Synthèse et perspectives de notre rencontre avec le président de l’ARJEL

Synthèse et perspectives de notre rencontre avec le président de l’ARJEL

Ce mercredi 22 octobre, nous avons eu l'opportunité d'apporter le point de vue des joueurs sur les sujets clés du marché du poker avec le président de l'ARJEL. Retrouvez l'ensemble des propositions et le fond des échanges de cette rencontre.


Pourquoi une rencontre avec l’ARJEL ?

A l’origine de notre mouvement,  il y a une volonté commune, d’Alexandre (Skip), Jean Xavier (Personne) et moi-même de faire évoluer la loi de 2010 de régulation des jeux en ligne suite à un énième rapport désastreux sur la situation du poker en ligne en France. Skip et Personne pouvant mettre à disposition leur expérience pour avoir participé activement aux échanges et à la réalisation du suivi de la revoyure de la loi en 2011 porté par le sénateur Trucy.

C’est en interpellant directement Mr Coppolani, le président actuel de l’ARJEL, par le biais d’un article, que nous avons eu l’opportunité d’un rendez-vous proposé par l’ARJEL ce mercredi 22 octobre. Cette réunion avait trois objectifs principaux :

  • Transmettre les remarques, critiques et questions portées par les joueurs afin de faire entendre leur voix et leurs messages trop souvent oubliés.
  • Connaitre le positionnement actuel de l’ARJEL sur leur administration et sur le marché du poker français (notamment par rapport à Mr Vilotte, l’ancien président, qui avait pris position sur de nombreux sujets de fond)
  • Comprendre quels ont été selon eux les blocages actuels et passés des projets de réforme de la loi de 2010

Etaient présents à cette réunion:
- Charles Coppolani, président de l'ARJEL
- Marie-Ange Santarelli, conseillère auprès du président de l'ARJEL
- Clément Martin-Saint-Léon, directeur des études économiques de l'ARJEL
- Frédéric Guerchoun, directeur juridique de l'ARJEL
- Valérie Baroth, responsable relations presse de l'ARJEL
- Un collaborateur du service enquête et contrôle de l'ARJEL
- Antoine 'MisterVolty' Lafond, journaliste chez PokerStrategy
- Iannis 'BigBox' Iglesias, directeur opérationnel chez PokerAcadémie
- Alexandre 'Skip' Crouan, Président de l'AFJPO
- Jean Xavier 'Personne' Raynaud, Vice Président de l'AFJPO
  

L’ARJEL, son rôle, sa communication

Sans revenir en détails sur les fonctions « régaliennes » de l’ARJEL (délivrer les agréments, lutter contre les sites illégaux, lutter contre le blanchiment d’argent, lutter contre l’addiction) que vous pouvez retrouver dans la présentation de leur site , L’ARJEL a débuté l'entretien en nous annonçant dès ses premières phrases, sa volonté de défendre le marché du poker et en reconnaissant que la situation du poker est particulièrement mauvaise et inquiétante.

Evolution du marché français de 2011 à nos jours

Dans la lignée de ce constat, Mr Coppolani nous explique que ses deux fers de lance pour améliorer le marché du poker sont :

  • la modification de la taxe, actuellement à 2% des mises, vers une taxation sur le PBJ reconnaissant que le changement d'assiette n'aura l'impact désiré que s'il s'accompagne d'une baisse du niveau de taxe. Rappelons qu’actuellement le niveau de taxe se situe en équivalent PBJ aux alentours de 35% contre 15% à 25% dans l’énorme majorité des marchés régulés.
  • Le second objectif prioritaire étant l’ouverture des liquidités avec certains marchés régulés notamment l’Espagne et l’Italie.

L’ARJEL reconnait néanmoins que son rôle est avant tout consultatif et qu’elle a besoin du législateur et du politique pour faire valider ses recommandations. A la question « qu’est-ce qui a changé depuis 2012 pour nous faire espérer des modifications en 2015 ? La réponse de l' Autorité des jeux en ligne est restée vague, concédant simplement qu’il n’y a pas eu d’évolutions réelles sur ces sujets mais que la répétition des rencontres et le martèlement du message laissait des raisons de voir les réformes avancer.

