- 28 octobre 2015
- petiteglise
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Vous avez du mal à vous concentrer sur la durée quand vous jouez au poker ? Vous ne pouvez vous empêcher de repenser au mains passées, de jouer en musique, consulter facebook et êtes obligé de multitabler pour ne pas vous ennuyer ? Apprenez à muscler votre attention.
Pourquoi rechercher la concentration ?
Le premier avantage à être pleinement attentif à ce que l’on fait est l’efficacité. Dans n’importe quelle activité, au poker, au travail, en sport ou autre, cela ne devrait pas vous surprendre, vous serez plus efficace si vous n’êtes pas distrait.
L’état optimal de concentration étant le fameux flow, dont j’ai parlé dans plusieurs articles, en particulier dans Du scared money au flow au poker.
Le deuxième avantage à une pleine attention est que cela fait du bien. La plupart de nos passe temps sont destinés à atteindre des états de flow ou de ce que l’on pourrait appeler micro flow.
Prenez un jeu qui a connu un succès fulgurent comme 2048. Sur le papier, additionner entre eux des multiples de deux jusqu’à 2048 ou plus a l’air moins intéressant et plus répétitif qu’un job de stagiaire dans une grande entreprise. Ajouter à ça des graphismes d’années 80 et aucun son, peu auraient parier sur le buzz planétaire que le jeu a rencontré. L’explication de cette réussite est l’attention : lorsque l’on joue à 2048, on est totalement focus, entièrement dans le moment présent, déconnecté des mauvais souvenirs et des problèmes futurs. Bref, on se sent bien.
Une étude menée par des chercheurs de Harvard en 2010 consistait à demander à différents moments de la journée aux volontaires, grâce à une appli smartphone, quelle activité ils étaient en train de faire, s’ils se sentaient bien, et s’ils étaient concentrés ou pensaient à autre chose. Après avoir analysé pas moins de 250 000 données, les expérimentateurs ont obtenus quelques points intéressants :
On passe presque 50% de notre temps à penser à autre chose que ce que l’on fait, à rêvasser.
Le bonheur dépend plus de si l’on est concentré ou pas que de l’activité elle-même. Autrement dit, il est plus agréable de faire la vaisselle en étant pleinement concentré que de regarder un film en pensant à autre chose.
L’activité durant laquelle les gens sont le plus concentrés est le sexe. (Oui, les volontaires devaient s’interrompre pour répondre à l’appli…)
Les freins à la concentration
Être pleinement attentif nécessite avant tout d’être dans le moment présent. Le problème est que notre esprit a pour habitude de ressasser le passé et de se projeter dans l’avenir. Si vous venez de vous faire larguer, cette pensée risque d’occuper une bonne partie de votre esprit et vous ne pourrez bien vous concentrer. De même, si vous avez demain un important entretien d’embauche, vous allez probablement y songer constamment.
Pour parler uniquement de poker, il vous ait forcément arrivé de rester bloqué sur une main précédente au lieu de vous concentrer sur la nouvelle “j’en reviens pas qu’il m’ait call, quelle déchatte…” ou à l’inverse d’imaginer le futur “bon si je double bientôt je devrais marcher sur la TF, ça fera un bon prix, je pourrai cash out un peu....” Il importe donc de revenir à la main présente dès que l’on se rend compte que notre esprit est parti dans le passé ou le futur.
Un autre obstacle à la concentration est constitué des distractions qui s’imposent à nous, voire que l’on s’impose tout seul. Notre cerveau est un organe single-task. La neurologie moderne a montré que le multi-tasking ne consiste pas à effectuer plusieurs tâches au même moment mais à jongler rapidement d’une activité à l’autre. C’est quasiment impossible à faire si les tâches sont similaires : essayez de résoudre simultanément une multiplication et une addition, ou de converser en même temps par écrit et par oral. Mais même quand les activités sont différentes, les allers-retours d’une activité à l’autre qu’entraîne le multi-tasking nuisent à la productivité. N’importe quel conducteur peut conduire en écoutant de la musique, mais dès que la route devient dangereuse ou qu’il est perdu, il va consciemment ou non, baisser le volume voire arrêter la musique pour accorder toute son attention à la route.
