Motivation au poker : comment jouer à son meilleur niveau

Motivation au poker : comment jouer à son meilleur niveau

Il ne suffit pas d’être un bon joueur de poker, il faut aussi bien jouer. La suite. Après avoir abordé la notion de A-game et classé les joueurs en fonction de leur capacité à jouer leur A-game, nous allons dans cet article découvrir la notion de flow et étudier comment optimiser notre motivation. Suivrons les questions de la concentration et de la forme.

Cet article est la suite de A-game au poker : comment jouer à son meilleur niveau Motivation, concentration et forme sont directement liées : si l’on est motivé on sera mieux concentré, à condition d’être suffisamment en forme. Il me semblait pourtant avisé de les séparer, pour des raisons de clarté. Je tacherai de donner des conseils concrets pour chacun de ces trois facteurs clefs. Mais avant cela, découvrons l’état optimal que peut atteindre un joueur de poker : le flow.

Le flow au poker

En psychologie, le flow désigne l’état de grâce dans lequel se trouve une personne au maximum de sa forme, de sa motivation et de sa concentration. La personne ainsi transcendée éprouve un sentiment de réussite, de contrôle, et d’une capacité d’adaptation instantanée. Cet état est de plus souvent accompagné d’une distorsion de la perception du temps et de la perte de la conscience de soi, en faisant une expérience presque mystique.

Le flow peut être vécu dans bien des domaines : le poker, les sports (Federer est un bon exemple de sportif atteignant régulièrement cet état de flow), les jeux, le travail, l’écriture, ou même, par exemple, la séduction. Peut-être vous rappelez-vous avoir dragué une jolie fille. Ou un joli garçon. Ou quelqu’un de moche, d’ailleurs. Bref, être en train de draguer et de vous sentir en état de grâce : tout vous semble facile, vous savez exactement quoi dire et quoi faire, à quel moment sourire, à quel moment se rapprocher, à quel moment soutenir le regard, à quel moment la toucher, vous arrivez à vous adapter instantanément à chacune de ses répliques et à chacun de ses gestes, tandis que vous avez l’impression d’être « en dehors de vous-même » et que le temps s’écoule soit anormalement rapidement, soit anormalement lentement. Si oui, alors vous avez connu l’état de flow.

Au poker, l'expérience de flow est similaire : prendre les bonnes décisions vous parait simple, vous jouez tout en confiance sans avoir besoin de réfléchir à deux fois, vous arrivez à vous adapter à chaque move des adversaires et à la fin de la session, vous n'avez aucune idée de sa durée et vous vous sentez quelque peu bizarre, comme si vous rentriez à nouveau dans votre corps.

Le flow est encore une notion peu étudiée. Les théories existantes sont très abstraites et généralistes et donc de très peu d’intérêt pour le joueur de poker. On peut donc se contenter de retenir que c’est vers cet état de flow qu’il faut tendre, à défaut de pouvoir l’atteindre constamment. Vous saurez de plus le reconnaître et le nommer lorsque vous le vivrez.

La motivation au poker

La motivation est une affaire de dosage. Le manque de confiance est un problème, mais l’on peut aussi pécher par excès de confiance. La peur peut nous faire déjouer mais également, parfois, nous stimuler. Il est donc important d’augmenter sa motivation, sans dépasser le point ou la pression sera trop forte et aura un effet négatif. Pour mieux comprendre la motivation, détaillons diverses influences.

