- 23 mai 2012
- sharp
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L’annonce du rachat de Full Tilt Poker (FTP) par pokerstars, fut sans nul doute un des rebondissements les plus inattendus depuis le Black Friday. On aurait pu croire à un poisson d’avril, un peu comme si le PSG rachetait l’OM.
Cette hypothèse a créé beaucoup d’espoir, mais également pas mal d’interrogations dans la communauté des joueurs.
Sharp répond aux dix questions que tout le monde se pose.
Comment Pokerstars est rentré dans le jeu ?
L’annonce du rachat de FTP et du remboursement de tous les joueurs fut faite au travers d’un post anonyme sur le forum twoplustwo. Douze heures après, le post affiché plus de vingt mille réponses. Tous les sites de news avaient relayé l’information. Bravo à Poker Académie, qui fut l’un des premiers pour la presse en ligne francophone.
Un déluge de twits a suivi le post. Citons celui d’Alexandre Dreyfus, patron de Chili poker, ou d’un certains nombres de pros dont Fabrice Soulier. Pas moyen de savoir s’ils relayaient l’information ou s’ils la validaient d’après leurs sources.
En revanche, à part Laurent Tapie qui en a profité pour jeter l’éponge, aucun des acteurs n’a réagi. Cependant, si la rumeur était infondée, Pokerstars ou les anciens dirigeants de FTP se seraient empressés de publier un démenti.
Le groupe Bernard Tapie était sur le point de racheter Full Tilt pour environ 60 millions de dollars. Et Pokerstars est prêt à en débourser 750 millions. Pourquoi payer 10 fois plus ?
Ces sommes ne recouvrent pas la même chose. Pour bien comprendre, il faut remonter au Black Friday. Le FBI a fermé les principales plateformes de jeu opérant sur le sol Américain. Le Département de la Justice (DOJ) a demandé à chacune de payer une amende de 1,5 milliards de dollars. Seule Pokerstars n’a pas mis les clefs sous la porte. Depuis, le site négocie afin de trouver un accord sur le montant des pénalités. Après un an de négociations, le DOJ a donc réduit l’amende à 750 millions et offre Full Tilt poker en prime.
Pokerstars fait-il une bonne affaire ?
Comme je l’ai dit la reprise de Full Tilt s’inscrit dans une négociation globale. L’enjeu peut être de taille : Permettre à Pokerstars d’opérer à nouveau sur le sol américain, lorsque le marché sera rouvert et régulé. Accessoirement, en cas d’accord, le propriétaire du site pourra continuer de voyager à travers le monde sans jamais avoir à craindre de se faire passer les menottes par Interpol à la descente de son jet privé.
Commercialement, Pokerstars a tous les atouts pour réussir la reprise de FTP. En remboursant les joueurs américains une semaine après le black Friday, l’opérateur a montré une saine gestion et inspire confiance. C’est crucial après tous les scandales qui ont ébranlé l’image du jeu online. Pokerstars hérite d’un des meilleurs logiciels de jeu et s’il arrive à relancer Full tilt, il contrôlera les deux plus grosses plateformes de poker.
Reverra t’on Pokerstars sur le marché américain ?
Il faut attendre que les USA lancent une offre légale ! Mais cela fait sans doute partie des négociations. En 2006, lorsque les USA ont interdit le poker online, la plupart des sites, dont le leader mondial de l’époque Party Poker, ont décidé de se retirer. Party Poker s’était acquitté d’une amende de 300 millions de dollars pour espérer revenir un jour. Pokerstars, alors numéro deux a fait le choix de rester et de continuer à opérer dans l’illégalité pendant presque 5 ans. Le site a ainsi construit sa position dominante sur le marché mondial. S’il s’en tire avec une simple amende de 750 millions, incluant l’acquisition de Full Tilt et les 330 millions remboursés aux joueurs, cela valide à postériori sa stratégie de se mettre hors la loi.
Quand le nouveau Full Tilt redémarrera ?
Tout ce qui sort dans la presse ne sont que des rumeurs et supputations. Aucun des acteurs n’a intérêt à ébruiter le contenu des négociations. Je suis optimiste car tous ont intérêt à une issue positive dans les plus brefs délais.
Pokerstars gardera t’il la team Full Tilt poker ?
Certainement pas ! Leurs contrats étaient dix fois plus cher que ce qui se pratique aujourd’hui sur le marché. Sur les quatorze membres, plus de la moitié n’ont pas aujourd’hui un profil intéressant pour un sponsor.
