- 21 décembre 2016
- petiteglise
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Dans sa série 100 women consacrée à 100 femmes influentes ou inspirantes, la BCC a fait le portrait de Cat Hulbert, la première joueuse professionnelle de blackjack au monde, qui s’est ensuite reconvertie au poker.
L’article de la BBC : Cat Hulbert: How I got rich beating men at their own game
L’enfance
Née en 1950, Cat grandit dans une famille de 6 enfants, d’une mère infirmière et d’un père routier. En perpétuel conflit avec sa mère, elle quitta le domicile familial à 15 ans et prit un job après l’école pour se payer une chambre et ses futures études, de philosophie.
Son diplôme en poche elle se mit à travailler comme assistante parlementaire et une de ses premières missions fut d’enquêter sur les éventuels bénéfices de la légalisation des jeux de hasard et d’argent. C’est ainsi qu’elle découvrit Las Vegas et en tomba amoureuse. Peu de temps après elle démissionna et emménagea en la Cité du Vice avec pour objectif de devenir dealer de blackjack.
Recrutée au Plaza, on lui refusa d’abord de dealer le blackjack pour la mettre au Big Six, une espèce de roulette verticale. Déçue et rancunière, Cat apprit rapidement à tomber volontairement sur le plus gros versement, de 40-1, après plusieurs rotations. Ce jeu est normalement le plus avantageux de tous pour le casino, mais la nouvelle recrue était largement perdante.
Superstitieux les responsables se dirent qu’elle avait la poisse au Big Six et acceptèrent de la déplacer au blackjack. Cat se rendit compte qu’un groupe de joueurs touchait régulièrement un blackjack juste après avoir placé un bet plus gros qu’à leur habitude… Elle engagea la conversation avec l’un d’eux, qu’elle nomme dans l’article par le pseudonyme Peter, sortit avec, et fut recrutée dans leur groupe de joueurs.
Le blackjack
Au blackjack le but est de se rapprocher le plus possible de 21 en additionnant la valeur de ses cartes, sans jamais dépasser cette limite. Les 10 et toutes les figures valent 10 points. Les clients jouent avant la banque, ce qui confère un avantage à cette dernière car ils peuvent bust (dépasser 21) avant qu’elle joue. Mais si un joueur sait s’il reste plutôt des bûches (cartes à 10 points) ou plutôt des petites cartes, il peut augmenter sa mise quand le deck lui est favorable et obtenir un edge.
Cat débuta sa carrière de joueuse professionnelle en tant que “bimbo”, comme ici, aux côtés du “Pape du comptage de cartes” Ken Uston, auteur de l’ouvrage de référence « Million Dollar Blackjack ». Elle permettait ainsi à Ken de miser gros à sa place quand le compte était bon, ce dernier ne lui faisant pas encore confiance pour jouer par elle-même. Elle était alors payée à l’heure, plus au pourcentage qu’elle avait investi et gagna rapidement des sommes conséquentes, malgré la variance.
Ensuite, elle put devenir une “vraie” joueuse. A leurs débuts, les joueurs comptaient ouvertement les cartes, misant le minimum quand la banque avait l’edge et le maximum quand ils l’avaient. Cela ne dura qu’un temps, les casinos ayant pris des mesures de sécurité. Ils inventèrent alors toutes sortes de stratagèmes, comme celui du Big Player : Lorsque le compte était favorable, Cat touchait sa boucle d’oreille. Arrivait alors un joueur faussement flambeur et alcoolisé. Pour ne pas éveiller les soupçons, Cat continuait à miser petit, tandis que son acolyte bettait le maximum.
Cat se retrouva sur la liste des “undesirables”, les black listés des casinos. Elle décida alors de jouer déguisée, mais se faisait régulièrement prendre et se retrouva une cinquantaine de fois dans la “black-room” à se faire menacer voire frapper par les vigiles parfois pendant de longues heures.
Elle comprit qu’être la seule femme joueuse pro était un désavantage, car les floors la repéraient rapidement, malgré ses déguisements. Alors elle prit des cours avec des comédiens pour apprendre à se faire passer pour un homme. Portant une fausse barbe, elle rentra en toute confiance au Hilton de Vegas. Quelques secondes plus tard, elle était éjectée manu militari.
Malgré la dangerosité de ce jeu du chat et de la souris, Cat gagna beaucoup d’argent au blackjack, aux USA et aussi en Europe.
Elle abusa aussi de failles dans d’autres jeux, notamment des machines à sous qui à l’époque n’était pas entièrement aléatoires et se constitua une armée de joueurs septuagénaires pour en profiter.
Le poker
Ses gains au blackjack avaient donné à Cat une grosse bankroll et un gros égo. Le poker (7-cards stud) rabaissa les deux. A ses débuts, elle resta perdante durant 3 années. Elle rencontra alors un des meilleurs joueurs de cette variante à l’époque, David Heyden, sortit et s’entraîna avec. Outre les aspects techniques, David lui apprit une forme de professionnalisme : elle ne buvait plus la veille de jouer, arrivait à midi et ne repartait pas après 20h. En 1996, le magazine Card Player inclut Cat dans sa liste des meilleurs joueurs de stud.
Cat dit du poker : “Peu de choses dans la vie sont aussi absorbantes et excitantes que le poker. Chaque main que je recevais était comme un cadeau à ouvrir. Même dans les périodes creuses où je ne touchais pas de main jouable, j’analysais les choix et comportements des autres joueurs, essayais de résoudre leurs problèmes à leur place.”
A la fin des années 90 Cat se mit au poker en ligne. Oubliant la routine professionnelle mise en place à l’époque, Cat multi tablait et jouait souvent 16h dans la journée, fumant “jusqu’à ce que ses poumons suintent le goudron” Elle ne répondait plus au téléphone, puis même plus quand ses amis, inquiets, sonnaient à sa porte. Elle était devenue totalement addict.
Sa dernière session a eu lieu en 2010 au casino Borgota à Atlantic City. Le premier jour elle perdit 22k mais resta sereine, sachant qu’elle avait un edge sur le field constitué essentiellement de touristes. Mais la chance ne tourna pas et Cat connut un mois entier de bad run. Elle arrêta là les frais, démoralisée.
Cat ne se décrit plus comme riche, même si elle reste propriétaire d’une belle maison remplie d’objets de collection. Elle ne joue au poker plus qu’avec ses amis, en micro limites, pour le fun.
La vie personnelle
A 40 ans, Cat fut diagnostiquée bipolaire. Depuis elle a dépensé un demi million $ en thérapie et n’a jamais arrêté les médicaments qui, d’après elle, limitent le fun mais lui ont sauvé la vie.
Sa maladie explique sûrement le tumulte de ses relations. Cat fut mariée deux fois : la première durant 9 mois, la seconde durant 3 semaines. Jusqu’à la quarantaine, elle était une bourreau des coeurs. Son dernier amour fut une femme, qui est aujourd’hui une de ses meilleures amies. Cat se décrit comme “la pire lesbienne au monde”, expliquant que malgré les sentiments, il lui fallait au moins quatre shots de tequila avant de pouvoir penser au sexe.
Adorant la compagnie des animaux, ses meilleures journées sont quand “elle n’a aucun rapport avec l’espèce humaine” et avoue ne pouvoir comprendre pourquoi une femme préférerait faire un enfant plutôt que d’adopter un animal…
Travaillant aujourd’hui comme consultante pour des casinos en ligne, Cat mène un combat contre le cancer, “un de ceux dont on ne parle pas en public”. Une connaissance aurait dit d’elle “Well, she’s an asshole, what did you expect ?”