L’enjeu financier 

La valeur ressentie de l’argent est proportionnelle à la richesse de la personne. Un gain de 10€ pour quelqu’un qui en a 1 000 procurera le même bonheur qu’un gain de 1 000€ pour quelqu’un qui en 100 000. D’ailleurs, quand on en demande aux millionnaires combien d’argent ils aimeraient avoir pour se sentir « à l’aise », ils répondent en moyenne deux fois plus…

Si l’on joue au poker sans argent, il sera très difficile d’être motivé et donc de bien jouer. A l’opposé, si l’on joue une partie trop importante de notre bankroll, nous risquons de jouer scared money. Le bon enjeu financier se trouve donc entre ces deux extrêmes. Mais, avant de penser à notre motivation, il faut lutter contre la variance et c’est pourquoi les règles de Bankroll Management ont été édictées. Je ne peux que recommander à tous d’adopter un Bankroll Management rigoureux, cependant, si l’on suit les règles de BRM, alors aucun objectif réaliste de gain ne sera suffisamment motivant, car trop bas.

Prenons le cas d’un joueur de holdem ayant une bankroll de 1 000€ Il joue des cash-games à 1/20ème de sa bankroll, ie en NL50. Sur 3 tables à 60/70 mains par heure et par table, il gagne 5bb/100. En une heure, il aura joué 200 mains pour un gain de 5€, faisant progresser sa bankroll de 0,5%. Est-ce qu’un joueur sera réellement motivé en se disant « allez, je vais jouer une heure avec pour objectif de gagner 1/200ème de ma bankroll » ? Je ne le crois pas.

Ainsi, lorsqu’on analyse son jeu, il est sûrement préférable de regarder son winrate en bb/100 qu’en gain horaire ou qu’en pourcentage de bankroll. Si vous gagnez 5bb/100, vous êtes un bon joueur. Si vous gagnez 10bb/100 ou plus, vous êtes un excellent joueur et crushez votre limite. Le winrate exprimé en bb/100 est  plus valorisant que ses équivalents.

Mais se dire avant une session « allez, objectif: 5bb/100 » ne tient pas compte de la variance et ne saurait être approprié. Est-ce qu’il vaudrait mieux partir avec pour but de mieux jouer que ses adversaires ? Si vous avez commis l’erreur de répondre oui à cette question, alors je vous recommande de relire le passage sur la notion de A-game du dernier article.

En vous asseyant pour commencer une session, votre objectif doit être de jouer votre A-game.
Rappel : certains joueurs peuvent être gagnants tout en étant en dessous de leur A-game.

Nous venons de voir que, si l’on respecte les règles de BRM, le simple enjeu financier ne sera pas suffisant pour nous apporter une motivation optimale. Heureusement, il existe d’autres sources de motivation.

Le plaisir de jouer

C’est une évidence : le joueur qui aime le poker sera plus motivé que le blasé qui s’ennuie. Tous les joueurs, surtout parmi les regs, connaissent des périodes durant lesquelles le plaisir du jeu s’estompe. Une pause de quelques jours, voire de quelques semaines ou mois, peut être nécessaire. Dans ces moments, repensez à vos succès passés, relisez la biographie de votre joueur préféré, regardez à nouveau les vidéos de poker qui vous font vibrer, rendez-vous à votre cercle favori, discutez avec vos amis qui sont toujours amoureux du jeu. Le plaisir du jeu est primordial, tant pour le bonheur général du joueur, que pour sa rentabilité.

La reconnaissance de soi-même et d’autrui

Le plaisir égotique est une source non négligeable de motivation. Pour progresser, pour améliorer son skill, il est important d’analyser ses erreurs. Mais pour l’égo, pour la motivation, il ne faut pas hésiter à revoir les mains que l’on a bien jouées. Si après chaque session, vous vous repassez vos meilleures mains, alors, pendant que vous jouez, l’espoir de cette « masturbation pokeristique » vous motivera.

Si c’est bien tout seul, c’est souvent mieux à deux, ou plus… En plus d’améliorer votre skill, votre coach de poker peut-être une source de motivation supplémentaire, car vous allez rechercher sa reconnaissance, ses félicitations. Si vous n’avez pas de coach, peut-être avez-vous une femme ou un ami dont l’estime qu’il ou elle vous porte est importante à vos yeux. Plutôt que de les bassiner avec le récit de vos bad-beats, dites-leur simplement que vous avez bien joué. Le cas échéant, dites-leur que vous avez joué en dessous de votre A-game mais que vous avez eu l’intelligence d’arrêter rapidement.