Par ailleurs le président de l’ARJEL a reconnu ouvertement les problèmes de communication avec les joueurs et nous a fait part de sa volonté d’améliorer le dialogue et les espaces de discussions avec les communautés. De façon générale il y a un décalage entre le rôle réel de l’ARJEL et la valeur perçue par les joueurs.  Pour cela plusieurs pistes ont été développées :

  • Améliorer leur présence sur les sites communautaires et informatifs
  • Développer les interactions joueurs/ARJEL notamment par le biais des réunions physiques à l’instar de notre rendez-vous
  • Développer l’échange d’information de la part des communautés lors de problèmes récurrents soulevés par les joueurs

De plus, Mr Coppolani nous a assuré que l'avis des joueurs était important à ses yeux, et que nos actions auprès des parlementaires ainsi que le renouvellement de ce genre de meeting ne pourrait être que bénéfique.


Comment améliorer le marché français du poker en ligne et quelle est la position de l’ARJEL ?

Bien que certains axes ont déjà été abordée dans cette première partie, voici un retour plus précis de nos échanges sur les grandes problématiques actuelles du poker en ligne.

Les variantes de poker autorisées

Le sujet des variantes est un thème récurrent et porté par les joueurs car ils ont la possibilité de jouer dans les casinos à 6 autres variantes ( Stud, poker fermé, Razz…) alors même que la loi de 2010 interdit toute autre forme de jeu que le Texas Holdem et le Omaha à 4 cartes. L’offre régulée contraste donc avec les offres de jeu du .com qui proposent l’ensemble de ces variantes et renforce l’attractivité de l’offre non régulée.

Le régulateur a partagé notre point de vue en rappelant à la fois qu’il s’était prononcé en faveur de l’ajout de nouvelles variantes dans un rapport de 2012 et rappelant le paradoxe suivant : en l’état l’ARJEL n’a pas la possibilité de définir les variantes autorisées au poker alors même que cette fonction lui est attribuée dans le cadre des paris sportifs.

Sur les nouveaux formats du type Expresso, l’ARJEL a précisé qu’ils ont fait office d’une procédure de validation spécifique même si l’ARJEL reconnait que l’ajout d’une part supplémentaire de hasard comprend des risques accrues  sur les questions d’addiction et nécessite une surveillance particulière.


Ouverture des liquidités entre marchés régulés

Bien que le sujet ait été abordé de lui-même par Mr Coppolani dès le début de la réunion, nous avons beaucoup insisté sur ce point qui permettrait de redonner une vraie bouffée d’oxygène à un marché en perdition : les garanties des tournois étant de plus en plus faibles et le nombre de tables de jeu disponibles de moins en moins important, accentuant encore la baisse de l’activité. La problématique de masse critique et de taille du réseau étant parfaitement illustrée par la loi de Metcalfe.

Les joueurs se plaignent également du fait de ne pas avoir le droit de jouer sur les autres marchés tandis que les joueurs étrangers ont le droit de jouer sur le .fr. Cette asymétrie est d’autant plus pénalisante pour le marché régulé que les joueurs étrangers jouant sur le .fr sont des joueurs gagnants aspirant une part importante des liquidités sans compter les problématiques de blanchiment accrues.

Précisons qu’en décembre 2013, Razzy Hammadi, rapporteur du gouvernement et Benoit Hamon ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation avaient rejeté en 15 minutes la proposition d’Amendement de décloisonnement partiel du marché français avec l’Italie et l’Espagne. Cet amendement était d’ailleurs soutenu par l’ARJEL.


Fiscalité des opérateurs

Rappelons que le président de l’ARJEL a bien précisé qu’il était conscient que le taux de prélèvement actuel n’était pas adapté à la situation du poker en ligne en France et qu’il était essentiel à minima de passer vers une taxation au PBJ.

Nous avons insisté de notre côté sur le fait que la fiscalité actuelle avait entrainé un taux de prélèvement (rake) plus élevé fragilisant l’écosystème du poker. D’une part parce que les joueurs récréatifs voient leur perte aux tables s’accélérer,  et leur expérience de jeu diminuée mais aussi parce que cela pousse les joueurs gagnants à se diriger vers les offres de jeu non régulées plus attractives. Une dynamique totalement contraire à la volonté de l’ARJEL de lutter contre l’offre illégale et de pérenniser le secteur du poker.