Au poker, nombreuses sont les distractions que peut rencontrer un joueur en ligne : musique, facebook, mails, téléphone, copine/coloc qui nous parle… On peut même rajouter le multitabling que je qualifierais de tue-l’ennui. Bien sûr multi-tabler peut augmenter le hourly-rate, mais il faut distinguer le multitabling rationnel “je vais gagner plus” de l’irrationnel “si je joue juste un MTT je vais m’ennuyer, donc j’ouvre deux HU à côté”.
Oublions donc nos fausses excuses : on ne peut jouer son A-game que si l’on est pleinement concentré et on ne peut pas être pleinement concentré si l’on est distrait. Dans l’idéal, quand on joue un MTT, on devrait être concentré à 100% dessus, sur toute la durée. Dans les faits, on sait tous qu’il est impossible de passer plusieurs heures devant une seule table, sans s’ennuyer à un moment. C’est pourquoi les pauses et les distractions sont nécessaires, de temps en temps. Mais chacun doit pouvoir atteindre le top de sa concentration pour les moments importants. Pour cela, il faut s’entraîner.
Muscler sa concentration
Beaucoup de spécialistes comparent la concentration à un muscle pour deux raisons : si on l’utilise trop dans la journée, elle lâche ; si on l’utilise régulièrement, elle se développe. C’est ce deuxième point qui nous importe ici.
Le revers de la médaille à la potentielle amélioration de la capacité de concentration est qu’elle peut aussi se détériorer. Une récente étude commandée par Microsoft (à destination des publicitaires) sur l’impact des nouvelles technologies a montré que la capacité d’attention moyenne devant un écran est passée de 12 secondes en l’an 2000 à 8 secondes en 2013. En comparaison, la durée de d’attention d’un poisson rouge est évaluée à 9 secondes. L’homme connecté serait donc devenu moins fort qu’un fish… Ainsi, on a donc besoin d’un nouveau stimulus toutes les 8 secondes, et cela se remarque dans tous les domaines : les films montrent toujours plus d’actions, de changement de plan, à la télé les sujets sont de plus en plus cours, il est devenu difficile de lire un long texte, etc…
Il est donc plus important que jamais d’entraîner son attention, pour le poker comme pour la vie de tous les jours. Heureusement les moyens existent et sont connus.
Une technique parfaitement éprouvée est de “juste faire”. Si vous êtes devenu incapable de vous doucher sans musique, de manger sans regarder une vidéo ou de passer quelques minutes sur le trône sans consulter votre smartphone, vous devriez sans doute vous y essayer. Il s’agit simplement de s’adonner pleinement à une activité, par exemple juste prendre sa douche, sans musique, sans penser à la journée de taf à venir ou à autre chose que la douche. Vous pouvez “juste manger”, “juste faire la vaisselle”, “juste n’importe quoi”, “juste jouer au poker”, cela améliorera votre capacité de concentration.
La méditation, sous ses nombreuses formes, est une technique ancestrale de plus en populaire en occident grâce aux études scientifiques prouvant ses nombreux bienfaits, notamment sur la concentration. Des entreprises s’y mettent, des joueurs de poker aussi...
Revenons d’ailleurs au poker. “Juste jouer au poker” est sûrement le meilleur entraînement pour qui veut augmenter sa concentration au poker. Essayez, de temps en temps, de jouer sur une seule table durant une vingtaine de minutes. Pas de musique, pas de distraction, quand vous remarquez que vous pensez à autre chose, redirigez votre concentration sur la table. Restez focus sur la main présente sans ressasser les mains passées. Et enfin, ne vous jugez pas. Analyser consiste à observer objectivement ce qui est, juger consiste à rajouter une dimension subjective, de bien ou de mal et donc à sortir de ce qui est. Plus concrètement, vous faites un mauvais call et vous retrouvez à 9BB en MTT, analyser revient à dire “le call était mauvais, je suis maintenant en mode push or fold” juger revient à dire “put… mais je suis con, mais pourquoi j’ai call, j’étais hyper bien juste en foldant à chaque fois c’est pareil…”. Dans un cas on reste dans le moment présent, focus, pas dans l’autre.
Évidemment, tout ceci est plus facile à dire qu’à faire, mais en pratiquant le “juste jouer au poker” quand il y a peu d’enjeu, on sera meilleur quand il y en aura. Et quand on pense à l’importance de jouer son A-game en TF, on peut se dire que ça vaut le coup de s’entraîner.