1.7 Stratégies de jeu en pot 3bet.
Résumé
Plutôt que de faire une liste exhaustive de toutes les situations, je vais présenter les plus récurrentes et celles qui sont généralement les moins bien jouées en pots 3bet. Les idées et concepts qui s’en dégageront vous seront aussi utiles pour d’autres situations. Ce sont donc les concepts qui sont importants, et il vous sera profitable de bien les comprendre pour correctement les appliquer.
Ces concepts existent aussi souvent dans les pots single raise, mais dans les pots 3bet les SPR sont spécifiques et nous donnent des leviers différents, ce qui fait que ces concepts s’adaptent souvent différemment. On s’apercevra aussi qu’en réalité un SPR réduit limite nos choix et rend le champ des possibles plus petit. Les pots 3bet sont donc plus faciles à jouer techniquement. Leur difficulté vient des mises beaucoup plus importantes. Les effets des leaks mentaux y sont donc décuplés.
Pour les autres situations courantes, vous suivrez les mêmes stratégies de jeux que dans les SRP. Il n’y a pas de différences particulières si ce n’est dans les sizings.
Tout ce qui suit concerne le jeu à 100bb deep.
1.7.1 Généralités.
Résumé
a) Concepts de base.
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Le 3betteur aura généralement un range polarisé contenant des airs et des nuts, alors que le défenseur aura plus souvent un range condensé.
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Un range polarisé est plus facile à jouer, et un range condensé contenant plus de mains moyennes se retrouve souvent en situation de bluff catch.
b) Textures de flops.
Il y a deux grands types de flop (avec tous les intermédiaires possibles), voici leurs spécificités.
-> Flops statiques: Flop secs ou semi-secs. En gros ce sont les flops rainbow ou au pire suited qui ne contiennent pas deux cartes entre la Q et le 8 ou trois cartes connectés. Les equities vont peu bouger sur les streets suivantes. La position est moins importante. Le 3betteur aura normalement un avantage de ranges et une stratégie de CBet à haute fréquence avec faibles sizings ou avec splittage des sizings. Sur ces boards on jouera assez souvent sur trois streets. A93r KK6s J62s 742r
-> Flops dynamiques: Il y a un grand nombre de types de flops dynamiques, dans certains cas l’avantage de ranges reste chez le 3betteur et dans d’autres non. Je ne vais en présenter que trois qui me semblent caractéristiques. Dans tous les cas Les equities peuvent facilement basculer sur les streets suivantes.
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Flops medium connectés. Ce sont les flops les plus dynamiques. Les equities peuvent beaucoup bouger. La position est très importante. Le 3betteur n’a plus l’avantage de ranges puisque ces flops percutent fortement les ranges condensés plus spécifiques aux défenseurs. Il aura une stratégie de CBet à très faible fréquence et contre les bons joueurs il devra parfois check full range, en particulier OOP. QT9s T97s
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Flops high-medium (surtout suited) contenant deux cartes entre la Q et le 8. Ces flops percutent bien les ranges condensés du défenseur. Le 3betteur aura souvent une stratégie de CBet à faible ou moyenne fréquence avec parfois splittage des sizings. Lorsqu’il décide de sizer cher on jouera souvent sur deux streets. QT2s J94s
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Flops low connectés. Ce sont les flops dynamiques qui sont sensés le moins percuter les ranges condensés du défenseur. Ce sont sans doute les moins dynamiques et pourront être plus ou moins joués comme des boards statiques. Ainsi le 3betteur aura une stratégie de CBet à haute fréquence avec faibles sizings, ou plus rarement avec splittage des sizings comme sur les flops précédents. Lorsqu’il décide de sizer cher on jouera souvent sur deux streets. Il faut comprendre que ces flops favorisent le 3betteur car il possède plus d’over-pairs fortes et qu’en même temps ils percutent son range de 3bet light contenant des low Axs et low SC, parfois même des low PP. 762s 643s
Résumé:
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Sur les flops statiques les equities vont peu bouger (le board est “locké”) alors que sur les flops dynamiques ils peuvent fortement bouger.
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Les flops contenant au moins deux cartes entre la Q et le 8 sont ceux qui percutent le plus les ranges condensés du défenseur. Ce seront les flops les moins CBet indépendamment de leur texture statique ou dynamique.
