Salut à tous,
Comme convenu, voici donc l’article sur la défense en BB (datant de 2018) avant une série de 3 articles sur le jeu blind vs blind.
Bonne lecture!
"Supposons que vous venez de rejoindre une table de jeu online en NL200 avec 8 joueurs compétents.
Vous avez un stack de 100 BB et les cartes sont distribuées. UTG open-raise à 2 BB et tout le monde avant vous fold. Vous êtes en big blind et trouvez Q Q.
Quel est le jeu théoriquement optimal, dans ce spot?
Vous pensez probablement que c’est un auto 3-bet 100% du temps. Après tout, QQ est bien en avance sur la range d’open du joueur UTG, il a open avec seulement 2 BB, et QQ est la troisième main de départ la plus forte au poker.
Si c’est ce que vous pensez, alors en théorie, vous vous trompez.
Cet article traite des nuances du jeu basé sur la théorie des jeux en général, et de l’exploitation en défense de big blind en particulier.
Pourquoi la big blind est différent de toutes les autres positions
En big blind, nous avons déjà 1BB «d’investie» dans le pot. Nous pouvons considérer cette mise forcée comme nous donnant une remise de 1 BB pour entrer dans le pot, et cela signifie que nos cotes du pot contre un open-raise sont meilleures à partir de la big blind que de toute autre position.
De plus, nous avons la possibilité d’agir en dernier pré-flop. C’est un avantage positionnel significatif; nous pouvons fermer l’action face à un open-raise, et voir le flop sans craindre qu’un joueur derrière nous squeeze.
Face à un open-raise en big blind
Pour savoir quelles mains défendre en big blind, il faut comprendre pourquoi nous foldons les mains que nous foldons.
Supposons que nous soyons en big blind et que l’action soit que tout le monde avant nous ait foldé après un open-raise d’UTG. Nous n’avons, donc, pas à nous soucier des autres joueurs.
Si le sizing d’open-raise de l’UTG est suffisamment petit, alors chaque main de notre calling range aura une certaine équité par rapport à sa range plus forte et par rapport au montant que nous devons investir pour entrer dans le pot. La range de l’open-raiser étant fixe, si nous callons trop large, il ne peut pas remonter le temps pour rendre sa range d’open plus serrée qu’elle ne l’est déjà afin de nous exploiter.
Alors, comment nos adversaires peuvent-ils nous exploiter si nous ne foldons jamais notre big blind?
Si nous callons trop large en big blind, la fréquence élevée de c-bet de notre adversaire devient encore plus efficace.
Et il n’y a rien que nous puissions faire postflop pour le contrer, à moins d’avoir de la chance et de frapper un flop miraculeux.
Regardons un exemple adéquat pour illustrer ce point. (Nous reviendrons sur Q Q dans un instant, je le promets):
Exemple: cash game à 9 joueurs. Stacks effectifs de 100 BB. Hero est UTG et open-raise à 2 BB.
L’action est que tout le monde fold jusqu’a la big blind, qui vous dit qu’elle n’a besoin que de 22,22% de cotes du pot pour call (elle adore parler de maths), et que chacune de ses mains a une équité suffisante contre votre range. La big blind suit sans regarder ses cartes, puis check in the dark (dans le noir, sans avoir encore regardée ses cartes).
La BB peut avoir n’importe quelle main, donc votre range écrase sa range.
Votre range conservera le dessus en équité sur chaque flop, même sur des flops connectés faibles comme 6-5-4r étant le pire pour vous avec seulement un avantage d’équité de 51,13% à 48,87%.
Flop (4.5BB): J 7 5
C’est un flop relativement bon pour la big blind, sa range a gagné un peu d’équité sur la vôtre. Ici, 29,65% de votre range frappe la top paire (J9+). Bien que la big blind ait toutes les meilleures paires, over paires, doubles paires et sets, seulement 9,69% de son range se compose de J9+.
