- 07 novembre 2011
- ace_of_raise
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Après de nombreuses heures de bataille, voire des jours entiers, vous voici enfin à la table finale d’un tournoi live. Les éliminations se succèdent, vous faîtes partie des derniers joueurs que l’on peut compter sur les doigts de la main, derniers survivants d’une guerre sans merci. Bravo ! Les sommes en jeu commencent à vous faire tourner la tête et pour cause : elles pourraient changer votre quotidien. L’écart entre les prix est tellement important que l’idée d’un deal vous trotte dans la tête. Voici quelques pistes pour savoir appréhender cette situation.
Le deal est un accord, un marchandage entre les joueurs pour répartir les sommes encore en jeu comme ils l’entendent et en réduire l’écart. Souvent en fin de tournoi les tapis manquent de profondeur ; les joueurs se retrouvent all-in préflop pour contrer l’augmentation des blinds et survivre. Tout se joue alors sur un coup de dé. Sauf qu’un coup de dé à 10 000€ ou à 100 000€ n’est pas du goût de tous, on les comprend. Pour continuer à intéresser la partie, on laisse généralement 5% du prize-pool pour la gagne.
Dans la pratique, si les joueurs veulent dealer ils demandent au responsable du tournoi de mettre l’horloge en pause, le temps de trouver un arrangement…ou non. L’ambiance est souvent au rendez-vous, le ton monte de temps à autre : bienvenue à la criée. Il suffit qu’un seul joueur ne soit pas d’accord sur le deal pour clôturer les négociations. La trêve est terminée et la partie reprend.
Quelques conseils
- 1. Dans la mesure du possible et si votre tapis vous le permet, ne soyez pas l’instigateur du deal ou faites celui qui n’est pas emballé. Votre voix aura ainsi plus d’importance dans les négociations à venir. Ce semi bluff vous permettra de demander plus !
- 2. De nombreuses informations sont à recueillir. Celui qui propose le deal a peur, cherche à monter dans les gains et ne souhaitera pas se retrouver à tapis sans une bonne main. Il pourra être exploitable par la suite si aucun deal n’est conclu.
- 3. Si vous êtes le seul à refuser le deal, faites attention par la suite : vous serez dans le viseur des dealers. Ils pourraient vous faire payer votre témérité, se léguer contre vous dans le but de vous éliminer, afin de reprendre de plus belle les négociations.
- 4. Si un deal est conclu, les shortstacks auront tendance à élargir assez vite leur range de push et de call, pour se donner une chance d’atteindre la première place. Ajustez votre jeu en conséquence.
- 5. Essayez de gagner un pot significatif avant de proposer un deal. Les jetons acquis vaudront de l’argent.
- 6. Savoir se détacher le l’argent en jeu pour prendre la bonne décision est l’une des qualités d’un bon joueur de poker. Il serait dommage de faire une croix sur les 100 000€ de la première place sous prétexte d’assurer les 12 000€ du deal.
- 7. Ne tombez pas sans y réfléchir sous l’influence des dealers en herbe, accros au risque minimum, qui n’ont qu’un seul objectif : se payer leurs prochains tournois. Ayant déjà rendu les armes, ils ne connaîtront jamais l’adrénaline d’une belle victoire les poches pleines aux as.
Deal au chipcount
Ce deal s’effectue au prorata des tapis. On déduit généralement 5% du prize-pool restant à distribuer, pour le vainqueur. Ainsi la partie continuera avec cet enjeu à la clef. Chaque joueur reçoit un gain minimum garanti, équivalent au montant de la prochaine place payée à venir dans l’échelle des gains. Pour finir, on répartit proportionnellement au tapis de chaque joueur ce qui reste du prize-pool. Cette technique est la plus répandue et considérée comme équitable…tant que les tapis sont proches. Si un joueur est nettement chipleader, il peut gagner plus que la première place du tournoi !
Exemple d’un deal à 3 joueurs
Les 3 dernières places d’un tournoi rapportent respectivement 50 000€, 30 000€ et 20 000€. Il y a au total un prize-pool de 100 000€ à distribuer. On en déduit 5% destiné au futur vainqueur soit 5 000 euros. On retire ensuite 20 000€ garantis pour chacun des 3 joueurs soit 60 000€. Il reste de la cagnotte 35 000€ à redistribuer pour les joueurs en proportion de leurs tapis. Si un des joueurs dispose de 50% des jetons en jeu, le deal lui donnera 35 000 X 50%+20 000 = 37 500€. En cas de victoire son gain pourra s’élever à 42 500€.
Deal avec l’ICM (Independant Chip Model)
En partant du principe qu’un jeton gagné a moins de valeur qu’un jeton perdu, les petits tapis peuvent constituer une menace pour le chipleader du simple fait de leur présence. Qui n’a pas entendu d’anecdote sur un joueur qui n’avait qu’une BB et qui a finalement remporté le tournoi ? La cagnotte en jeu est répartie à l’aide d’un calculateur ICM. Il détermine la probabilité pour chaque joueur de finir à chacune des positions en fonction de l’importance de son tapis. Il calcule ensuite l’espérance de gain en multipliant la probabilité de terminer à une place payée par le gain potentiel offert par cette place.
L’équité est assez juste, en supposant que les joueurs sont d’un niveau technique égal et prennent tous des décisions optimales. Cette méthode de calcul avantage légèrement les petits tapis et principalement les tapis moyens, au détriment du chipleader. Pour proposer ce deal, encore faut-il un calculateur ICM. Faisant appel à de nombreux calculs de probabilités, il serait trop long à mettre en pratique sans un logiciel à porté de main. Vous pourrez trouver ce type de soft pour votre mobile en parcourant le net.
Tableaux comparatifs des méthodes chipcount et ICM
Les exemples qui suivent sont basés sur la structure de paiement d’un EPT avec 730 participants. L’échelle des gains avant deal est la suivante : 1ère place : 850 000€ 2ème place : 530 000€ 3ème place : 285 000€ 4ème place : 227 000€ 5ème place : 173 000€
Exemples de deals à 3 joueurs
Il est retenu 5% du prize-pool avant le deal pour le futur vainqueur, soit 83 250€. Pour le chipcount ces 5% sont déduit dans la totalité de la somme des places payées. Pour l’ICM ces 5% sont déduits à part égale entre les places payées.
Exemples de deals à 5 joueurs
Il est retenu 5% du prize-pool avant le deal pour le futur vainqueur, soit 103 250€. Pour le chipcount ces 5% sont déduit dans la totalité de la somme des places payées. Pour l’ICM ces 5% sont déduits à part égale entre les places payées.
Ce qu’il faut retenir
Comme on peut le voir dans les tableaux précédents, les écarts peuvent être importants et représenter une belle somme d’argent ! Le chipleader a intérêt à proposer un deal au chipcount qui lui est plus avantageux, surtout si son tapis domine nettement celui de ses adversaires. A l’inverse, les autres joueurs doivent privilégier un deal basé sur l’ICM, il leur sera plus équitable. Si le responsable du tournoi propose aux joueurs de calculer « les chiffres », demandez-lui la méthode qu’il utilise.
Vous avez désormais les outils pour proposer ou accepter un deal à votre avantage en fonction de votre tapis. N’oubliez pas que d’autres facteurs sont à prendre en considération comme la profondeur des tapis, la structure, le niveau de vos adversaires. Si vous vous sentez au mieux de votre forme, que vous avez un mental d’acier, que rien ne peut vous arrêter et qu’une petite voix vous murmure « il est pour toi ce tournoi » : foncez ! Jouez pour la gagne et ne marchandez pas. Votre esprit de joueur n’est pas à vendre.