- 28 mars 2012
- mizar2001
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« Si vous n'avez pas repéré le fish de la table, c'est que le fish, c'est vous... » Beaucoup d'entre vous connaissent sans doute ce vieil adage pokeristique. De fait, le poker est un jeu cruel, darwinien, où les gros dévorent les petits, où les forts dégomment les faibles.
Rares sont ceux qui survivent très longtemps dans cette mer sanguinolente, où le moindre poisson qui se tortille nonchalamment est aussitôt encerclé par un banc de requins. Lesquels n'hésitent pas non plus à s'entre-tuer, parce qu'il n'y a pas assez de nourriture pour tout le monde.
Le poker online de nos jours, c'est cela. Un copier-coller de la loi de la jungle, un avatar de la sélection naturelle où il faut béqueter tout ce qui bouge, tout en évitant de se faire gober. Vous pouvez aussi imaginer un lac, où des dizaines de pêcheurs lancent leurs hameçon au même endroit, et sont prêts à en venir aux mains pour conserver leur position. Car les places sont de plus en plus chères, notamment depuis l'émergence du .fr et de son rake un peu trop « salé »... Au poker, il faut non seulement être meilleur que ses adversaires, mais avec une marge suffisante pour également battre ce foutu rake.
Dénicher une table où le poisson frétille fait donc désormais partie du job de base pour tout pêcheur-joueur qui se respecte. Pour votre winrate, il est toujours préférable de jouer les premiers rôles dans « Flipper le Dauphin », plutôt que dans les « Dents de la Mer ». Dans l'absolu, pour un joueur gagnant, il vaut d'ailleurs mieux être assis entre Phil Ivey et un gros fish, plutôt qu'au milieu d'un banc de rake back pros et/ou de regs evens. L'edge que Philou aura sur vous sera bien moindre que celui que vous développerez sur Némo.
Mais trêve de métaphores aquatiques à deux balles. Intéressons-nous plutôt aux moyens de détecter les plus gros poissons. Notons au préalable que vous trouverez rarement de belle prises sur Poker Académie. Et ce, même si nous avons tous quelques noms en tête...:-) Non, le gros poisson fréquente rarement ce genre de site. Soit parce qu'il a autre chose à foutre, soit parce qu'il estime être un joueur « d'instinct » et n'a cure des concepts stratégiques inhérents à ce jeu. Soit encore parce qu'il est persuadé que le poker, c'est avant tout une histoire de bol, à l'image de la roulette ou du punto banco. Et évidemment, si la chance n'est pas au rendez vous, c'est parce que le poker online, c'est rigged...
Des statistiques déséquilibrées
Pour tirer le gros lot, choisissez de préférence les étendues d'eau, ou plus précisément les tables qui abritent des joueurs avec un VPIP (Voluntary Put € in the Pot) élevé. C'est une constante parmi les plus gros poissons. La plupart sont excessivement looses et ont une tendance à la calling stationite aiguë. Ils ne lâcheront pas facilement prise s'ils ont palpé n'importe quelle paire, même bottom, où s'ils ont entrevu le moindre tirage, fut-ce t-il ventral... voire backdoor. S'ils mordent à l'hameçon, ne les lâchez sous aucun prétexte, ce sont les meilleures prises !
D'une manière générale, les statistiques de bases des gros poissons sont souvent (très) déséquilibrées. Un gars jouant plus de 4 mains sur 10 aura beaucoup de mal à être durablement gagnant en Short Handed, à fortiori en Full Ring. Certes, vous pourrez dénicher, ici où là, quelques exceptions. Au poker, il n'y a jamais de certitudes absolues. Il y des tendances, parfois fortes. Mais en l'occurrence, ce seront surtout des exceptions qui confirment la règle. A contrario, un joueur avec un VPIP inférieur à 10% a toutes les chances d'être scared money ou serrurier dans le civil. C'est en tout cas un gros nit qui générera difficilement beaucoup de pépètes sur le long terme. Évidemment, ce type de fish n'est guère féroce et reste comestible. Mais il faudra limer grave pour le dépecer jusqu'aux écailles. Il sera donc toujours préférable de privilégier le poisson loose au poisson nit.
Autre stat : le Went to Showdown. A moins de 22%, vous avez pêché un poisson weak. C'est une espèce particulièrement craintive, qu'il ne faudra pas hésiter à bluffer régulièrement. A 35-40%, vous êtes tombé sur un morback. Une espèce plus courante, communément dénommée « calling station ». Face à ce type de bébette, contrôlez votre agressivité instinctive et réfreinez toute forme d'audace, au risque de vous retrouver à la place de Bruel dans les Guignols, lorsqu'il peste : « J'ai tout perdu. Je suis tombé sur un débutant... il n'a pas compris mon bluff. »
On continue avec, cette fois-ci, l'Aggro Factor (nombre de mises + nombre de relances / nombre de calls), toujours en Short Handed. En dessous de 1,5, c'est trop passif. A moins de 1, vous êtes probablement face à Doc Gyneco. A l'autre extrémité, un AF supérieur à 5 indique qu'un fish déglingo a mordu à l'hameçon. Si c'est un samedi soir, vous affrontez peut-être un gars qui rentre bourré de boîte. Autre possibilité : vous êtes tombé sur Jean-Pierre Mocky, ou sur un joueur en tilt parce qu'il vient de perdre gros et que sa femme lui a demandé dans la foulée d'aller acheter une baguette... Statistique similaire, l'Aggro Frequency de certains spécimens de haute mer peut s'avérer tout aussi disharmonieuse. En dessous de 40%, c'est trop passif. Au dessus de 60% à chaque street, c'est sans doute un peu trop téméraire.