1.7.2 En tant que 3better OOP.
Résumé
Un mot sur les sizings de CBet et 2 barrel. IP vous pouvez splitter entre 1/3 1/2 et gros bets au flop. Mais OOP je vous conseille plutôt de splitter sur deux sizings seulement: 1/3 pot et gros bet (entre 2/3 et pot). Après avoir CBet flop 1/3 pot, si vous décidez de 2 barrel faites un gros sizings (3/4 pot minimum). Après avoir CBet gros, si vous décidez de 2 barrel ce sera souvent à tapis. Pour le choix du sizing de CBet au flop je vous renvoie aux textures de flops. En gros plus souvent vous allez CBet un range mergé avec range advantage et plus vous aurez intérêt à faire 1/3 pot.
a) 2 barrel nos draws.
Vous avez CBet le flop avec un draw et Vilain a call. Quelle est la meilleure façon de jouer le turn?
L’idée récurrente sur laquelle je reviendrai très souvent dans beaucoup de situations est de ne jamais se mettre en situation de bet/fold un bon draw. Il vous arrivera de devoir le bet/fold mais ce sera dans des spots où Vilain n’est pas sensé vous raise. Soit parce que votre range est polarisé, soit parce que vous avez un range advantage évident. Malheureusement, ou heureusement je ne sais pas, en micro limites peu de joueurs comprennent ces notions…
Voici trois lines de jeu possibles après que vous ayez CBet le flop:
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Check/call vs small bet de Vilain. Comme on le verra plus loin, dans ces situations le défenseur en position aura souvent intérêt à bet petit au turn lorsque le 3betteur ne 2 barrel pas.
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C/RAI vs gros sizing. Le C/RAI possède un mauvais risk reward contre les petits bets, par contre il puni très bien les gros bets dans les situations où Vilain va souvent stab. Le meilleur spot pour cela est lorsque vous avez CBet small au flop sur un texture où Vilain doit beaucoup défendre, et que celui-ci va trop souvent essayer de prendre le coup au turn.
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2 barrel shove en over-bet. Généralement après un CBet flop au dessus d’un 1/2 pot. C’est souvent le meilleur play lorsqu’il reste entre 1.5 et 2 PSB. Vous jouerai vos mains fortes mais vulnérables de la même façon.
Les draws faibles ou qui retiennent mal leur équity peuvent très bien être 2barrel/fold. Par exemple sur une line CBet flop 1/3 pot et 2 barrel 3/4 pot. On aura la même line avec des TP (soit en 2 barrel/call soit en 2 barrel/fold selon le range estimé de Vilain).
Les combo draws peuvent plus facilement être joués en check/call, même si des lines agressives sont possibles.
b) Delayed CBet polarisé.
Vous n’avez pas CBet le flop et Vilain a check behind sur une texture où il est sensé miser avec ses mains vulnérables.
Vous avez le choix entre deux stratégies selon la situation: soit delayed CBet turn très cher pour jam la river, soit delayed CBet small pour over-bet la river.
-> Si Vilain est capé, vous allez polariser votre ranges en misant très cher (bet pot) avec vos airs et vos ranges forts de check/call et de check/raise ratés du flop. En particulier sur les textures que vous allez peu CBet. Vous aurez par exemple des mains de type over-pairs dans vos ranges de check/call au flop. Ainsi vous aurez beaucoup de combos à delayed CBet en value.
Il vous faudra shove la river à bonnes fréquences.
-> Si Vilain n’est pas capé. Par contre s’il peut avoir un gros jeu, soit parce qu’il peut avoir slowplayé le flop, soit parce que le turn est susceptible d’avoir frappé son range, on peut miser petit au turn (1/3 pot) sur une texture drawy avec l’idée d’over-bet la river sur une blank. Si Vilain ne raise pas le turn, il cape son range puisque ses mains fortes sont vulnérables et il ne devrait pas simplement les call. Nous l’avons amené à caper son range. Arrivé river il aura donc essentiellement des draws ratés et des mains moyennes. L’idée est toujours de miser très cher avec un range polarisé lorsque Vilain est capé.
Dans une moindre mesure les stratégies décrites ici s’appliquent aussi dans les situations où nous sommes défenseur OOP et que Vilain n’a pas CBet le flop. Cependant il y aura plus de trapp dans ces cas-là, en particulier sur des textures de flop susceptibles de plus frapper nos ranges condensés de défense et qui pourraient pousser Vilain à check une grosse portion de ses ranges dans le cadre d’une stratégie équilibrées. Ainsi même si notre adversaire aura souvent un range capé, celui-ci sera potentiellement plus fort et comprendra plus d’over-pairs fortes. On est alors dans des situations très Vilain-dependant, et nos lines de jeu dépendront de la capacité de notre adversaire à check behind des mains fortes au flop, et de ses aptitudes à folder certains combos forts PF mais devenus des bluff catchers.