Fiscalité des joueurs

Nous avons relayé l’inquiétude de nombreux joueurs réguliers sur l’incertitude fiscale les concernant et l’absence problématique du statut de joueur professionnel. Il s’agit d’un enjeu crucial puisque la situation actuelle a entraîné une fuite importante de ces joueurs qui ont préféré arrêté ou se diriger vers les offres non régulées pour paradoxalement prendre moins de risques. Le marché du poker a été particulièrement affecté par cette migration puisque 1% des joueurs génèrent 55% des mises de cash-game et que 10% des joueurs représentent 92% des mises de cash-game. En particulier, les questions du partage des données entre l’ARJEL et le Fisc ont permis d’avoir des réponses claires:
- Fournissent-ils les données d'un joueur sur demande du FISC : oui
- Fournissent-ils un listing de joueurs gagnants sur demande : non
- Fournissent-ils un listing de joueurs gagnants spontanément : non

Problématiques d’Addiction et Protection des Joueurs

Nous avons rappelé que la lutte contre l’addiction et le jeu pathologique était un axe important de la protection des joueurs mais que pour bien l’identifier, les études liées au poker devait être repensées car l’énorme majorité d’entre-elles ne prennent pas en compte les spécificités du poker face aux autres jeux d’argent.

L’ARJEL a par ailleurs abondé dans notre sens sur l’ importance de pouvoir jouer un rôle de médiateur dans les conflits entre les joueurs et les opérateurs (comptes bloqués, fraudes, remboursements liés aux problèmes techniques en cours de partie…) A noter que là encore, c’est un point qui n’a pas été intégré par la loi de 2010 et nécessiterait une validation par le politique et des budgets supplémentaires pour sa mise en place. Mr Coppolani a toutefois précisé qu’un processus de mise en relation via contact@arjel.fr a été créé et que les problèmes étaient relayés auprès des opérateurs pour résoudre les conflits.

Par ailleurs nous avons insisté sur la nécessité d’apporter plus de transparence concernant les informations données de la part des opérateurs, d’une part sur les informations aux tables de jeu (temps de jeu aux tables, rappel gain/perte de la dernière session…) mais aussi sur la nécessité d’apporter plus de transparence sur le statut et la spécificité des bonus.

A ce titre le cas Europoker est particulièrement révélateur des faiblesses de la réglementation actuelle sur ce sujet. En effet les joueurs ont appris au travers cette affaire, qu’en fonction des conditions générales d’utilisation de l’opérateur, un bonus cash/rakeback n’était pas forcément encaissable alors même que rien ne force l’opérateur à distinguer la partie de la bankroll encaissable de la partie considérée comme bonus.

L’ARJEL a reconnu les défauts de la réglementation à ce sujet et l’a intégré dans ses projets de réformes prioritaires sans pour autant remettre en question le système actuel et précisant de nouveau qu’elle a besoin d’avoir l’aval du politique pour mener cette réforme.

Affaire Europoker

Profitant de la transition avec la protection du joueur, nous avons alors amené le sujet sur le cas sensible d'Europoker, car il nous apparaissait essentiel d'avoir des éclaircissements sur cette affaire, dépassant le cadre de la FAQ mise à disposition par l'ARJEL sur leur site pour les joueurs d'Europoker.

Nous avons ainsi souligné que les joueurs avaient pour ressenti global de payer pour jouer sur une offre sécurisée et que ce sentiment de sécurité avait disparu avec la succession des crises FullTilt et Europoker ; tout en insistant sur le fait que nous étions venus dans une optique constructive et non pas pour les confronter aux responsabilités de chacun des acteurs, démarche menée par Suxxortime dans le cadre de son action de justice.

Sans surprise, le directeur juridique de l'ARJEL, Mr Guerchoun, nous a stipulé qu'il était écrit noir sur blanc dans les conditions générales d'utilisation d'Europoker que les avoirs exigibles étaient constitués des dépôts et des gains, excluant donc toutes formes de bonus (y compris le rakeback), et que les réclamations des joueurs seraient ainsi vaines à ce propos.

Le constat à été fait que les CGU (conditions générales d'utilisation) n'étaient généralement pas lues, et que le manque de transparence à ce propos de la part d'Europoker était par conséquent extrême étant donné qu'il n'est nulle part mention de cette distinction dans le cashier et surtout qu'il était possible avant la liquidation judiciaire de retirer l'ensemble des avoirs, y compris le rakeback !