Howard Lederer et Chris Fergusson sont disqualifiés pour leurs liens étroits avec la gestion scandaleuse passée.
Jennifer Harman, Andy Block, Erick Lindgren, Phil Gordon et Mike Matusow ne sont pas ou plus assez attractifs. Seule leur présence depuis le lancement de FTP ou les parts qu’ils détenaient justifiaient leurs contrats. Alan Cunningham qui a rejoint le team plus tard ne sera probablement pas non plus conservé. Il est américain, très discret et n’a pas eu de résultats notables en tournoi depuis longtemps.
Phil Ivey est un cas à part. Il détenait un contrat juteux et des parts importantes de Full Tilt. Il se prêtait, de mauvaise grâce, au jeu du sponsoring. Je me souviens d’une anecdote que m’a racontée à son sujet Gus Hansen. Lorsque ce dernier a rejoint le team, il fallu refaire les photos publicitaires du groupe. Phil Ivey a proposé de payer 2 millions de dollars pour être dégagé de cette obligation ! Il faudrait que stars lui fasse un formidable pont d’or pour qu’il reste. Cela me paraît difficilement envisageable.
A quoi ressemblera le futur team Full Tilt poker ?
Probablement au team Pokerstars ! Avec un contrat leader très bien payé, comme celui de Negreanu. Quelques stars bien payées comme Elky ou Ilsidur, et des petits contrats.
Si les nouveaux propriétaires optent pour conserver un noyau du team précédent, Eric Seidel recordman des gains en tournoi, John Juanda très populaire en Asie, Patrick Antonius, Gus Hansen et Tom Dwann sont tous de très bons candidats pour continuer à représenter la room.
Gus Hansen est le plus à même à jouer le même rôle que Daniel Negreanu. Il ne se contente pas de jouer. Il aime être actif sur son blog et les réseaux sociaux. Patrick Antonius n’est pas très communicatif. Il a l’avantage d’avoir eu sa photo beaucoup utilisée dans Full Tilt ancienne période.
Ce ne sont que des hypothèses. Rien ne dit que ces joueurs accepteront de signer des contrats revus à la baisse.
Le nouveau Full Tilt continuera t’il son offre de rakeback ?
C’est une des différences fondamentales entre les deux plateformes. Pokerstars préfère un système de points de fidélité. Le programme de Full Tilt est très différent mais pour un coût équivalent. Je ne pense pas que stars supprime le rakeback dans un avenir proche. L’opérateur prendrait le risque de perdre des joueurs au moment où il en a le plus besoin pour relancer la room. De plus, il se mettrait à dos tous les sites via lesquels ces joueurs se sont affiliés. C’est envisageable sur le long terme. Party Poker par exemple est passé au fil des ans d’une offre de rakeback à un système VIP.
Les deux réseaux vont-ils un jour fusionner ?
Il est beaucoup trop tôt pour le dire ! Il faudrait d’abord que les négociations aboutissent. Rien ne dit ensuite que Stars arrivera à relancer Full Tilt poker. Enfin, si tout se passe bien, on peut envisager tous les cas de figures.
D’une autonomie totale des deux plateformes à la fusion, en passant par l’organisation de grands évènements en communs, par exemple les tournois du dimanche.
Cela dépendra à mon avis des parts de marchés du nouveau Full Tilt. Plus elles seront importantes, plus nous irons vers l’autonomie totale. Si elles sont négligeables, FTP fermera ses portes ou se transformera à terme en skin de Pokerstars.
Avec ce rachat, faut il avoir peur d’une situation de quasi-monopole ?
C’est la menace que l’on voit agiter partout. Si on additionne les chiffres de fréquentation des deux salles avant le Black Friday, on dépasse les 80% du marché. Même s’il n’est pas certain que FTP retrouve son audience passée.
Avoir plus de concurrence avantagerait les joueurs. Mais elle ne se décrète pas facilement. La situation de monopole nous la constatons aujourd’hui. Après le Black Friday, les plateformes européennes ont redoublé d’offres commerciales. Mais aucune autre room n’a su prendre la place vacante de challenger.
Le poker en ligne est un des marchés les plus libres qu’ils soient. En trois clics de souris, chacun peut vider son compte et aller voir ailleurs. Aujourd’hui, les joueurs choisissent massivement Pokerstars. Quelque soit le futur propriétaire de Full Tilt, ce n’est pas près de changer.