Bonjour à tous,
Au détour d’une discussion sur le channel, je me suis rendu compte du fait que pas mal de monde utilisait PokerEv, mais que l’interprétation des graphes n’était pas toujours facile.
Suite aux demandes qui m’ont été faites, je vais donc essayer de formaliser ici les explications que j’ai données sur le channel.
Tout le monde l’a compris, les Sklansky Bucks sont de l’argent virtuel (sauf pour David, qui lui, en gagne plein de vrais… :P)
On pourrait les définir comme « les dollars du Théorème Fondamental », ou le gain que l’on obtiendrait en jouant la main de manière parfaite, dans une configuration où le facteur chance n’interviendrait pas.
Ca, c’est la courbe rouge, qui va nous servir en quelque sorte de référence.
Il y a ensuite la courbe des « showdown winnings ». Cette courbe est calculée en tenant compte, bien sûr, des sommes d’argent mises dans le pot, mais également de l’équité de chaque main street par street. On en déduit donc que cette courbe ne prend en compte QUE les coups qui sont allés au showdown, ce qui est parfaitement logique, puisque PokerEV ne peut calculer l’équité d’une main s’il ne voit pas les cartes…
Ca, c’est la courbe bleue. Si tout le monde joue comme il se doit, elle ne devrait pas être loin de la courbe rouge, et en tout cas, elle devrait en suivre les grandes tendances. Nous verrons plus tard comment intégrer cette courbe dans notre analyse.
Il y a enfin la courbe « total winnings ». Là, c’est vraiment simple, ce sont les sous que nous avons réellement gagnés…
Ca, c’est la courbe verte. Et c’est là que les questions arrivent… Si elle ne colle pas aux deux autres, comment faut-il l’interpréter ? Pas de chance ? mauvais jeu ? Trop bon jeu ?
Un petit croquis valant mieux qu’un long discours, voici un graphe qui reflète une situation que nous avons tous dû connaître à un moment donné. Merci à Florenzo de me l’avoir fait passer pour illustrer mon exemple :
Prenons les 7000 premières mains. Tout va bien, puisque les 3 courbes coïncident de manière quasi parfaite. On joue donc un poker EV plus, on fait pas ou peu d’erreurs, pas de gros down en vue.
à partir de 8000, on constate que la courbe des showdown winnings se dissocie quelque peu de la courbe SB, mais en suit néanmoins les tendances. C’est la situation que l’on rencontre le plus souvent. Là où les choses se compliquent, c’est que la courbe des total winnings commence à s’éloigner des deux autres.
A 16000 mains, la tendance est de plus en plus marquée, et en fin de graphe, elle se confirme. Comment interpréter cette différence ?
On pourrait se contenter de dire que notre ami n’a pas joué EV plus, mais ce serait une analyse bien pauvre. Essayons de comprendre.
Si nos total winnings sont inférieurs aux showdown winnings, cela peut être dû à plusieurs facteurs :
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Le plus évident : une période de down. On joue les coups correctement, mais on se prend pas mal de bad beats, des suckouts de l’espace, on tombe toujours sur la paire supérieure qui touche, etc… Dans ce cas, il y aura une manière assez facile de vérifier cela : le luck graph. Si on est très en dessous lorsqu’on envoie all in, ou bien on n’a pas fait all in quand il fallait, ou bien on est en down. S’agissant de NL100 et d’un joueur sérieux, on penchera plutôt pour une période de down. Dans ce cas, pas grand chose à faire, sinon surveiller de très près l’évolution des graphes. Un down de 30K mains est toujours possible, bien sûr, mais il conviendrait tout même dans un tel cas de procéder à une analyse approfondie du jeu.
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Un jeu non optimal : en disant cela, on a tout rien et on n’a rien dit… Essayons de creuser un peu. On sait que la courbe bleue représente l’évolution des mains qui sont allées au showdown. On a donc plusieurs moyens de faire coller notre courbe de gains à cette courbe
a) aller au showdown avec la meilleure main, et remporter le coup.
b) enlever le coup avant le showdown, voire directement préflop.
Voilà deux paramètres intéressants qui nous permettent d’obtenir un début de solution. Parlons tout d’abord de la partie showdown.
Si notre courbe s’éloigne de la courbe de référence, alors que nous sommes allés au showdown, c’est vraisemblablement parce que nous ne remportons pas le coup (ça va sans dire, mais ça va toujours mieux en le disant… ). Cela pourrait donc mettre en évidence des lacunes dans notre jeu postflop, soit en termes d’évaluation de l’equity de notre main, soit en termes de betting pattern, soit une combinaison de ces deux facteurs. Il convient donc de reprendre un certain nombre de mains, et de les analyser.
Si nous ne sommes pas allé au showdown :
Il peut y avoir un problème dans le jeu préflop. Vole-t-on régulièrement les blinds ? Défendons-nous nos blinds quand cela est approprié ? Faisons-nous preuve d’une agressivité suffisante pour faire commettre à nos adversaires l’erreur de coucher une main à fort potentiel ?
Mais on peut aussi remmettre en question notre jeu postflop. Notre betting pattern est-il approprié ? Nos CB / second barrels sont-ils correctement calibrés ? Savons-nous évaluer correctement l’equity de notre main, et savons-nous faire en sorte que nos adversaires fassent une erreur en nous payant ou en couchant leur main ? Visiblement pas, puisque nous sommes très en-deçà de la courbe SB.
Là encore, une analyse d’un certain nombre de mains va s’imposer.
Un autre paramètre important devra être pris en compte : nos statistiques. Plus nous jouerons serré, plus nous aurons de chances que notre courbe soit en-deçà des deux autres, ce qui ne fera pas pour autant de nous un joueur perdant. Il se trouve simplement que nous pourrions gagner plus, en ouvrant de temps à autre notre éventail, avec bien sûr tous les risques que cela peut comporter, notamment en termes de prise de décision postflop.
Mais alors, me direz-vous, si la courbe SB représente la manière parfaite de jouer le coup, notre courbe de gains ne peut se trouver au-dessus de celle-ci ?
Eh bien si, c’est tout à fait possible. Imaginons que nous soyons particulièrement loose et (un peu) chanceux. Nous allons voir énormément de flops, jouer de manière agressive et, le facteur chance étant ce qu’il est, nous allons infliger à nos adversaires bad beats et autres suckouts. Dans ce cas, et pour une durée déterminée (on se fera toujours rattraper par la variance), notre courbe verte pourra se trouver parfois très au-dessus des deux autres.
On constatera d’ailleurs qu’au fur et à mesure des montées de limites, la courbe verte se rapprochera de plus en plus de la rouge, et pourrait finir par la dépasser, signe du passage progressif d’un jeu TAG à un jeu LAG, demandant bien sûr une parfaite maîtrise technique et psychologique.
En micro-limites, le fait de voir la courbe rouge au-dessus, la bleue légèrement en-dessous, et la verte encore un peu plus éloignée, MAIS suivant les grandes tendances des deux autres, est une situation parfaitement normale. La situation devient anormale quand la courbe verte s’éloigne de façon trop marquée des deux autres.
Un dernier point (là c’est pas moi, c’est le concepteur du soft qui le dit) : plus le nombre de mains de référence va augmenter, plus les graphes devront être simplement considérés comme des tendances générales, car sur un très grand nombre de mains, PokerEV ne prend pas en compte tous les aspects de la variance.
Voilà, j’espère vous avoir éclairés un peu sur les Sklansky Bucks, et sur la façon de s’en servir pour améliorer son jeu.
Bon poker à tous
Spy