Si Vilain tentait de bluffer avec une range aussi faible il se mettrait en difficulté. Même si vous misez 50% du pot sur les trois streets, il aura du mal à se défendre suffisamment pour empêcher vos bluffs d’être profitables. Cela signifie plusieurs choses:
- Vous pouvez value bet confortablement vos meilleures paires dans les trois streets.
- Vous pouvez value bet avec des mains comme TT – 88 sur deux streets et check-back river.
À ce stade, il est crucial de noter qu’avec autant de mains en value dans votre range, vous aurez du mal à trouver suffisamment de bluffs pour rester équilibré. En fait, vous devez miser toute votre range.
Vous n’avez pas suffisamment de bluffs dans votre range malgré que vous misez toute votre range, donc votre adversaire doit folder plus que la fréquence de défense minimale ( MDF ) sur ce flop ou prendre une décision EV-. Cela signifie que vous gagnez de l’EV avec chacune des mains de votre range parce que votre adversaire va over-folder. (Le montant de l’EV que vous gagnez avec la fold equity dépend du sizing contre lequel il va over-fold.)
Si Vilain choisit de folder toutes ses mains avec moins de 40% d’équité contre vos mains, il fold environ 50% du temps. Cela signifie que l’EV de votre c-bet est au moins de (pot de 4,5 BB + mise de 2,25 BB) * 50% - mise de 2,25 BB = 1,13 BB avant même de considérer l’équité de votre main.
Et ainsi, lorsque la big blind a pris la décision de call pré-flop pour une BB supplémentaire sans regarder ses cartes, vous avez eu l’opportunité de gagner au moins 1,13BB avec un c-bet pour chacune de vos mains au flop. Et cela est vrai pour presque tous les flop, ce qui prouve qu’il est nécessaire de folder quelques mains depuis la big blind, malgré une équité supérieure à la cote du pot.
Construire une range de défense basée sur la théorie des jeux
Le but de l’exemple ci-dessus était d’illustrer pourquoi nous devrions parfois folder en big blind face à un open-raise, et comment exploiter efficacement les joueurs qui over-protect leur big blind.
Mais la question principale demeure: à quelle fréquence devons-nous défendre notre big blind?
Avec seulement deux joueurs dans le pot, nous et l’open-raiser, notre stratégie de défense en big blind dépend de deux facteurs:
- La force de la range de l’open-raiser.
- Les cotes du pot qui nous sont offertes,
Afin de faire un call profitable, l’EV de notre call doit être au moins légèrement supérieur à zéro.
Par exemple, si UTG open 2BB et que tout le monde fold avant nous en big blind, nous devons nous attendre à regagner au moins 1BB du pot de 4.5BB postflop. Nous ne pouvons pas call avec des mains qui ne satisfont pas ce calcul d’EV.
Compte tenu de la probabilité que nous soyons confrontés à un c-bet sur le flop, il est très important de comprendre comment notre main touche les flops.
Pour illustrer celà, considérons une main comme A 2. Cette main a près de 38% d’équité contre la range de l’open-raiser UTG. Cependant, malgré autant d’équité, nous ne pouvons pas call de manière profitable la relance minimale.
Nous pouvons utiliser un logiciel comme Flopzilla pour déterminer à quel point notre main frappe les flops (affiché sous «Statistiques» ci-dessous).
Notre main floppera double paire ou mieux 3,8% du temps, et la top paire 14,5% du temps. Nous devrions être très satisfaits de ces résultats. Avec la top paire (ou mieux) et le c-bet UTG avec toute sa range, nous pouvons bluffer avec cette main, en récupérant une partie de l’EV de la BB que nous avons investi pré-flop.
Cependant, avec une top paire sans kicker, nous serons souvent embarrassés face à un c-bet turn. La top paire avec aucun kicker est également trop faible pour probe bet sur de nombreuses rivers si notre adversaire check turn.
Les 81,7% restants du temps, nous aurons du mal à continuer avec la main:
- Si nous touchons une paire avec notre 2, ce qui se produira environ 13,5% du temps, nous serons confrontés à une décision avec une EV proche de zéro lorsque UTG c-bet avec toute sa range, puisque nous avons juste un simple faible bluff-catcher.
