- 04 janvier 2013
- petiteglise
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En décembre dernier Jason Mo a créé une polémique sur twitter en clashant Tom Dwan, allant jusqu’à l’accuser d’être un joueur largement perdant en NLHE contre n’importe quel reg de 5/10 et plus. Au-delà du durrrr-bashing, il est intéressant de se demander si les stars du poker sont bel et bien les meilleurs joueurs.
Jason Mo vs Tom durrrr Dwan
Au début du dernier mois de l’année 2012, un reg américain plutôt inconnu se lâchait sur Twitter à l’encontre de Tom Dwan
« Tom Dwan a remporté presque tous ses gains contre Guy Laliberté, qui jouait sous plusieurs comptes. En fait, quatre des cinq comptes contre lesquels Tom Dwan a gagné le plus d’argent appartiennent à Guy Laliberté. Durrrr est un joueur largement perdant contre n’importe qui de compétent en NLHE et ses résultats le prouvent »
Jason Mo poursuivait en accusant Durrrr de refuser de continuer son challenge contre Daniel Cates pour éviter de lui verser les 1,5 million de $ au cas où il perdrait.
Durrrr s’est contenté de répondre par un laconique « lol » suivi d’une proposition de jouer (laquelle n’a apparemment pas été acceptée par Mo)…
Chance et succès : la starification des chanceux
Nous avons tous trop souvent tendance à oublier la part de chance pour expliquer les événements passés et ce dans tous les domaines. En parallèle de ce phénomène, nous glorifions les vainqueurs, leur attribuant des mérites qui dépassent largement leur talent.
Prenons l’exemple d’un énorme succès entrepreneurial : Google de Larry Page. Pour beaucoup, le succès de l’entreprise est dû au génie du cofondateur devenu PDG. Et il en va de même pour Microsoft et Bille Gates, Apple et Steve Jobs, ou encore Facebook et Zuckerberg.
Mais en 1999, la société Excite a refusé d’acheter Google pour 1 Millions de $ et a maintenu son refus quand Page a baissé son prix à 750 000 $... Le PDG de l’entreprise qui pèse maintenant plus de 150 milliards a eu bien de la chance dans son malheur de ce jour-là, ainsi qu'à bien d’autres reprises.
Alors qu’on résume souvent une entreprise à son dirigeant, celui-ci n’est souvent responsable que pour quelques pour-cents (allez, au grand maximum, dans des cas exceptionnels, pour 20 / 30%) du succès de sa boite. Le reste étant lié à la conjoncture économique, aux autres salariés, à la concurrence, aux multiples facteurs accidentels, etc ce qui ne dépend pas du PDG et correspond donc -au moins en grande partie- à de la chance.
Bien sûr, Zuckerberg et Cie sont particulièrement brillants, mais s’ils devaient recréer des entreprises, elles marcheraient très certainement beaucoup moins bien, et si d’autres avaient repris leurs grands groupes à un moment donné, ils auraient pu avoir des résultats tout à fait comparables.
Il en va de même au poker, nous tendons à oublier la part de chance au profit du mérite pour expliquer les succès passés.
Stu Ungar est un parfait exemple de joueur dont on oublie qu’il a été extrêmement chanceux. Bien sûr, Stu est un génie des cartes, un joueur né - pour paraphraser sa biographie-, mais c’est bien grâce à la chance qu’il est devenu aussi légendaire.
Ungar est principalement connu pour ses 3 bracelets obtenus lors des Main Events 1980, 1981 et 1997.
En 1980 il devance 72 joueurs, en 1981 – 74 joueurs et en 1997 – 311 joueurs.
Imaginons que Stu avait respectivement une chance sur 5, une chance sur 5 et une chance sur 20 de remporter chaque WSOP, probabilités qui sont vraisemblablement très surestimées malgré tout le génie d’Ungar, eu égard à ses adversaires, parfois géniaux eux aussi. (rien qu’en 80, on trouvait Doyle Brunson, Johnny Moss… et tous les autres – rappelons qu’additionnées ensemble, les probas de tous les joueurs doivent donner 1)
La probabilité que Stu Ungar remporte ces trois bracelets est donc de 1/5^2*1/20 = 1/500 = 0.2%
Une chance sur 500 seulement pour The Kid de gagner ces trois championnats !