Un gros poisson ignore ce qu'est une cote
Enfin, les statistiques relatives aux 3-bets sont souvent édifiantes. Au dessus de 15%, monsieur a perdu son calme. En dessous de 3,5%, il l'a joue petite b... Plus intéressante encore, la stat de Fold To 3-Bet permet rapidement de savoir qui est à l'autre bout de la ligne. En dessous de 40%, la prise est prometteuse. En dessous de 20%, vous pouvez déjà vous lécher les babines. C'est d'ailleurs une autre constante : outre un jeu trop loose tendance calling station, la majorité des plus gros poissons lâchent trop rarement prise sur un 3-bet adverse. Et ce, quel que soit la cote. De toute façon, un gros poisson ignore ce qu'est une cote...
Bien évidemment, ce qui est valable pour les 3-bet l'est encore plus pour les 4-bet. Vous tombez ici sur des spécimens plutôt rares, et donc très recherchés. Mais pas inoffensifs pour autant. That's poker !
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Et vous avez beau être matinal, ça fait quand même mal:
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Au-delà des statistiques, les plus beaux spécimen aquatiques ont bien d'autres particularités. Un requin va rarement s'épancher dans le chat pour se plaindre que le site est truqué, qu'il n'a vraiment pas de chatte à ce jeu ou encore pour donner son avis sur la plupart des coups et détailler ce qu'il avait en mains. A contrario, et j'ignore pourquoi, un beau poisson digne de ce nom manifeste souvent ce besoin irrépressible de whine, voire d'éructer en public. C'est plus fort que lui, il faut que ça sorte.
Le joueur-supporteur, une espèce menacée
Un fish jouera rarement plus d'une table à la fois. Multitabler pour lui, c'est un peu comme sortir la tête de l'eau. La nature ne lui permet pas. Méfiez-vous du coup des petits poissons qui batifolent dans plusieurs étangs en même temps : ce sont souvent des piranhas !
Un gros poisson présente aussi la particularité de ne pas se caver max. Si « AceJack-facial » arrive avec 61 € à une NL 100, vous risquez d'affronter un poisson récréatif. Il s'agit même parfois de l'argent total dont dispose le joueur sur son compte. Vous trouverez des bancs entiers de cette espèce sur les sites qui, outre le poker, proposent des paris sportifs ou du casino en ligne. Ces sites sont souvent des aquariums géants.
Les pseudos choisis donnent aussi, parfois, une bonne indication. Par expérience, derrière un patronyme valorisant du genre « Invulnérable66 », « Phil-Ivey2 », ou encore « Raymond_Domenech » (non, là je déconne...), il y a rarement un shark. Un bon joueur va plutôt chercher à rester discret et optera pour des choix opposés. « Limper06 », « Nulencote » ou « Jemenfous » sont plutôt des surnoms de regulars.
Mieux encore, et toujours par expérience, si vous affrontez un pseudo qui reprend le nom d'un club de foot et/ou affiche en avatar les couleurs de ce club... c'est très bon signe pour vous ! « OMforever » ou « PSG93 » sont des pseudos de fish ultime, le rêve de tout bon pêcheur ! C'est quasiment prouvé scientifiquement. Le fait d'arborer bravachement les couleurs de son équipe favorite sous le rétro d'une bagnole ou sur un site de poker online vous empêchera de gagner durablement du pognon à ce jeu. Si en plus, les résultats du club de votre cœur impactent fortement sur votre humeur du jour et sur votre vie quotidienne.... vous êtes une espèce menacée dans l'écosystème du poker. Et je sais de quoi je parle.
Pour avoir dormi pendant des années, nez-à-nez avec le poster de Safet Susic, puis pour avoir braillé « oh hisse enc... ! » et « Ouh Ah Ginola, Ouh Ah Ginola ! » en cœur avec les autres primates du Parc des Princes, j'étais à l'époque considéré comme définitivement perdu pour la pratique d'un quelconque jeu de stratégie.
C'était, certes, au siècle dernier. Mais il a fallu en vrac l'arrêt Bosman (qui a provoqué l'exode de nos meilleurs footballeurs), la découverte des Echecs ou encore que je tombe amoureux pour que je retrouve une partie de mes fonctions cognitives. Toutefois, à l'instar de l'alcool ou de la drogue, on n'est jamais à l'abri d'une rechute avec le foot...
Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos poissons. Un quidam qui n'attend pas de se trouver en position de grosse blind pour entamer la partie est très rarement un joueur gagnant. Il va lâcher le prix d'une BB pour pouvoir jouer immédiatement, ce qui est clairement EV-. On pourrait, au passage, faire une analogie avec les joueurs live qui ne peuvent s'empêcher de mettre une option. Choix également EV-, caractéristique de l'existence d'une forme d'impatience et d'un esprit « joueur », voire « gambler » propice à quelques déconvenues au poker, ou dans un casino.
Enfin,si vous êtes opposé à un adversaire qui multiplie les mises bizarres, limp fréquemment, effectue des mini mises, des mini relances, des mini 3-bet ou overbet massivement... vous tenez là encore une très grosse prise. Ce serait presque une faute professionnelle de retirer l'hameçon.
Voilà. Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne pêche. Gardez toutefois bien à l'esprit qu'on est toujours le fish de quelqu'un !