- De même, nous ne gagnerons pas beaucoup en bluffant lorsque nous floppons une gutshot, ce qui arrivera 11,3% du temps.
- Le reste du temps, nous aurons juste As-high, que nous devrons folder puisque nous perdons contre de meilleurs As-high qui sont dans la range d’UTG et qu’il va nous bluffer aussi avec son c-bet range.
Tout cela prit en considération, nous pouvons call avec profit sur le flop moins de 20% du temps avec une main comme A2o . Et donc devoir payer 22,22% pour voir le flop n’est pas un jeu profitable.
À titre de comparaison, considérons une main plus connectée comme 6 3.
On voit que 6 3 lutte contre la range d’open d’UTG en terme d’équité pure. Mais cette main floppe bien mieux que A2o.
Cette main floppe doubles paires ou mieux 4,95% du temps. De plus, nous allons flopper un draw avec 8 outs (OESD, FD, combo-draw) 16,2% du temps, avec lequel nous aurons une équité substantielle, et qui a une value très forte si nous touchons. Avec une telle cote implicite, call un c-bet flop avec l’un de ces draws est très profitable.
Ainsi, avec 6 3, nous pouvons call avec profit au flop au moins 21,15% du temps. Combiné avec les cotes implicites des mains très fortes que nous pouvons faire comme des straights et des flushs, nous voyons que call les 22,22% pré-flop est profitable, même si notre adversaire c-bet toute sa range.
Avec un si bon prix, nous pouvons call avec de nombreuses mains, mais notre calling range devrait principalement se composer de mains qui peuvent faire des mains très fortes postflop. Les mains assorties floppent un flush draw a deux cartes 10,9% du temps, ce qui représente 10,9% de plus avec lesquels nous pouvons caller postflop si notre adversaire a une fréquence de c-bet élevée. De même, les mains connectées peuvent flopper des open ended straight draws et un certain nombre de gutshots. Pour info, une main connectée off suit, comme 65o , floppe un OESD 9,71% du temps.
Nous devrions également jouer des mains qui font des top paires fortes, que nous pouvons probe bet en value river si notre adversaire check le turn.
Maintenant que nous comprenons quelles mains fonctionnent bien en call depuis la big blind, nous pouvons réfléchir à la façon dont notre stratégie influe sur l’EV de toutes nos mains.
Nous savons que si nous callons pré-flop trop large, Vilain c-bet toute sa range sur presque tous les boards. En conséquence, nous ne pouvons pas voir le turn ou la river avec la plupart des mains les plus faibles de notre range, et donc ces mains auront du mal à conserver leur équité.
Si nous jouons plus serré, notre adversaire c-bet moins agressivement, et nous devrons donc pouvoir caller avec plus de mains de notre range, en moyenne . Nous réalisons plus d’équité en jouant plus serré, ce qui augmente l’EV de toutes nos mains.
La stratégie pré-flop optimale existe donc quelque part entre (1) jouer trop de mains et se voir deny de l’équité par des c-bets agressifs et (2) jouer trop peu de mains et devoir renoncer trop largement à trop d’équité pré-flop.
Ok, revenons maintenant sur ce Q Q
Maintenant, vous repensez probablement à notre Q Q, et comment tout ce dont nous venons de discuté affecte notre stratégie de 3-bet.
Notre range de call pré-flop sera toujours large, malgré les inconvénients dont nous avons discuté, simplement parce que nous obtenons une bonne cote pour call et que nous n’avons pas à gagner très souvent pour call. En conséquence, notre range de call sera désavantagé en termes d’équité, et Vilain continuera de c-bet de manière agressive.
Avec des mains très fortes comme AA, KK et QQ, l’EV de call l’open-raise et de bluff-catch ou de value bet postflop est très élevée. Cependant, l’une de ces mains n’est pas comme les autres: AA peut en toute confiance 3-bet et go broke pour value, mais KK et QQ perdront généralement, ou auront ~ 50% d’équité par rapport à une range de 4-bet en value.
