- 20 février 2015
- petiteglise
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Pourquoi la gratuité nous rend-elle irrationnels et comment les publicitaires en profitent-ils ? Et pourquoi il est quasiment impossible de jouer son A-game quand il n'y a pas d'argent en jeu ?
L'attrait du gratuit
La gratuité a un pouvoir attractif irrationnel sur les gens. Dans une expérience, il était proposé à des passants de choisir entre un chocolat quelconque à 1 cent ou une truffe de qualité à 15 cents. Les trois quarts ont choisi, judicieusement, la truffe.
Plus tard, il a été proposé aux cobayes de choisir entre le même chocolat, offert, et la même truffe, au prix de 14 cents. Cette fois, les deux tiers des dégustateurs ont préféré le chocolat...
Dans une autre expérience, les sujets ont majoritairement préféré un bon d’achat gratuit de 10 $ pour Amazon à un bon d’achat de 20 $ vendu 7 $.
Tous les publicitaires et commerçants connaissent et utilisent ce pouvoir de la gratuité : songez aux « +50% gratuit », aux « un acheté, un offert », etc.
Les rooms de poker ne font pas exception. Par exemple, des bonus avec dépôts peuvent être rationnellement plus avantageux que des bonus sans dépôts, mais être (paraître) moins attractifs car ils ne sont pas gratuits. Ceci explique comment les rooms parviennent à faire venir des joueurs qui ne se seraient pas inscrits autrement.
Les limites du poker gratuit
L’autre point méritant qu’on s’y attarde est : pourquoi les gens jouent mal en playmoney ? Évidemment, les joueurs de playmoney sont tous, ou presque, des fishs, mais la question est pourquoi les gens jouent moins bien en playmoney qu’en realmoney ?
Après tout, la majorité des joueurs de poker en argent réels sont des récréatifs perdants, qui acceptent de dépenser de l’argent en échange du plaisir de pratiquer leur loisir. Ne feraient-ils pas mieux de jouer en playmoney ?
Sur le principe, oui, évidemment, mais le fait est que les gens jouent globalement tous nettement en deçà de leur niveau en playmoney. Et ceci semble propre au poker.
Tous les jeux peuvent se jouer avec ou sans argent : backgammon, échecs, tarot, belote, etc… A tous ces jeux, les joueurs essayent généralement de jouer aussi bien, qu’il y ait un enjeu financier ou non. Même au monopoly, qui est l’archétype du jeu joué en playmoney, on ne fait pas n’importe quoi sous prétexte que les billets sont faux.
Pourquoi cette spécificité du poker ?
Tout est question de motivation. Chaque jeu comporte une part de motivation intrinsèque (exemple : bien jouer à chaque coup) et une éventuelle part de motivation extrinsèque (un enjeu financier par exemple).
Or le poker n’est intrinsèquement intéressant que lorsqu’il est joué contre des adversaires d’un niveau globalement similaire, qui essayent de bien jouer.
Si deux regs s’affrontent en HU après s’être chambrés, peu importe qu’ils misent de l’argent ou non, les deux seront suffisamment motivés pour jouer leur A-game.
Ou si vous jouez sur une table d’un niveau élevé un coup particulièrement intéressant, vous vous en fichez que ça soit de la NL10, 100, 1000 ou du playmoney, la main sera suffisamment motivante en elle-même pour vous faire jouer à votre meilleur niveau.
Mais contre des fishs qui font n’importe quoi, les mains ne seront jamais suffisamment intéressantes en elles-mêmes. Contre de tels joueurs, le jeu gagnant, consistant en gros à ne jouer que les bonnes mains et ne jamais bluffer, est un même franchement chi… ennuyant.
On a donc besoin de trouver d’autres sources de motivation. Personne ne refuserait de jouer contre des fishs en Realmoney, mais si on est obligé de les affronter en playmoney, alors la seule chose qui nous reste est le fun.
Et on se retrouve, comme les autres, à jouer 72o en premier de parole, et à payer son tirage ventral sur le flop, car si on gagne, on se marre, et si on perd, ça ne fait aucune différence. Et puis on arrête, car c’est vite lassant…
En résumé, sauf dans des cas exceptionnels, il est impossible de trouver un réel intérêt au playmoney… et c’est tant mieux pour les regs, sinon les récréatifs n’accepteraient pas de leur donner de l’argent…