- 10 décembre 2014
- petiteglise
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Le principe de Peter est une théorie, mi-scientifique, mi-satirique, expliquant l’incompétence généralisée dans les organisations hiérarchiques, comme les entreprises et les administrations. Et au poker ?
Le principe de Peter dans la société
Publié en 1968 par le professeur éponyme, le principe de Peter est devenu un best-seller, partiellement validé par plusieurs études sociologiques. Le voici, résumé en 2 points :
1. un employé compétent est promu.
2. un employé incompétent n’est ni rétrogradé ni promu.
De ces deux postulats, on peut conclure qu’aucun employé ne reste à un poste où il est compétent, car il finira par recevoir une promotion. Donc, tous les employés obtiennent tôt ou tard un poste pour lequel ils sont incompétents. Une fois leur incompétence atteinte, ils ne changent plus de poste.
Un exemple typique est le bon ouvrier qui, après quelques années à exercer un métier qu’il aime et pour lequel il est compétent, se voit promu chef de chantier. Motivé par la paie, la pression sociale et familiale, et ses supérieurs, il accepte ce poste qui s’apparente plus à du management, pour lequel il n’a aucun attrait ni aucun talent. Quand bien même il aurait été compétent à ce nouveau poste, il aurait fini par être encore promu, par exemple conducteur de travaux, jusqu’à ce qu’il atteigne son niveau d’incompétence.
Un autre défaut des systèmes hiérarchiques est qu’un employé incompétent à un certain poste peut très bien être compétent à un poste supérieur. C’est l’exemple de l’employé de bureau qui travaille mal car il s’ennuie, ne sera donc jamais promu, alors qu’il ferait un excellent chef d’équipe...
Bien sûr, le principe de Peter ne saurait s’appliquer à tous les employés de toutes les hiérarchies du monde, mais, pour ce qui est des entreprises et autres administrations , il permet d’expliquer une partie de l’incompétence constatée. La politique est un autre domaine où s’applique le principe de Peter, avec en outre une grande partie de l’incompétence de nos politiciens venant du fait qu’ils sont élus pour leur compétence à faire campagne et non leur compétence à gouverner.
Le principe de Peter s’applique-t-il au poker ?
On peut considérer le poker comme un système hiérarchique, les limites étant ses échelons. Cependant, seul le premier des deux postulats vus ci-dessus est réellement valable : un joueur gagnant à une limite va s’essayer à une limite supérieure ; mais un joueur perdant à une limite peut se rétrograder facilement, à l’inverse d’un employé incompétent. Pour autant, de nombreux joueurs jouent à une limite à laquelle ils perdent. De fait, pour chaque limite, il y a plus de joueurs perdants que gagnants, plus de joueurs en dessous du niveau requis pour être break even que au dessus. Bien sûr, le gros du lot est composé des joueurs récréatifs, “contents” de perdre un peu d’argent pour s’amuser. A ceux-ci s’ajoutent quelques joueurs addicts. Mais l’on voit aussi des joueurs gagnants à une certaine limite, jouer régulièrement à une limite supérieure, à laquelle ils perdent. En voici les raisons :
Surestimation de soi
Que ça soit en tournoi “wow, j’ai gagné mon one-time” ou en cash-game “je crush cette limite… sur 1000 mains...”, on voit des chanceux d’un jour se surestimer et monter de limites. Problème, la chance tourne et le joueur se transforme en spewtard. En voici deux bons exemples.
Moralité : il est recommandé de se baser sur un échantillon suffisamment conséquent pour évaluer son niveau.
L’habituation a une limite.
Le poker évolue continuellement et il faut travailler, se mettre à jour juste pour pouvoir se maintenir. Des regs d’il y a quelques années sont maintenant totalement dépassés aux grosses limites mais, par ego, ne peuvent accepter de descendre aux basses limites. Gus Hansen en est l’exemple le plus connu. Ancien du top mondial, il est maintenant la vache à lait (enfin le fish à lait ? le fish à oeufs ?) des nosebleeds, bref, le plus gros perdant de l’histoire du poker online, avec plus de 20 Millions de pertes, tout de même. Certes, c’est de l’argent qu’il a gagné précédemment, ok, peut être qu’il souhaite, à la Guy Laliberté, affronter les meilleurs quitte à en payer le prix, mais toujours est-il qu’il joue à des limites auxquelles il est incompétent.
Vouloir jouer trop haut, trop vite est une tendance naturelle, contre laquelle il faut lutter. La meilleure arme est le bankroll management. Sachant que pour chacun d’entre nous il y a des limites auxquelles on est gagnants et d’autres perdants, mieux vaut savoir laisser son ego de côté. Il est préférable d’être gagnant en NL50 que perdant en NL200…