La combine à Nanard pour Full Tilt poker

La combine à Nanard pour Full Tilt poker

En septembre dernier, le groupe Bernard Tapie (GBT) faisait sensation en annonçant la reprise de Full Tilt Poker (FTP). Il déclenchait un immense espoir chez tous les joueurs qui espéraient être un jour remboursé. GBT est alors rentré dans des négociations tripartites avec le Département de Justice des USA (DOJ) et les anciens dirigeants du site, principalement Ray Bitar.

Bernard Tapie Full Tilt Poker

Ces négociations ont duré sept mois. Sept mois durant lesquelles sortait de temps à autre dans la presse un article annonçant l’imminence d’une issue heureuse. Sept mois avant que GBT ne jette l’éponge dans un communiqué officiel.

Que c’est il passé et pourquoi l’opération a échoué ? Retour en coulisses. L’annonce du rachat m’a laissée sceptique dès le départ. Cependant, je me suis longtemps interdit de commenter l’affaire. Afin de laisser le maximum de chances à l’opération d’aboutir et aux joueurs d’être remboursés de leurs fonds. 

Malgré des rumeurs très inquiétantes, j’ai attendu plusieurs mois avant de faire part de mes doutes dans un premier article: Nanard sauveur ou fossoyeur de Full Tilt Poker?

Depuis le retrait de l’offre de GBT il y a quinze jours, d’autres informations ont été publiées. On peut maintenant avoir la certitude que le rachat de Full Tilt eût été une excellente opération pour GBT mais un très mauvais coup pour les joueurs. 

Le naufrage de Full Tilt

Le « Black Friday », le 15 avril 2011, sur ordre du DOJ, le FBI stoppe les opérations des principaux sites de poker sur le sol américain. Full Tilt est alors la seconde plateforme de jeu au niveau mondial et a déclenché une bataille pour prendre la première place à Pokerstars. Mais derrière le brillant de la vitrine, la compagnie est dans le rouge. Elle n’a plus de fonds de roulement et s’avère incapable de rembourser les dépôts des joueurs américains.

Pour les actionnaires de Full Tilt, il n’est pas alors question de vendre. Ils cherchent d’abord à renflouer la compagnie en élargissant son capital. Ils partent en quête d’un investisseur, qui, contre 50% des parts de la société, amènerait le cash nécessaire pour relancer son activité. 

La perle rare est trouvée. Un homme d’affaire obtient le monopole des négociations. Mais il va faire perdre à la room plusieurs mois. Le mystérieux acteur n’aura jamais été en mesure de prouver qu’il avait les fonds nécessaires, ni d’apporter au DOJ les garanties sur l’origine de ces fonds pour boucler le projet. 

En parallèle, les scandales sur la gestion passée éclatent un à un. FTP a utilisé tous les dépôts des joueurs pour couvrir ses frais de fonctionnement et notamment les rémunérations hors normes de ses dirigeants. La room perd sa licence une nouvelle action en justice est ouverte sous l’accusation de pyramide de Ponzi. 

Les actionnaires ont le couteau sous la gorge. Il n’est plus question d’élargir le capital mais de trouver un acheteur, se désengager et sauver leurs peaux. C’est alors qu’arrive GBT et son offre de rachat en septembre dernier. 

Zorro est arrivé

Quel intérêt de reprendre une plateforme de jeu criblée de dettes et complètement décrédibilisée? A moins qu’il ne soit devenu fou et ait perdu son sens des affaires, Bernard Tapie se rendra vite compte que Full Tilt est une planche pourrie. 

Et pourtant les faits nous démontrent le contraire. Les négociations vont bon train :

  • Accord GBT/FTP, pour une reprise contre le remboursement des joueurs du reste du monde.
  • Accord DOJ/FTP, Full Tilt abandonnent ses avoirs au DOJ.
  • Accord GBT/DOJ, GBT rachète 60 millions ces avoirs. Cette somme en plus de celles saisies lors du Black Friday, permettra au DOJ de rembourser les joueurs américains.

 

Tout est bouclé en décembre et la presse enthousiaste annonce le redémarrage de la room pour janvier. Mais après cette série de bonnes nouvelles et d’accords signés plus rien ne se passe. C’est le silence radio et la plateforme de jeu reste fermée. 

