- 09 novembre 2011
- Benoist_Fechner
- 3270
- 10 Commentaires
C'est gratuitement, grâce à la freebox P.A., mais au prix d'un enregistrement quasi inaudible, que j'ai pu joindre Alexandre Dreyfus sur son portable maltais. Alexandre qu'on ne présente plus, est non seulement le patron de Chili Gaming, l'un des pionniers français du secteur, mais il est surtout ces derniers temps l'un des porte-voix de la grogne qui monte dans les rangs des opérateurs de jeux, vis-à-vis de la politique fiscale du gouvernement. Il est aussi certainement l'une des plus grosses empreintes carbone du secteur et, fidèle à sa réputation, c'est en route pour l'aéroport qu'il a eu l'obligeance de répondre à mes questions. Au menu, clause de revoyure, fiscalité et téléphonie par IP...
Une quinzaine de jours après, n'en viens-tu pas à regretter l'amendement Lamour, qui proposait pour la première fois un changement d'assiette fiscale, et qui a été abandonné ?
C'est une vraie question, mais je me demande plutôt si cela n'a été fait exprès. Si le but n'était pas de nous faire monter au créneau contre cet amendement tout en sachant d'avance qu'il ne se passerait rien avant le printemps 2012, comme ce sera semble-t-il le cas.
Au moins, aujourd'hui, on sait sur quoi compter. On connaît notre niveau de taxation, on reste avec ce qu'on a, c'est le seul mérite de ce status quo. Mais sur un plan économique, on nage désormais en pleine incertitude.
A qui profite le status quo, selon toi ?
Aujourd'hui le fait de ne pas faire bouger les lignes revient à conforter la position, en un sens dominante, des leaders actuels du marché. Notamment de ceux qui ont fait des transferts massifs de base de données lors de la migration du .com vers le .fr, et donc pas seulement les anciens monopole d'Etat. Nous, on a été de bons petits soldats.
Lorsqu'on a conclu notre partenariat avec Iliad, voici trois ans, dans la perspective de l'ouverture du marché français, on a pris des engagements, on a fait en sorte de ne plus s'exposer en France avant la régulation, pensant naïvement que cela paierait.
Mais aujourd'hui, on se rend bien compte que les leaders du marché sont notamment ceux qui n'ont pas joué le jeu, qui ont continué à communiquer quand nous respections les règles.
Pourquoi les opérateurs, on pourrait presque y inclure les joueurs, ne parlent-ils pas d'une même voix ?
Les gros opérateurs, ceux qui sont dans une position de leadership, s'en moquent pas mal, d'après moi. Encore une fois, le statu quo fiscal contribue indirectement à les renforcer. Finalement, c'est comme si on leur laissait un an de plus pour consolider leur position. C'est même une quasi garantie qu'il ne verront pas débarquer dans ce laps de temps de nouveaux entrants pour empiéter sur leurs parts de marché.
Et puis, quand il faut supporter tous les audits imposés par l'Arjel et qui coûtent plusieurs dizaines de milliers d'euros à chaque fois, si tu fais 100 millions d'euros de chiffre d'affaires, ce n'est pas si grave. Mais tu t'en doutes, ce n'est pas la même histoire pour les petits opérateurs qui ne font pas plus d'un millions d'euro de chiffre d'affaires. Après, que les gros vivent mieux que les petits, c'est normal et je n'ai rien contre. Simplement, je regrette qu'il ne puisse aujourd'hui y avoir de vraie compétition commerciale sur ce marché.
Pourtant, d'un côté on nous explique que le marché n'est pas viable et de l'autre on continue à voir arriver des investisseur, je pense notamment au rachat de Full Tilt Poker...
Bon d'accord, mais là tu prends un peu l'exception qui confirme la règle. Un pseudo nouvel arrivant rapporté au 28 opérateurs en place, pour moi c'est anecdotique.
Et puis pour connaître un peu Laurent Tapis, je ne pense pas que le marché français soit sa priorité. Ce qui l'intéresse c'est plutôt l’international, y compris les États-Unis. Je ne dis pas non plus qu'il se désintéressera de la France, mais ce n'est pas la France qui rend son investissement attractif.
La perspective d'une alternance politique en 2012 est-elle de nature à te rendre optimiste ?
Quand on s'appelle entre opérateurs, on s'interrogent tous à ce sujet. La gauche, par défaut, est souvent pour un contrôle strict du jeu. Mais j'ai envie de te dire que ça peut difficilement être pire en terme de régulation que ce que l'on connaît aujourd'hui. Et puis je note que les sénateurs de gauche ont voté à l’unanimité pour les préconisations du rapport Trucy, l'un des rares textes à aller dans le bon sens ces derniers temps.
La crise a-t-elle bon dos ?
On est en pleine crise financière et budgétaire à l'échelle mondiale et il est certain que la donne était différente au moment où la loi a été promulguée. Mais il faut aussi être réaliste. Nous, ce qu'on demande, ce n'est pas de baisser la taxe mais de changer d'assiette, parce que la taxation sur les mises est en train de tuer l'industrie du jeu à petit feu. Si rien ne change, il y aura demain des défauts de paiement, des dépôts de bilan, et au final ce ne sera pas bon pour les recettes fiscales de l'Etat.
Envisages-tu de quitter le marché français ? L'herbe, les tapis, sont-ils vraiment plus verts ailleurs ?
Non, la France c'est mon marché domestique, et même s'il ne représente pas plus de 25% de notre chiffre d'affaire, je n'ai aucune intention d'abandonner. C'est d'ailleurs tout le sens de notre partenariat avec Iliad (La maison mère de l'opérateur Free, ndlr). Pour nous, il s'agit d'un partenariat stratégique à long terme, qui nous permet notamment d'avoir les reins plus solide.
On va donc s'accrocher, pour réaliser nos objectifs qui sont d'intégrer durablement le haut du classement, disons les 8 premiers, des opérateurs de jeu les plus fréquentés. On s'apprête à lancer officiellement notre offre de paris sportifs via le site Free Pari, et puis pour le poker, nous devrions changer de réseau au début de l'année 2012, histoire de retrouver des liquidités en terme de joueurs. En terme d'acquisition de nouveaux clients, c'est un gros plus d'être directement présent dans la freebox et sur le portail du groupe.
Je pense que la marque Chili bénéficie d'une bonne cote d'amour sur le marché français, j'en veux pour preuve le succès de nos Deep Stack Open, et nous avons encore pas mal d'atouts à faire valoir. Le combat continue et j'ai bonne espoir que la raison finisse par l'emporter.