De manière plus générale, hors situation de delayed CBet, après deux checks au flop on va miser le turn en fonction de la force de notre main: très cher (pot) avec de gros jeux et de bons bluffs, peu cher avec d’autres combos afin d’élargir les ranges de call de notre adversaire et de gagner plus souvent à l’abattage.
1.7.3 En tant que défenseur.
Résumé
a) Défendre les draws vs 2 barrel.
Vous avez call le CBet de Vilain au flop avec un tirage et subissez une seconde mise sans avoir amélioré votre main.
Voici d’abord deux notions utiles:
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IP: Call avec 18% d’equity est généralement profitable grâce aux implieds, même assez faibles (pensez à estimer les reverses). Par contre OOP cela ne l’est plus.
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Si on call avec moins de 18% d’equity il faut avoir la possibilité de souvent bluffer river pour rendre le call turn profitable.
Je vais vous présenter le jeu au turn avec nos draws sous formes de points que vous devrez fixer dans vos acquis. En vous appuyant sur ces points vous pourrez faire les bons choix in game.
> La plupart du temps au turn, les EV du fold, du jam et du call sont relativement proches.
Pour calculer notre equity au turn, il ne faut pas oublier de tenir compte des reverses, ainsi que des bloqueurs possiblement présents chez Vilain (comme des over-pairs qui bloqueraient nos outs vers straight).
> Bien évaluer nos implied avant de call. Si elles sont mauvaises, soit on fold, soit on call si on pense pouvoir souvent bluffer la river, soit on jam si on pense avoir de la FE (avec minimum 15-18% d’equity).
> Plus on va faire de nuts (pas de reverses) et plus on va pouvoir call profitablement. Nos nuts FD, mais aussi les petites OESD camouflées dont les outs ne sont pas bloqués, seront les draws les plus souvent call. Une petite OESD est plus profitable à call qu’un FD moyen bien qu’ayant moins d’outs.
> Les FD non max (hors combo draws) sont souvent meilleurs à jam. Ils possèdent peu d’implied et quelques reverses, ainsi que moins de possibilités de bluffer river (#OESD qui sont très souvent meilleures à bluffer river sans bloqueurs sur miss FD). N’oublions pas non plus qu’on représente souvent un miss FD et que Vilain sera plus enclin à nous hero call en passant en mode check/call.
> Les gros draws, surtout avec des cartes hautes, sont toujours profitables à call pour leur seule equity (sauf hors cotes vs over-bet), mais on peut parfois les jam.
> Plus le sizing de Vilain est élevé (>1/2 pot) et plus on aura d’intérêt à jam et moins à call.
Pour équilibrer nos jam turn avec nos semi-bluffs, nous allons aussi jam toutes nos value hands vulnérables (TP peu dominées, set et low flush), tant qu’on ne se value cut pas trop souvent. Quand on sait qu’on ne lâchera pas notre jeu fait sur une blank à la river et qu’il y a des draws il est généralement meilleur de jam nous-même. On va shove même avec des mains qui ne sont pas des nuts afin de tuer l’equity des semi bluffs de Vilain. Evidemment nous ne pouvons pas le faire si Vilain possède un gros avantage de ranges, il faudra alors choisir entre call et fold.
b) Vilain ne 2 barrel pas OOP.
Vilain a CBet le flop et vous avez call. Au turn il check et la parole vous revient.
L’idée principale est qu’on va miser peu cher lorsque Vilain va très souvent soit check/fold soit check/raise, donc peu check/call. On va ainsi miser 1/3 pot, même sur les textures connectées puisqu’il est compliqué pour notre adversaire de slowplayer et ses draws ne nous inquiètent pas comme nous l’avons déjà vu plus haut. Gardez en tête que de manière générale les petits sizings sont efficaces lorsque notre adversaire a du mal à check/call.
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On minimise nos pertes avec nos ranges de bet/fold.
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On minimise les gains de Vilain avec ses ranges de check/raise et qu’on fold.
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On améliore notre risk reward.
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On oblige théoriquement Vilain à défendre plus. Ce qu’il aura beaucoup de mal à faire avec ses ranges de check au turn, surtout lorsque ceux-ci sont mal construits.