Et la probabilité que Stu Ungar n’ait gagné aucun de ces trois championnats est donc de 4/5^2*19/20 = 0,6
Ungar avait donc plus d’une chance sur deux de ne gagner aucun des trois WSOP qu’il a remporté… Et sa place dans l'Histoire du poker aurait été tout autre...
Bien sûr il n’y a là aucune rigueur scientifique, les probabilités sont sûrement trop grandes mais en compensation je ne parle pas des WSOP qu’Ungar n’a pas gagnés (dont le WSOP 90, au troisième jour duquel Stu fit une overdose ce qui l’empêcha de jouer… mais pas de finir 9ème…)
Mais je crois que l’ordre de grandeur est significatif.
On peut donc affirmer que les légendes des tournois lives sont toutes au moins chanceuses, en plus d'être très souvent géniales. Par corrélation, beaucoup de joueurs géniaux mais pas assez chanceux sont sous-estimés pour n’avoir pas eu la chance nécessaire au gain d’un titre majeur.
Les Heads-up nosebleed : des fakes ?
Le jeu sur internet permet de jouer un grand nombre de mains et d’annihiler en grande partie la variance. Après plusieurs centaines de milliers de mains, un reg de CG aura des gains globalement en adéquation avec son niveau.
Cela dit, d’autres facteurs que le nombre de mains jouées influent sur la variance, parmi eux :
- Le nombre de joueurs : plus la table est pleine, moins la variance est importante. En HU la variance est donc bien plus importante qu’en FR.
- Le type de jeu : le No Limit implique bien plus de variance que le Limit
- Le style de jeu : quand on est un joueur LAG et/ou qu’on affronte un joueur LAG, on a bien plus de variance qu’à une table serrée et/ou passive.
Ainsi, quand deux joueurs LAG s’affrontent en Heads-Up No Limit Holdem, tous les facteurs sont réunis pour que la variance ait une influence extraordinaire.
La récente revanche durrrr vs Isildur1 dans laquelle Blom a pris 200 000 $ en 1 381 mains est certes impressionnante mais ne démontre aucunement une nette différence de niveau entre les joueurs.
Même le rush de 6 millions gagnés en une semaine par Isildur1 en 2009 n’est pas représentatif, pas plus que la perte en un temps record de ces mêmes millions qui s’en est suivie…
Les joueurs de HU nosebleed ne joueront probablement jamais assez de mains entre eux pour vaincre la variance et que l’on puisse déterminer avec certitude qui est le meilleur.
Mais alors pourquoi jouent-ils ?
Certains pensent que tout est fake, les joueurs seraient payés par les sites pour leur faire de la pub et leurs gains/pertes ne correspondraient à rien. Le stacking et le sponsoring sont deux réalités indéniables mais l’hypothèse du "tout fake" me parait improbable. Je crois que les joueurs nosebleeds sont, par définition, avant tout des joueurs. Ils prendront par principe n’importe quel pari à espérance nulle, pour le simple plaisir.
De plus ces champions ont très souvent un énorme égo qui leur fait penser, à tort ou à raison, que leur espérance n’est pas nulle mais positive. L’espoir du plaisir égotique de battre l’adversaire allié à l’espoir de gagner de l’argent est simplement trop tentant pour eux.
Je ne suis donc pas surpris qu’ils soient prêts à faire fi des principes de base du BankRoll Management et prendre des paris trop élevés.
Relativisons tout de même en notant que The Professionals de Full Tilt Hansen, Dwan et Blom sont des exceptions et que la majorité des grands joueurs de poker ont un BRM bien plus rigoureux. D’ailleurs, parmi les 48 joueurs du Big One for One Drop au buy-in d’1 Million de $, beaucoup étaient de richissimes amateurs et (quasiment ?) tous les joueurs pros, dont le vainqueur Antiono Esfandiari, étaient stackés.