On se fait un Biais?

Les Biais au poker.

Une majorité de joueurs (ou en tous cas de membre PA) ont évidemment assimilé et comprit une masse de concepts au fil du temps. Que ce soit, l’importance de la position, les rapports entre range et équité pour prendre en compte les odds et implied, que sais-je et j’en passe.
Toutefois, il est à noter que bon nombre de joueurs de niveau plus ou moins avancé va connaitre des errements récurrents dans son jeu de par une mauvaise analyse des situations et d’une somme de biais dans le mode de pensée.

I – la mémoire des cartes :

Un exemple assez amusant : « évidemment que je vais jouer les cœurs avec mon 94, tu as vu comme ils sont en forme aujourd’hui ».

Je ne citerais pas le nom d’un grand champion français (live majoritairement, poids lourd de nos joueurs) qui a déjà tenu ce discours que j’ai quelque peu arrangé mais la teneur y est.

Peu importe que sur les 20 dernières mains, il y ait eu 8 fois un FD à cœur sur le flop, jouer un combo de mauvaise carte parce qu’on a relevé une certaine fréquence sur un nombre de mains précédentes est une aberration au sens strict.

II – je suis meilleur que le joueur X, je commets moins d’erreurs que lui.

Ici, une chose est intéressante à comprendre, on aura du mal à prendre en compte nos propres erreurs dans la mesure où si nous continuons à les produire, c’est que nous n’avons pas conscience que ce sont des erreurs et donc nous relèverons celle des autres mais pas les notre.

Discussion entre un coach et un joueur lambda :

  • (Coach)Pourquoi tu vas t’assoir à cette table ?
  • (Joueur)J’ai remarqué que le joueur en BB juste là est un très mauvais joueur, j’ai vu au moins 10 erreurs qu’il commet de façon récurrente
  • ©Et le joueur qui est au bouton ? tu en penses quoi ?
  • (J)Je n’ai pas vraiment vu grand-chose qui me choque !
  • ©Il commet pourtant une somme d’erreurs importante
  • (J)Ah…
  • ©On va faire un test, je vais inviter le joueur en BB à boire un verre en notre compagnie.

Les 3 quidams se retrouvent autour d’une bière – on va garder C pour coach J pour joueur et BB pour le joueur qui était en BB à la table.

  • C -> écoute, merci d’avoir bien voulu te joindre à nous, j’ai une question à te poser si ça ne te dérange pas ?
  • BB -> ok
  • C ->Que pense tu du joueur qui est au BU quand tu es toi-même en BB ?
  • Bb-> Houla, c’est un très mauvais joueur qui commet énormément d’erreurs et c’est pour cela que ça ne me dérange pas de jouer Oop contre lui-même avec des mains un peu marginales et des cotes qui ne sont pas si bonne que ça
  • C-> donc tu penses pouvoir jouer hors de position profitablement avec des mains plus que moyenne
  • BB -> oui, clairement, il passe son temps à suivre la même ligne très ABC et même avec la position il ne sait pas manipuler correctement ses sizings et les actions.
  • J -> « euh…… »
  • C -> merci beaucoup, je te laisse rejoindre ta partie.

Ici que pouvons nous penser de cette discussion ? Évidemment si le coach (ou n’importe quel joueur de bon niveau ayant une analyse fine des joueurs et situations) à demandé à BB de se joindre à eux, c’est qu’il avait une idée derrière la tête.

  • C ->que penses-tu de ce que nous venons d’entendre ?
  • J –> qu’il est mauvais et surestime son niveau, ce qui est typique de pas mal de mauvais joueurs et que jouer Oop sera de toute façon improductif avec de mauvaises mains.

Je ne vais pas continuer une discussion pendant 3 pages, mais ici ce qui est intéressant à voir, c’est que coach à relever chez le joueur au bouton plusieurs grossières erreurs (sizing, surestimation de ses mains postflop, weakness turn/river dans des gros pots et donc surement scary money, etc…)

Il finira par expliquer à son joueur que si lui-même ne décèle pas les erreurs du Bouton c’est qu’il commet les mêmes et que cela ne lui semble pas être des erreurs, c’est tout simplement pour ça. Que BB lui à décelé différentes erreurs chez ce joueur donc qu’il estime être meilleur.

