- 12 novembre 2014
- petiteglise
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Qu’est-ce que l’intuition ? Comment savoir si une intuition est fondée ou non ? Quand doit-on faire confiance à son intuition et quand doit-on raisonner consciemment ?
Face à un problème à résoudre, deux modes de pensée peuvent être utilisés. Le premier est rapide, sans effort et incontrôlable, le deuxième est long, coûteux en énergie et contrôlable.
Essayez par exemple de ne PAS penser à la réponse à ces questions : 2+2 ? Tel père, tel ? Pile ou ?
Il y a de bonnes chances pour que les réponses vous sautent à l’esprit, sans que vous ne puissiez vous en empêcher. Ainsi fonctionne le système 1, l’intuition : instantanément, sans que vous le vouliez, la réponse vous apparaît, dans un sentiment d’évidence.
A l’inverse, si je vous demande de résoudre de tête 17*83, il est probable que cela vous demande de la concentration, de l’effort, du temps durant lequel vos pupilles seront dilatées et votre coeur battra légèrement plus vite afin d’oxygéner votre cerveau. Ainsi fonctionne le système 2, la réflexion consciente : on peut l’influencer, mais le processus est laborieux.
Le potentiel de l’intuition
On distingue 4 étapes dans l’apprentissage de tout domaine :
L’incompétence inconsciente “je ne sais pas que je ne sais pas”
Ex : un tout débutant qui n’a jamais entendu parler du concept de position.
L’incompétence consciente “je sais que je ne sais pas”
Ex : le débutant découvre le concept de position, sans encore l’avoir étudié.
La compétence consciente “je sais que je sais”
Ex : Le joueur commence à maîtriser le concept, mais il utilise encore son système 2 : sa réflexion est consciente, longue et laborieuse
La compétence inconsciente “je ne sais pas que je sais”
Ex : Le joueur a atteint le stade où il peut se fier à son intuition et trouver le bon move instantanément “sans même y penser”.
C’est cette “compétence inconsciente” qu'utilisent par exemple les gros multi tablers, qui jouent mieux en une fraction de seconde que leurs adversaires qui réfléchissent bien plus longtemps. Pourtant, il arrive aux meilleurs joueurs du monde de devoir réfléchir longuement, d’utiliser leur système 2, et il arrive aussi que des débutants aient une intuition totalement erronée. Alors, quand peut-on se fier à notre instinct ?
La validité d’une intuition
Les intuitions nous procurent un sentiment d’évidence. “ça va arriver, je le sens”, “il a ça, je sais pas comment je le sais, mais je le sais”, “là, c’est un easy call”. Et c’est d’ailleurs sur ce sentiment que l’on se base pour prendre notre décision. Plus notre intuition nous parait certaine, plus l’on agira en conséquence. Mais il y a une faille dans la démarche : il n’y a aucune relation entre la puissance du sentiment d’avoir raison et la véridicité de cette intuition. Autrement dit, ce n’est pas parce que l’on est plus persuadé d’avoir raison, qu’on a plus de chance d’avoir raison.
Pour évaluer la crédibilité d’une intuition, la vôtre ou celle d’un autre, les deux questions à se poser sont : Est-on dans un domaine prédictible ? Quelle est l’expérience de l'émetteur de l’intuition, dans ce domaine ?
Ainsi, toutes les intuitions qui relèvent de la prémonition n’ont aucune valeur prédictive : “sentir” que l’on va toucher AA à la prochaine main, ou “savoir” qu’un carreau va tomber ne vaut rien, car la distribution des cartes n’est pas prédictible.
A l’inverse, une intuition sur le move à jouer peut avoir de la valeur, si le joueur la formulant est compétent et a de l’expérience dans ce genre de mains.
En bref :
L’intuition d’un débutant persuadé que payer est le bon move a très peu de valeur.
L’intuition d’un bon joueur, dans un spot typique, persuadé que payer est le bon move, a beaucoup de valeur.
L’intuition d’un joueur persuadé qu’un trèfle va tomber à la river, n’a aucune valeur.
Les limites de l’intuition
L’intuition est donc très utile, mais il faut avoir à l’esprit qu’elle fonctionne en raccourcis, en préjugés : elle regroupe des situations qui se ressemblent et leur accolent une démarche à suivre. “Dans ce genre de situations, il faut faire ça”.
Ce processus n’est pas exempt de défauts.
Par exemple, les détails ne sont pas pris en compte. Au poker il n’y a jamais deux situations exactement identiques. Considérer un coup comme “typique” c’est forcément ne pas prendre en compte tous les éléments. Si on regardait plus attentivement, on se rendrait compte que le coup n’est pas si “typique” que ça. Souvent les détails sont effectivement négligeables, l’intuition permet donc de gagner du temps, voire même de ne pas être induit en erreur par tel élément sans importance. Mais, parfois, se fier à son intuition, c’est passer à côté d’éléments importants.
L’intuition est facilement victime de nombreux biais. On peut citer le biais de disponibilité comme une des plus typiques : il s’agit de la tendance à surestimer la probabilité d’évènements facilement disponibles à la mémoire. Par exemple : vos cinq derniers 4-bet lights ont vu vos adversaires se coucher à chaque fois, on vous 3-bet, consciemment ou non vous allez repenser à ces succès passés et allez relancer “parce que vous le sentez”. A l’inverse si vos cinq derniers 4-bet s’étaient mal passés, vous auriez sûrement agi différemment.
Conclusion
L’intuition n’est ni mal ni bien en soit. C’est un outil qui peut être utile dans certains cas et contre productif dans d’autres. Rappelez-vous qu’il n’y a aucun lien entre la confiance en l’intuition et sa véridicité. N’hésitez pas à interroger régulièrement vos propres intuitions, pour vérifier si elles ne sont pas biaisées.