Poker et jeux d'argent le gouvernement lutte contre l'addiction

Poker et jeux d'argent le gouvernement lutte contre l'addiction

30 Millions de joueurs au moins occasionnels en France. Parmi eux, 400.000 joueurs à risques et 200.000 joueurs excessifs, qui sont également plus sujets à l’addiction à l’alcool, au tabac et au cannabis. Le gouvernement annonce ses mesures de lutte.

Jeux d’argent et addiction : l’étude de 2011

A ce jour, la seule étude publiée sur l’addiction aux jeux d’argent a été menée par l’Observatoire français des drogues et de la toxicomanie, avant la régulation de 2010. Elle faisait état de 400.000 joueurs « à risque » et 200.000 joueurs excessifs, sur les 30 Millions de joueurs, allant de ceux qui achètent quelques tickets d’Euromillion par an à ceux qui misent plusieurs milliers d’euros par jour.

D’après l’étude, ces joueurs à problèmes seraient également plus sujets à l’addiction à l’alcool, au tabac et au cannabis que le reste des joueurs ou que la population générale, corroborant l’hypothèse controversée de la personnalité addictive : on serait dépendant tout court avant d’être dépendant à quelque chose en particulier.

600.000 joueurs problématiques représentent environ 1% de la population totale. C’est nettement moins qu’aux Etats-Unis (5%) ou que chez nos voisins Italiens, Belges ou Britanniques (environ 2%).

Jeux d’argent et addiction : les annonces de Bernard Cazeneuve

En visite à l’hôpital Marmottan de Paris, le remplaçant de Cahuzac au Ministère du Buget a dévoilé une nouvelle étude et annoncé quatre mesures pour lutter contre l’addiction aux jeux d’argent.

Cette nouvelle étude, menée sur un échantillon de 2 Millions de joueurs en ligne ayant misé au moins une fois dans l’année, fait état de 200.000 joueurs à risque et 125.000 joueurs excessifs, soit près de deux fois moins que dans l’étude de 2011 ! Effet de la crise, des mesures de l’Arjel ou simple changement de définition de ces joueurs à problèmes ?

Voici les mesures qui seront prochainement soumises à l’assemblée :

  • renforcement de la lutte contre les sites de jeux illégaux et leurs publicités
  • possibilité pour la Française des Jeux d'accéder au fichier des interdits de jeux (35.000 noms, consultables pour le moment uniquement par les casinos et les opérateurs de jeux en ligne)
  • renforcement de la protection des avoirs des joueurs en cas de défaillance de l'opérateur
  • simplification de la saisie de la Commission des sanctions de l’Arjel

Nous saurons bientôt quelles mesures concrètes se cachent derrière ces axes de travail.

Les joueurs de poker et l’addiction

Le meilleur joueur de tous les temps, Stu Ungar, était connu pour ses diverses addictions, qui l’ont détruit. Addictions à la cocaïne et à l’alcool, mais aussi aux jeux d’argent, dont les paris hippiques et sportifs, dans lesquels il a perdu des millions de dollars, gagnés au poker. Plus récemment, Erick Lindgren faisait parler de lui en ayant été admis en cure de désintoxication aux jeux d’argent.

Voici, schématiquement, le parcours d’un joueur excessif moyen, que nous appellerons Stu Lindgren (toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existées serait fortuite…)

Tout commence par une phase de gains. Stu débute son parcours en remportant des sommes plus ou moins importantes, jusqu’au beau jour où il gagne gros. Ce gros gain, qui dans l’absolu n’est ni nécessaire ni suffisant à l’addiction, est ici l’élément déclencheur dans la pathologie de notre Stu Lindgren, qui va surestimer son talent au jeu (même lorsque le jeu est 100% un jeu de hasard)

Vient ensuite une phase de pertes. La chance ayant tourné, Stu commence à perdre. Il va alors rationaliser ses gains (« je suis un bon joueur ») tout en attribuant ses pertes au hasard (« je n’ai pas eu de chance sur ce coup »). Lindgren se met à jouer pour récupérer ses pertes, pour se refaire, comportement que l’on appelle le chasing. C’est à ce moment que son entourage s’inquiète pour lui, en conséquence de quoi Stu va mentir, pratiquer le déni et jouer en cachette.

Arrive enfin la phase de désespoir, dernière étape du jeu pathologique. Notre pauvre Stu Lindgren souffre de nombreux symptômes liés à son addiction au jeu : dépression, anxiété, isolement, trouble de l’alimentation et/ou du sommeil. En outre, Stu aura probablement des ennuis avec ses créanciers, l’incitant peut-être à commettre des délits pour se procurer de l’argent.

Il y a évidemment très peu de « Stu Lindgren ». De plus, ces trois étapes se déroulent sur plusieurs années et certains joueurs en connaissent une ou deux sans aboutir à la phase de désespoir.

Les facteurs liés à l’addiction au jeu

L’addiction au jeu a une origine plurifactorielle. Ces facteurs peuvent se diviser en 3 catégories : les structurels (liés au jeu lui-même) ; les situationnels (liés à l’environnement) ; les individuels (liés au joueur). Etablir une liste exhaustive serait présomptueux et probablement inintéressants tant elle serait vaste. J’ai donc sélectionné quelques facteurs, que j’estime représentatifs et dignes d’intérêts.

Le taux de retour. Les machines à sous sont un des jeux préférés par les joueurs à risque. Les machines actuelles ont un taux de retour de 92% (le joueur perd en moyenne 8% de sa mise) et un taux d’encaissement de 78% (le joueur arrête une fois qu’il a perdu 22% de ses mises). Des tests ont montré qu’avec un taux de retour de 93%, le taux d’encaissement baisserait à 75% : en gagnant un peu plus à chaque coup, le joueur perdrait davantage au final. En fait, les casinotiers aimeraient augmenter leur taux de retour jusqu’à 95%. Mais les joueurs resteraient alors assis trop longtemps et il faudrait bien plus de machines qu’actuellement pour combler la demande.

Le jeu comme rébellion. Un jeune joueur peut vouloir jouer car sa famille trouve les jeux d’argent déviant et dérangeant. De plus, l’esprit communautaire qui existe entre les joueurs peut agir comme un effet de bande, le joueur rebelle se sent faire parti d’un groupe où il se sent accepté. Certains deviennent punks, d’autres joueurs excessifs…

L’âge et le sexe. Les hommes sont bien plus sujets à l’addiction au jeu que les femmes. En outre, si commencer jeune à jouer de l’argent est un facteur de risque, les personnes âgées semblent constituer une population problématique.

Conclusion : le jeu pathologique ne peut être nié, ni sous-estimé. Cependant, on doit se demander à quel point les mesures gouvernementales vont impacter la masse des joueurs non-excessifs, et s’il est vraiment judicieux d’amputer la liberté de 99% des joueurs pour soulager les problèmes des 1% restants.

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