La destruction de l’égo de l’adversaire

Dans l’article précédent, je vous parlais des tueurs, de ces joueurs qui recherchent la destruction de l’égo de l’adversaire. Il vous faut leur ressembler autant que possible.

Posez-vous tout d’abord cette question : quand vous jouez, "voyez-vous" l’égo de vos adversaires ? Si ce n’est pas le cas, si la perception de vos adversaires se limite à leurs stats affichées par votre HUD, alors vous ne pourrez pas être un tueur. Vous avez remarqué que vous êtes plus motivé lorsque vous jouez en live que sur internet ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce surplus de motivation en live, parmi eux, le sentiment de jouer contre des vrais adversaires, d’affronter des égos, et non des statistiques impersonnelles, est peut-être le plus important. Ainsi, online, vous gagnerez à voir vos adversaires comme s’ils étaient assis en face de vous. Pour cela, vous devez personnaliser vos adversaires autant que possible. Mémoriser leurs pseudos ou leur en attribuer un autre peut-être un bon début. La prise de notes et les codes de couleurs sont également importants. Avec plus d’imagination, si cela vous aide, vous pouvez même imaginer l’âge de tel joueur, son sexe, ou à quoi il ressemble. Pour détruire l’égo de vos adversaires, vous devez le voir.

« I’m a champion »

Regardez cette courte vidéo d’un brillant coach de football américain.

Au moment de commencer à jouer, le joueur doit penser « I’m a champion ! ». Il existe cependant une énorme différence culturelle entre les Etats-Unis et la France (et entre les joueurs de sports-co et les joueurs de poker). Aux States, pour que le joueur pense « I’m a champion ! », il suffit de lui faire crier. En France, si vous demandez à quelqu’un de beugler « I’m a champion ! », il vous prendra pour un fou, or, well, an American, et pensera qu’il aurait surtout l’air con s’il le faisait. En France, le métier de coach demande plus de subtilité, surtout pour les activités intellectuelles. Que cela soit clair, que vous soyez Américain ou non, si crier « I’m a champion ! » avant de commencer une session vous motive, alors faites-le. S’il vous faut une approche moins directe, plus fine, alors, repensez à vos succès passés.

Avant de commencer un tournoi, remémorez-vous ceux que vous avez gagnés. Avant de commencer une session de cash-game, rejouez certains de vos anciens brillants moves. Si elle est bonne, regardez votre courbe. En résumé, faites en sorte de penser « I’m a champion ! », sans forcément avoir à le crier.

Bien sûr, l’idéal est d’avoir un coach qui sait comment s’y prendre pour que vous pensiez effectivement être un champion.

Recréer les conditions de la victoire, ou pourquoi la superstition marche

Un autre moyen indirect de penser « I’m a champion » est de recréer les conditions d’une précédente victoire. Certains joueurs préfèrent telle ou telle room sans que cela ne soit lié au niveau des joueurs ou à la qualité du lobby ou à quoi que ça soit d’autre de rationnel. Ils ont simplement connu plus de succès sur cette room et quand ils jouent dessus, ils se remémorent ces gains et pensent donc « I’m a champion ». De la même manière, si un joueur remporte un gros tournoi avec une casquette sur la tête, il pourra l’adopter comme porte-bonheur. Il aura raison. Bien sûr, cette casquette n’aura aucune influence sur le hasard. Mais elle est un excellent moyen de recréer les conditions de la victoire. Souvent tournés en ridicule, les porte-bonheurs sont tout à fait recommandables. Qu'il s'agisse d'objets ou de routines.

Une musique, ou une playlist de musiques, peut aussi être un parfait porte-bonheur, mais nous en parlerons dans le chapitre consacré à la concentration, au prochain épisode.

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