1.7.4 Adaptations contre les joueurs trop agressifs.
Résumé
Je disais en préambule que les pots 3bet sont normalement plus faciles à jouer que les SRP. Cependant les erreurs y ont un impact plus important, comme nous l’avons vu par exemple lorsqu’on se retrouve à devoir folder trop d’equity. L’une des erreurs les plus importante est celle de ne pas savoir jouer les Vilains agressifs. Je ne parle pas ici de ceux qui font n’importe quoi, ceux-là ne seront joués qu’en value. Mais de ceux qui vous donnent l’impression de vous marcher dessus, comme s’ils devinaient votre jeu, vous expulsant du coup trop souvent ou foldant lorsque vous avez enfin touché.
La première chose à savoir c’est qu’il ne faut pas hésiter à les 3bet. Vous commettrez moins d’erreurs dans les pots 3bet grâce au SPR réduit. Par contre vous devrez bien construire vos ranges de 3bet afin de frapper un maximum de flops. La même idée est à garder lorsque c’est Vilain qui vous 3bet: surtout n’élargissez pas vous ranges de call mais gardez des ranges qui frappent bien les boards. J’ai déjà parlé des adaptations PF à faire contre les gros 3betteurs, je ne vais pas y revenir ici, mais en lisant la suite vous comprendrez pourquoi je vous dis de garder des ranges de défense solides.
La deuxième chose importante à garder en tête est qu’il faut absolument savoir GU très tôt dans les coups lorsque votre equity est faible. L’idée sera de GU très tôt ou de jouer le coup à fond. Peu de demi-mesures.
Post-flop vous avez en gros deux situations sensibles: soit vous allez devoir jouer un range polarisé entre des jeux forts et des draws, soir devoir jouer un range capé. Les deux peuvent vous faire commettre de grosses erreurs si vous les jouez mal et oubliez l’idée de jouez les coups à fond.
Les ranges polarisés sont en réalité assez simples à jouer si on suit deux règles basiques:
-> En bluff: On va essayer d’être en situation d’être le premier à shove. Quelque soit les séquences de mises nous devons anticiper les montants afin de ne jamais se retrouver en situation de faire l’avant-dernière mise. Cela va souvent se jouer au turn. Je vous invite à relire les paragraphes concernant le jeu avec nos draws et dans quelles situations nous devons jam.
-> En value: On va essayer d’être en situation de laisser Vilain shove le premier. Nous devrons donc faire l’avant dernière mise. L’exception sera lorsqu’on a plus d’intérêt à faire folder l’equity de Vilain avec nos mains vulnérables.
La plus grosse difficulté sera de jouer nos ranges capés car vous devrez les jouez passivement en essayant de deviner si Vilain vous bluff assez souvent. Mon conseil sera ici d’oublier vos constructions de ranges avec des combos que vous devez folder sur chaque street. Mais au contraire de vous déséquilibrer en ne gardant que les combos qui pourront subir l’agression jusqu’à la river sur la plupart des run out. Cela ne veut pas dire qu’une fois que vous avez décidé de call le flop vous ne lâcherez plus votre main. Si le board évolue de manière défavorable vous devrez quand même folder plutôt que de tenter des hero call de l’espace.
1.7.5 Notions importantes à retenir.
Je vais résumer les notions les plus importantes déjà évoquées ainsi que quelques autres qui ne s’appliquent pas spécifiquement aux situations décrites.
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Pour détruire l’avantage positionnel du joueur IP, nous serons amené à faire des mises plus grosses OOP lorsque notre range est polarisé.
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Les petites mises sont très efficaces IP orsque Vilain peut difficilement défendre en check/call.
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L’over-bet shove turn avec un range composé de value hands vulnérables et de bons draws est souvent le bon move.
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Ne pas se retrouver en situation de bet/fold un bon draw (8 outs+ cleans). Nous devons éviter de faire un call breakeven. Il faut donc s’assurer de faire la dernière mise.
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Les mains fortes mais vulnérables aux ranges de bet/fold de votre adversaire (vos TP, set et low flush) doivent être shove au turn tant que vous ne vous value cuttez pas trop souvent. Dit autrement, ne pas slowplayer si on doit tuer 20% d’equity adverse. Ainsi nous amènerons Vilain à commettre l’erreur du point précédent. Dans certains cas particuliers si on pense que Vilain va over-bluffer la river on pourra quand même juste call, car le risque pris sera plus profitable.