- 21 février 2014
- petiteglise
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47% des joueurs de poker français jouent sur des sites illégaux, 66,4% des joueurs de poker français sont des hommes et 99% des statistiques sur le poker sont fausses.
“Un statisticien est un homme qui fait un calcul juste en partant de prémices douteuses pour arriver à un résultat faux.” Difficile de ne pas penser à cette phrase en lisant la dernière étude de l’Observatoire des Jeux sur les joueurs de poker (pdf), tant certains chiffres avancés se révèlent absurdes.
47% des joueurs de poker français jouent sur des sites illégaux
D’après l’OdJ, 23,5% des français joueraient exclusivement sur des sites illégaux et autant joueraient à la fois sur des sites légaux et illégaux. Autrement dit, près de la moitié des joueurs de poker français seraient dans l'illégalité. Cette statistique hallucinante a fait tiquer Poker Bastards, qui s’est renseigné sur la méthode utilisée.
Trois questions servaient de base de calcul.
Premièrement, il était demandé aux joueurs s’ils allaient sur un site .fr ou .com. 37% des joueurs auraient répondu .com, mais le rapport reconnaît que “une partie” des joueurs était redirigée automatiquement du .com vers le .fr. De fait, pour jouer sur un réseau .com tout en étant en France, il faut utiliser un VPN, pratique marginale et combattue par les sites. Bref, un premier chiffre de 37% auquel il faut retrancher “une partie”.
Deuxièmement, il était demandé si le joueur avait bien envoyé sa pièce d’identité. Oui oui, vous avez bien lu. Vous vous dites sûrement “mais attends, ça n’a rien à voir, si je m’inscris sur un site légal et que j’ai pas encore envoyé mes papiers parce que je suis une feignasse, ça ne signifie pas que je joue sur un site illégal ?!” Oui, mais visiblement l’OdJ ne l’a pas compris.
Et troisièmement, "les personnes enquêtées étaient invitées à préciser les sites qu’ils visitent le plus. Une analyse des citations et une recodification selon la nature légale du site a été effectuée. [...] 8,0 % des joueurs en ligne citent au moins un site n’appartenant pas à l’offre légale comme l’un de ceux qu’ils utilisent le plus.” Hein ? Si seulement 8% des joueurs citent un site illégal comme l’un de ceux qu’ils visitent le plus, comment pourrait-on avoir 23,5% de joueurs qui vont exclusivement sur l’offre illégale ?! Ce chiffre de 8% est censé majorer les joueurs qui jouent exclusivement sur des sites illégaux, comment pourrait-il y en avoir plus ?!
Enfin bref, on a trois questions, trois chiffres, ne reste plus qu’à les mélanger selon “un indicateur composite, fondé sur les variables décrites précédemment…” et hop, on obtient que 47% des joueurs français jouent sur des sites illégaux.
A titre de comparaison, l’Arjel déclarait le 1er mars 2013 que l’offre illégale ne représentait que 7% des sites… Certes, il s’agit du pourcentage de sites illégaux et non pas des joueurs les fréquentant, mais on a du mal à croire que ces 7% de sites toucheraient 47% des joueurs…
66,4% des joueurs de poker en lignes sont des hommes - 10% sont des femmes
La deuxième plus grosse surprise que j’ai eue en lisant l’article de l’OdJ est son “66,4% des joueurs de poker en ligne sont des hommes”.
Je me suis précipité sur la sociologie des joueurs de poker de l’Arjel (pdf), où il est écrit que les femmes représentent 10% des joueurs de poker en ligne.
Apparemment il y aurait 23,6% de transsexuels et d’intersexuels chez les joueurs de poker….
Plus sérieusement, je veux bien prendre le pari que le pourcentage réel de filles est plus proche des 10% de l’Arjel que des 33,6 de l’OdJ.
Le poker, ce jeu dangereux
L’étude permet d’établir un profil type du joueur de poker : un homme donc, de moins de 40 ans, vivant en milieu urbain, plus diplômé et gagnant plus que la moyenne des Français, avec une propension au célibat. Pour chacun des ces points, l’OdJ cite des pourcentages, mais peut-on s’y fier ?
Mais le vrai sujet de l’étude est la dangerosité supposée du poker.
A coup de pourcentages précis à une décimale, l’OdJ tend à démontrer que le poker est le plus risqué des jeux d’argent.
Ainsi, on apprend notamment que 18,9% (pas 20, pas 19, mais 18,9% très précisément) des joueurs ont des pratiques de jeu critiquées par leur entourage et que 42,7% des joueurs jouent pour se refaire.
Et c’est ce que retiennent les médias généralistes, et par conséquence le grand public, de cette étude. Ainsi, 20 minutes titre “Le poker classé jeu en ligne le plus dangereux”...
Que s’est-il passé pour que l’OdJ ait des chiffres si différents de ceux de l’Arjel ? Nous le serons peut-être dans un prochain rapport. En attendant, deux choses sont certaines : l’OdJ a abîmé l’image du poker auprès du grand public, et la sienne auprès des joueurs de poker.