Ironisant sur le fait que l'opérateur semblait avoir découvert ses CGU récemment, Mr Copollani nous a dit entendre ce fait mais que tout ce qui était en leur pouvoir et ce qu'il avait prévu de faire était de proposer au politique l'obligation par les opérateurs de faire la dite distinction adéquat dans le cashier dans le futur, les CGU étant quoi qu'il advienne le texte sur lequel le fiduciaire se reposera pour procéder.

Nous avons alors demandé comment un opérateur de jeu avait pu être agréé par l'ARJEL en ayant une telle clause, mais Mr Guerchoun s'est expliqué en disant que c'était le droit d'Europoker de définir les avoirs disponibles comme bon leur semblent, que l'ARJEL n'avait pas de pouvoir sur les CGU, qu'elle ne pouvait pas non plus les harmoniser dans un soucis de libre concurrence et que si les joueurs trouvaient une clause abusive, ils pouvaient la qualifier telle quelle et saisir les organismes de protection de consommateur.

Nous avons enchaîné avec le compte de Fiducie en tant que tel et son contrôle. Mr Copollani nous a assuré que les avoirs disponibles correspondaient lors de chaque contrôle à la somme des avoirs disponibles des joueurs – déclarée par Europoker – et que les contrôles avaient été accentués lors des dernières semaines (à partir de fin août), lorsque les demandes de retrait et les retards de paiement se sont accumulés.

A la question "Une fausse déclaration serait elle possible ?" le directeur juridique nous a été répondu que cela serait au liquidateur de nous éclairer, laissant une libre interprétation à tout un chacun. En effet, beaucoup de joueurs ayant retiré partie ou totalité de leur bankroll (rakeback compris) avant la fermeture, il semble envisageable que des sommes non considérées comme "avoir disponible" aient été retirées du compte de fiducie, ce qui créerait un déséquilibre entre les deux balances, et se traduirait par l'impossibilité de rembourser l'intégralité des sommes dues.

Pour conclure, si l'ARJEL est consciente qu'elle doit s’assurer de trouver une issue favorable aux joueurs dans l’affaire Europoker pour renforcer sa crédibilité auprès des communautés et celle de l’offre régulée, des pincettes ont été prises pour nous répondre, tout en assurant avoir suivi sur ce sujet l'ensemble des responsabilités et devoirs auxquels elle est soumise. Il apparait clairement que le cas Europoker est trop récent et que seule la suite des évènements nous permettra d'avoir les éléments définitifs sur cette affaire.

Des Paroles et des Actes ?

Cette première réunion a été bénéfique car
- Pour la première fois nous avons pu exposer le retour des joueurs directement à l’ARJEL
- Nous avons eu la confirmation que les grandes thématiques de réformes défendues par l’ancien président de l’ARJEL Mr Vilotte étaient toujours portées par l’actuel président de l’ARJEL
- Nous avons eu la confirmation de Mr Coppolani qu’il soutenait les idées et l’approche de notre mouvement et nous aiderait dans nos démarches.

Ces avancées ne doivent cependant pas nous faire oublier que la crise actuelle du marché du poker et les problèmes intrinsèques générés par l’absence de revoyure sur le cloisonnement, la fiscalité et la protection des joueurs sont graves et inquiétants pour l'avenir du poker. C’est au prix de réformes importantes et volontaires que nous pourrons redynamiser un marché du poker asphyxié et lutter efficacement contre les offres non régulées qui attirent aujourd’hui une partie importante des joueurs réguliers, renforcé également par l’absence de statut professionnel du joueur de poker.

Or pour débloquer ces leviers, il faut nécessairement une volonté politique qui a pour l’instant toujours fait défaut depuis 2010 et a affaibli l’image de l'ARJEL auprès des joueurs dans son rôle d’influence et de conseiller. C’est dans ce contexte que nous voulons redonner un poids important aux joueurs par le biais de notre mouvement en appuyant auprès du politique les réformes essentielles de ce marché soutenues par l'ARJEL.

Le président s'est dit également favorable à cette initiative et à son esprit, espérons donc qu'il donnera aux joueurs l'importance et la place qu'ils méritent dans notre quête commune de relance du marché.

Avec espoir et détermination,

Alexandre 'Skip' Crouan, Jean-Xavier 'Personne' Raynaud, Iannis 'Bigbox' Iglesias

 

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