Ne jamais perdre au poker est facile : il faut soit gagner, soit apprendre.

Ne jamais perdre au poker est facile : il faut soit gagner, soit apprendre.

Chaque main perdue, chaque élimination de tournoi, chaque downswing est une leçon. Mais trop souvent, au lieu d'apprendre de nos erreurs, on essaye de les oublier voire de les nier. Apprenez à tirer profit de vos pertes. 


Deux mentalités : Vantards vs Apprenants.


On peut séparer les joueurs de poker, et d’une manière plus générale l’ensemble de la population, en deux. Nous avons d’un côté les Vantards et de l’autre, les Apprenants.

La différence fondamentale entre ces deux groupes est leur croyance respective en ce qui fait le skill et en particulier leur skill. Pour les Vantards, le skill est comme la taille : une caractéristique gravée dans le marbre génétique. Pour les Apprenants, le skill est tel la musculature : une propriété changeante, sur laquelle on peut influencer par l’entraînement.

Un Vantard a honte de s’entraîner et minimise toujours les heures passées à étudier, criant à qui veut l’entendre “non mais moi, je ne me suis jamais entraîné”. Le sous texte est clair : “je suis un génie inné du poker”. Un Apprenant en revanche, reconnaît volontiers l’importance de son travail. Mieux encore, il en est fier et trouve méritoire de s’entraîner chaque jour.

 

 

En plus de l’entraînement, la différence de mentalité entre Vantards et Apprenants joue dans leur réaction face à l’échec. Pour un Vantard, l’échec est insupportable car c’est pour lui la preuve qu’il ne serait pas un génie inné. Il blâme alors la malchance “je suis encore tombé sur le haut de sa range”, les cartes “je touche jamais”, le croupier ou la room “c’est rigged”. On connaît tous les phrases préférées des Vantards.

A l’inverse, pour un Apprenant, l’échec est une occasion de découvrir un leak et donc de s’améliorer. Il peut reprendre à son compte les mots de Nelson Mandela : “Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends.”

Sur un forum, le Vantard poste les coups où il pense avoir bien joué et ceux où il pense avoir été victime de malchance. L’Apprenant poste les coups où pense avoir mal joué, dans le but de progresser.



Les vertus de l’échec
 

Stan Wawrinka a tatoué sur son bras la phrase suivante de Samuel Beckett, qui définit aussi bien un artiste, un entrepreneur, un sportif qu’un joueur de haut niveau : “Ever Tried. Ever Failed. No Matter. Try again. Fail again. Fail better.” soit en français : “Déjà essayé. Déjà échoué. Peu importe. Essaie encore. Échoue encore. Échoue mieux.”

On sait bien que la GTO est un idéal théorique inaccessible à l’humain. Au poker on ne peut pas réussir. On peut juste se tromper un peu moins que les autres. Se tromper un moins aujourd’hui que hier. Se tromper un peu moins demain qu'aujourd'hui.

Chaque erreur est une leçon. C’est à nous de décider si on l’apprend ou si on on la rejette. Quand on joue mal une main, on peut blâmer les cartes, ou alors on peut l’analyser sur un forum, avec un coach ou avec un solver et progresser. Quand on regarde ses stats, on peut soit revivre ses moments de gloire, soit trouver ses leaks et les corriger. Quand on subit un downswing, on peut soit arrêter ce jeu qui est rigged, soit y voir la preuve que le travail est nécessaire.

La plupart des grands joueurs ont connu une traversée du désert dont ils ont retenu la plus importante des leçons : le skill s’apprend, demande du travail. Beaucoup de travail.

Negreanu raconte en parlant de ses difficiles débuts : “Même quand je me réveillais broke, je me réveillais prêt à me battre. C’était impossible que j’arrête. J’étais déterminé à apprendre à mieux jouer après chaque perte. Quand je me faisais battre, je payais attention aux raisons de ma défaite et j’essayais d’apprendre de chaque situation. Bien sûr il y avait aussi de la malchance, mais même à cet âge, je ne croyais pas que mes pertes étaient simplement dues au hasard. La question que je me posais était “qu’est-ce qui ne va pas dans ce que je fais ?”

 

 

Alex Luneau avait monté une maigre bankroll de 16k quand il a pris la décision d’arrêter les études et de passer pro. Quelques jours plus tard, il avait perdu 70% de sa roll. “Cela reste mon pire souvenir de poker. En particulier à cause du doute que cette phase a installé chez moi. Soudain, je n’étais plus sûr de mon jeu, je me mettais à tilter, je jouais mal, je savais que je jouais mal, mais je jouais mal quand même", ajoute-t-il tout en admettant que cela "l'a forcé à se reconcentrer sur l'apprentissage du jeu. Le point de départ d’une ascension fulgurante.”



Les dangers de la réussite
 

Si l’échec a des vertus, la réciproque est vraie : la réussite présente des dangers.

Le plus gros d’entre eux est la surestimation de ses compétences, voire l'illusion de compétence. Il peut être difficile d’analyser une main perdue après un mauvais move. Il l’est encore plus de reconnaître son erreur dans une main gagnée par chance alors que l’on a mal joué.

Il y a peu de joueurs perdants dépendants au poker en comparaison des autres jeux de casinos. La raison est simple : le joueur se rend compte qu’en plus du rake il perd à cause de l'absence de skill. Mais les joueurs addicts existent et ont un profil type : souvent ils ont connu un gros gain initial. Cela enclenche chez eux la mentalité de Vantard “dès mes débuts je gagne au poker, je dois être un génie inné du jeu”. Alors ils ne s’entraînent pas et quand ils se retrouvent broke, ils accusent la malchance et cash-in en se rappelant leur gain liminaire.

Le joueur de poker trouvera une belle leçon dans la sagesse stoïcienne du fameux poème de Rudyard Kipling “Si… Tu seras un homme mon fils”. dont deux quatrains semblent avoir été écrits pour des joueurs :

“Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;
[… ]
Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront, “

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