous bien : lorsque je dis plusieurs joueurs, j’entends le plus souvent deux joueurs maximum…Les situations sont plus spécifiques au delà.
Concernant la partie flexible, la plupart du temps votre question va être la suivante : dois-je iso raise ou limp back ? Elle concerne le plus souvent des Suited connectors voir des one gappers, parfois des mauvais As ou des brodways limites comme QTo. Vous devez absolument avoir un plan avant de relancer ces mains.
Première question à considérer : l’iso raise va-t-il marcher ? En effet, le but d’un iso raise est avant tout…d’isoler. Pour cela, je pense que la stat de limp/fold est intéressante. Elle donne une idée de la fréquence à laquelle nous allons retrouver un adversaire après notre raise mais aussi contre quelle proportion de sa range. Sachez qu’un 40/13 qui limp/fold 70 % garde une range bien précise qu’il convient d’identifier. On va parfois le relancer avec 65s juste pour le faire folder préflop avec une main qui peut cependant toujours jouer postflop. N’hésitez pas à trouver le point de leverage**** des joueurs ayant un limp/fold assez bas, vous serez souvent surpris de voir l’argent que certains sont prêt à dépenser avec leurs Suited connectors ou leurs pocket paires…
Seconde question : quel est votre plan postflop ? Vous pouvez vous permettre certaines fantaisies dans le domaine de l’iso raise à condition d’avoir un plan précis, par exemple vous relancez T8s contre un joueur large qui folde énormément au Cbet. Soyez sûr de votre lecture dans ce cas, notamment avec les FCBET et le WTSD. Se permettre une fantaisie ne signifie pas vouloir jouer le capitaine de la table sans quoi votre entreprise sera rapidement en faillite, sachez vous extirper des mauvais coups grâce à la position.
Il est primordial de prendre des notes. Limp/call-t-il avec ses Pocket paires ou les relance-t-il ? Cela aura une incidence sur un flop comme K62 puisque s’il relance ses paires, il n’aura en théorie jamais brelan. Limp-t-il avec les As ? Dans ce cas, s’il a un Limp/Fold énorme, ne vous pensez pas le maître du monde avec A9o sur un flop A72.
N’essayez pas de gagner tous les pots, il est souvent plus sage de limper avec 65s contre plusieurs joueurs, surtout si la SB aime limper également et la BB checker. Vous avez une cote intéressante pour aller voir un flop avec une main à potentiel, ne vous rendez-pas le coup compliqué inutilement. Une dernière situation : une main type ATs peut être une bonne main à raise, même contre 2 joueurs (si on est payé, avec TP, on restera devant) mais si toute la table risque de nous payer avec en prime des profils difficiles, cela revient à espérer de toucher double paire puisque le pot sera énorme et qu’on sera toujours payé une ou deux fois dès le flop. Je le répète : anticipez.
[center]Un adversaire a (osé) relancer avant vous :[/center]
Même chose que dans l’article précédent mais cette fois-ci, considérez l’action possible des joueurs en blinds. On peut par exemple set miner une pocket paire mais il est essentiel de voir s’il n’y a pas un squeezer potentiel en blinds. Quelques recommandations d’usage : demandez-vous toujours si vous êtes devant la range adverse que ce soit en cas de call ou de 3bet mergé, si vous prévoyez un 3bet bluff, regardez la position adverse, elle sera par exemple plus forte en UTG et votre move aura donc moins de chance de marcher.
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Quelques recommandations postflop[/center]
Ne surjouez pas vos tops paires mal kickées. Vos adversaires ont le plus souvent conscience de leur mauvaise position, c’est pourquoi si vous avez par exemple A4o sur un flop A72, n’imaginez pas faire énormément de value avec votre top paire, même les larges passifs tendance calling station paieront rarement plus d’une street avec moins bien. Vous êtes le plus souvent dans une situation way away / way behind et placer un check back au flop ou turn peut se défendre pour 3 raisons :
- Pour pot control, vous souhaitez arriver à la river à moindre frais avec une main moyenne. Il faut savoir que ce concept de pot control est discutable aux limites plus hautes mais je pense qu’il reste bon lorsqu’on commence le poker.
- Vous pouvez induce des bluffs ou des calls chez votre adversaire avec des mains qu’il aurait foldé sur un 2-barrel.
- Vous protégez votre range de check avec des mains comme KK/QQ/JJ/TT…qui veulent aussi pot control.
Vous devez cependant savoir qu’il est possible que vous ayez une décision à prendre à la river si votre adversaire mise : en effet, mise-t-il parce qu’il ne vous voit pas sur l’As ou mise-t-il en value ? De même, pouvez-vous prendre encore une street de value contre un adversaire calling station qui peut vous voir faible ? Quoiqu’il en soit, éviter l’automatisme d’envoyer 2 barrels avec cette mauvaise top paire, surtout sur une des cartes (l’As) qui reste encore un peu respectée des joueurs récréatifs. La plupart du temps, vous aurez de mauvaises surprises au showdown.
[center]Conclusion[/center]
Beaucoup de joueurs commettent de nombreuses erreurs en jouant le bouton de manière un peu trop facile, considérant que la position leur garantie de gagner le coup. D’autres, au contraire, vont sous estimer cet aspect et ne pas jouer de manière optimale. Je ne prétends pas que ce qui a été dit ici est à graver dans le marbre, j’espère juste inviter certains d’entre-vous qui jouent en nanolimites à vraiment réfléchir aux implications postflop d’une range et à élaborer des plans en conséquence.
J’espère ne pas avoir fait trop d’erreurs dans mes raisonnements et n’hésitez pas à laisser vos remarques et vos questions.
Pour le jeu en blinds :
*Yeepaa in Le Omaha pour les nuls en hold’em
** Sharp in Déprimer en analysant son jeu avec hold’em manager.
*** Booba in The day when I become myself, the 5.17.2013
**** Djoufish in My life, my spew