La combine à nanard

Nous le savons aujourd’hui le DOJ refuse de donner les clefs de Full Tilt avant de connaître les modalités de remboursement du reste des joueurs. Il demande la garantie que les joueurs du reste du monde seront remboursés sous 90 jours. GBT refuse. Son plan est tout autre. Bernard Tapie est loin d’être devenu fou. Il est passé à deux doigts de réaliser une excellente opération en rachetant pour trois fois rien le numéro deux mondial du poker. 

En effet, une fois les 60 millions payés au DOJ, GBT ne comptait plus sortir un seul centime de sa poche. Il récupérait alors la plateforme de jeu et 25 millions de dollars avec les comptes courants. Il comptait sur cette somme pour payer les salaires et commencer à rembourser les joueurs du reste du monde. 

Au redémarrage de la room, tous les joueurs pouvaient retirer leurs fonds jusqu’à un plafond de 100$. Cela suffisait pour rembourser près de 95% des joueurs, qui ont sur Full Tilt une somme inférieure à ce plafond. Coût de l’opération, 16 millions de dollars, soit uniquement 9% des 168 millions en dépôt. Pour les gros comptes le cauchemar commençait. 

Prenons l’exemple d’un régulier avec 20 100$ de dépôt. Il est libre de retirer de suite 100$. Le reste se décompose en deux. Une faible fraction, de l’ordre de 2000$ est jouable mais non retirable. Le reste est transformé en bonus, appelé « rakeback ». GBT ne manque pas d’humour. Le bonus se récupère de façon classique en alignant les heures de jeu. Le joueur est donc contraint de rester fidèle à la room et est récompensé de la taille produite avec son propre argent. S’il veut jouer plus cher ou s’il perd la somme jouable, il va devoir redéposer sur Full Tilt pour être en mesure de récupérer le reste de ses fonds.

Il ne faut pas trop traîner en route. Après 6 mois d’inactivité, un système de pénalité rentre en vigueur. GBT saisi 5% du bank roll en dépôt par mois. De quoi assécher un compte en quelques trimestres. 

Il est probable qu’après avoir récupéré ses fonds le régulier ne remette jamais les pieds sur la plateforme de jeu. GBT n’en a cure. Le groupe aura pris possession d’une des meilleures plateforme de jeu pour une bouchée de pain avec l’espoir de garder les joueurs de micros stakes. Même en cas d’échec GBT rentrait largement dans ses frais en revendant le logiciel de jeu. N’oublions pas qu’il comptait également récupérer 16,5 millions de dettes des joueurs « HighStakes ».

LienNanard sauveur ou fossoyeur de Full Tilt Poker?

 

Derniers barouds de Tapie

 Voyant que les négociations s’enlisent avec le DOJ, GBT tente de contourner l’obstacle. Dans un premier temps, il propose à Ray Bitar de redémarrer la room sans attendre l’accord du DOJ. Sous couvert de vouloir sauver les emplois, il demande d’avoir l’usufruit de Full Tilt poker en attendant d’en être le propriétaire.

Ray Bitar déjà sous le coup de plusieurs poursuites judiciaires aux USA refuse prudemment de faire quoi que ce soit sans avoir le feu vert du DOJ. GBT ne se démonte pas et utilise ses dernières cartouches. Il a récupéré le fichier des joueurs et le listing des employés. Il envoi un mail aux employés de Full Tilt et leur propose de rejoindre GBT et de redémarrer sur une autre plateforme de jeu. Il a l’idée de racheter un autre logiciel de jeu, sans doute Ultimate Bet. 

Nouvel échec. La plupart des employés refusent de se mettre hors la loi. Dans leur contrat de travail avec Full Tilt, une clause leur interdit d’aller chez la concurrence sans un accord préalable de leur direction.

 

Sortie des artistes

Le 24 avril le mystérieux PS<3FTP, pokerstars aime Full Tilt en langage SMS, poste sur le forum twoplustwo: PokerStars achète Full Tilt : Un nouveau bluff ?

A peine quelques heures après, Laurent Tapie annonce dans un communiqué officiel le retrait de son offre d’achat. Je sais qu’on est à l’heure de twitter. Mais après une réaction aussi rapide, je soupçonne GBT être derrière ce post et ces révélations. Dans tous les cas cette bonne nouvelle a permis au groupe de sortir la tête haute après sept mois de négociations infructueuses. 

Les espoirs déçus se reportent désormais sur pokerstars. C’est une autre histoire, j’y reviendrai dans un prochain article.

 

Principales sources: http://diamondflushpoker.com/

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