Donc, contre le mini-raise de notre adversaire, le jeu optimal avec QQ est de call la plupart du temps.
Peut-être vous demandez-vous maintenant, quand n’est-ce pas le jeu optimal?
Face aux positions ultérieures, l’EV du call de l’open-raise diminue par rapport à celle du 3-bet. C’est parce que nous pouvons faire face à un 4-bet à partir des positions ultérieures plus confortablement. Nous serons souvent en avance sur la range de 4-bet de notre adversaire, et nous pouvons call le 4-bet avec l’intention de bluffer postflop. De plus, la range de notre adversaire contiendra plus de mains faibles, ce qui signifie qu’il aura un avantage de range plus étroit qu’il ne l’aurait eu depuis une position antérieure.
Les adversaires des positions ultérieures auront donc une stratégie de c-bet moins agressive contre notre range de call en big blind. Cela rend les bluff-catchers avec QQ moins efficace.
Faire face à une plus gros sizing d’open réduira notre range de call, car beaucoup de nos mains n’auront pas assez de cotes implicites pour call. Avec une range de call plus serrée, notre range sera moins désavantagé, et notre adversaire va c-bet moins souvent. Encore une fois, cela réduit l’EV du call avec nos meilleures mains et nous pouvons donc les 3-bet avec profit avant le flop.
Donc, de manière quelque peu contre-intuitive, contre des sizings d’open-raises plus grands d’un joueur UTG, nous allons 3-bet avec QQ plus souvent, et moins souvent contre des sizings plus petits.
Note de l’auteur: Gardez à l’esprit que cet argument est théorique. En pratique, vous devriez généralement 3-bet pré-flop avec vos premiums afin d’extraire de la value. La grande majorité des adversaires ne joueront pas assez agressivement postflop pour rendre le call plus profitable que le 3-bet.
Jeu d’exploitation depuis la big blind
Puisque nous savons maintenant comment est construite une stratégie de call et de 3-bet en big blind basée sur la théorie des jeux, nous pouvons réfléchir à la manière d’exploiter nos adversaires.
Si nous savons que l’open-raiser ne va pas souvent c-bet, alors nous pouvons call avec beaucoup plus de mains. C’est parce qu’elles réaliseront plus leur équité en voyant le turn et la river plus souvent.
Nous devrions également 3-bet à plus haute fréquence nos mains fortes pré-flop contre ce type d’adversaire, car nous ne pourrons pas gagner plus d’EV en bluffant contre leur c-bet. Le contraire est vrai pour les joueurs qui c-bet trop souvent: nous devrions call plus avec nos mains faibles et 3-bet moins avec nos mains fortes. Si l’open-raiser open trop large, nous pouvons également call plus large. Si le joueur est UTG, mais que nous pensons qu’il a open un range aussi large qu’il le ferait du HJ, alors nous devrions jouer contre ce joueur comme si le HJ avait open. Le contraire est vrai aussi si nous pensons que le joueur open trop tight.
Conclusion de la défense de big blind en cash game
Nous avons discuté de pas mal de principes dans cet article, voici donc les principaux points à retenir:
- Contre les joueurs qui call trop large en big blind, nous devrions c-bet agressivement en tant qu’open-raiser.
- Lors de la construction de nos ranges en big blind, il est plus important de prendre en compte de la façon dont nos mains frappent les flops plutôt que de leur équité pure face à la range de notre adversaire.
- Contre des sizings d’open-raise plus petits, nous devrions plus call et 3-bet moins en big blind.
- Contre les joueurs qui ne c-bet pas assez, nous devrions call et 3-bet (défendre) davantage lorsque nous sommes en big blind.
- Contre un joueur qui open trop large, on devrait défendre plus large en big blind.
Je suis convaincu que vous allez pouvoir améliorer votre winrate en big blind si vous construisez votre stratégie sur ces principes."
N’hésitez pas svp à me signaler toutes erreurs / fautes de frappes possibles. Merci.
À très bientôt et GL aux tables!