Et que donc si on donne la place du bouton à Joueur, la situation sera la même avec BB qui va penser être meilleur en ayant perçu des erreurs chez son adversaire alors que joueur pensera avoir un edge en ayant isolé des mauvais play chez BB.

Chacun peut et va donc penser qu’il a un avantage sur son/ses adversaires mais tout simplement parce que dans un pool d’erreurs on aura un schéma du type :

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Il sera donc très difficile pour l’un comme pour l’autre de prendre en compte certaines erreurs en face puisqu’ils commettront les mêmes et que chacun va commettre des erreurs différentes de son adversaire ce qui va l’inciter à penser qu’il est meilleur que lui et que donc le jouer sera profitable…


III – La validation de propos
(appelé biais de confirmation)

Ici, une chose relativement simple de prime abord mais qu’il faut apprendre à tempérer à terme.
Je joue une main, je la perds ou je la gagne, mais j’ai la sensation de l’avoir bien joué, de façon optimale et mon équité me donne raison quand j’ai fait tapis mais pour autant n’y avait t’il pas une autre façon meilleure ?

En poussant le trait, je dirais « bon j’étais favori du coup et donc j’ai perdu du fait de la variance et sur le coup d’un manque de chances » !

« Quelqu’un voudrait me frapper s’il vous plait ? »

Le fait de ne s’attarder que sur le facteur équité dominante (je ne parle pas du bad affreux ou j’avais 88% à la turn avec 3 fois la taille du pot en tapis effectif, évidemment.) et de ne parler que de ça si je discute de la main est un magnifique déni de ce qui a pu se passer. Ok j’étais favori à x %, j’ai fait tel ou tel move qui peut apparaitre cohérent, mais le souci majeur est que je vais uniquement disserter sur le fait que j’avais une belle main sans prendre en compte ce qui plaide en faveur d’un play différent.

Je vais chercher le « réconfort » et non l’analyse, la « confirmation » de mon bon jeu et pas des critiques constructives, tout cela sera un bien gros frein à ma propre progression et il faut tenter de lutter contre ça au maximum en remettant en cause nos préconçus.

IV – Primauté contre Récence

Cela fait un moment que nous sommes à la table, nous menons nos adversaires à la baguette (à grand renfort de mise savamment calibrée et bien à propos) et un joueur que nous avons estampillé comme solide se mets à produire plusieurs bluffs incompréhensibles face à de mauvais joueurs.

Allons-nous remettre en cause, la solidité que nous avons assignée à ce joueur pour 3 coups ?
Combien avons-nous de mains sur lui ? L’avons-nous déjà joué ? Est t’il si solide que ça où a-t-il eu les bonnes cartes au bon moment quand il a eu un abattage ? etc…

2 visions vont s’opposer ici :

La récence : on va prendre en compte le fait que les 4/5 dernières mains qu’il a joué, il a fait n’importe quoi sans prendre en compte l’historique qu’on peut avoir.

La primauté : on va rester sur la première impression qu’il nous a donné et nier que peut être il a juste eu la chance de montrer au showdown la bonne partie de son range et qu’il a trouvé des folds adverses quand il était en carnaval complet.

Peu m’importe ce qui va être bon à prendre en compte ici, ce n’est de toute façon pas si simple, une somme de facteurs va rentrer en ligne. Tilt, multitabling, fatigue, perception propre, etc…

Ce qu’il est important de comprendre c’est que selon la somme d’informations et leur temporisation (ancienne/récente) on peut avoir tendance à privilégier l’une ou l’autre.

Si on prend une liste de mots en comprenant 4 :
Cassoulet
Fourchette
Slip
Tondeuse

Même quelqu’un ayant du mal à fixer son attention et entretenant peu sa mémoire va réussir à me citer les 3 premiers (sauf cas très particuliers relevant d’une pathologie).

Si maintenant je prends une liste de 99 mots, la majeure partie des gens ne va être capable que de citer quelques derniers mots et souvent le ou les 2/3 premiers, mais ce qui sera au milieu sera inexistant et donc inexploitable.

C’est une chose qui va nous amener à ne prendre en compte que notre première impression et les évènements les plus récents au détriment de la somme d’informations qui composent ce que l’on peut savoir sur le joueur.

On pourrait encore prendre en compte toute une somme de biais plus ou moins important pour essayer de comprendre nos propres errements mais ce serait aussi un biais.

À trop en faire, on oubli parfois l’essentiel !

bon article