Toujours un plaisir de lire un article de Mizar : qualité de la prose, du style, un argumentaire solide,… et puis un sujet intéressant de surcroît.
Et intéressant aussi tous les avis des joueurs !
J’adhère d’ailleurs en partie à l’opinion de Mizar, même si je voulais revenir pour commencer sur la polémique Basou, à l’origine de son pamphlet :
Tout le problème est que le post de Basou s’apparente à du mépris envers un joueur français reconnu et méritant au regard de son expérience, son ancienneté et sa popularité. A noter que Basou reconnaît à Benyamine un certain charisme et une qualité qui finalement est la plus importante pour un joueur de poker : faire de l’argent sur des joueurs plus faibles que soit (tout en en perdant moins contre ceux qui nous sont supérieurs).
Par contre il le critique sur son style de jeu et sur ce fameux terme de « niveau » de jeu. Pour preuve et illustration : la description du gros coup final de la soirée, où Basou se prend un bad beat. Je ne serai pas aussi catégorique sur le fait que ce coup soit bien ou mal joué, au regard de la dynamique de la partie qui nous échappe ; même si j’accorde à Mizar une bien meilleure compétence que la mienne pour juger de cet aspect du poker.
Doit-on pour autant reprocher à Basou d’avoir pris la « grosse tête » ? Pour répondre à cette question, il faut en fait pouvoir répondre à celle qui fait débat : « Comment et à quoi juger le niveau d’un joueur de poker ? »
Pour tenter de répondre à cette question, je vais user d’une méthode un peu inédite, à savoir celle que j’utilise dans mon métier de psychologue du travail, où je passe mes journées à vérifier notamment la compatibilité entre le profil d’un demandeur d’emploi et un métier. Bref, sans non plus réaliser une thèse (le temps me manquerait) je vais analyser l’activité poker, puis en déduire ce qu’elle implique en terme de capacités, compétences, savoir-faire chez un individu pour la maîtriser au maximum. Par conséquent le prototype du joueur idéal, ou tout du moins de ses qualités nécessaires, apparaîtra. Par la suite, on pourra vérifier quel(s) joueurs se rapprochent le plus de cet idéal.
En effet, j’avoue que toutes les analogies proposées, notamment avec les sportifs ne me paraissent pas appropriées. Il est vrai que c’est une activité individuelle, et qu’un sport individuel (comme le tennis) comprend beaucoup de similitude avec le poker, notamment au niveau artistique. Par contre, il est indéniable que la réussite dans l’activité poker n’est pas exclusive au joueur. Il y a le paramètre du hasard, il est vrai pondéré sur le long terme, qui intervient dans le résultat. Or le hasard est très peu présent dans le sport.
Bref, selon moi, l’activité qui s’accorde le plus avec le poker est la bourse. Un joueur de poker et un boursicoteur ont vraiment beaucoup de points en commun, comme vous le constaterez.
La définition la plus simple et la plus juste pour un joueur de poker de décrire son activité c’est : user loyalement d’un jeu de cartes pour gagner de l’argent. Il existe 2 formes de poker (tournoi et cash) et plusieurs variantes, mais in fine, l’objectif commun du jeu est le gain d’argent (d’où la possibilité d’en faire sa profession).
Cela peut paraître bateau, mais la notion d’argent au poker est primordiale car, à l’inverse d’autres métiers ou disciplines, elle conditionne toute l’activité du joueur vis à vis de lui-même, du jeu et de son environnement.
Donc selon moi, le critère de gains au niveau de la régularité et du montant est bien ce qui permet de classifier les joueurs de la façon la plus simple. Cependant pour en arriver là, le joueur doit être pétri de qualités diverses.
Selon moi, le niveau ultime d’un joueur de poker serait qu’il prenne tout le temps la décision optimale dans le but de maximiser l’argent inhérent au coup. Or ceci est très difficile car il existe beaucoup de paramètres qui rentrent dans le processus de décision, mais qu’on peut finalement regrouper en seulement 3 catégories qui interagissent entre elles :
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La connaissance du jeu.
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L’utilisation optimale de son potentiel intellectuel et cognitif.
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La lecture de son adversaire.
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La connaissance du jeu implique finalement tout ce qui relève des mathématiques et de la tactique (calcul de l’EV, des tailles de tapis, la gestion de bankroll, la variance, etc). La façon optimale de jouer un coup est différente en fonction de la forme du jeu pratiquée et aussi des conditions spécifiques dans lequel il se déroule. Pour illustrer avec un cas extrême, un joueur peut très bien jeter une paire d’As préflop s’il est à la bulle d’un satellite avec un tapis moyen ; et cette décision sera considérée comme optimale dans cette condition précise.
Cet aspect du jeu nécessite toutefois que le joueur acquiert des savoirs pour prendre la décision optimale, ce qui nous mène tout droit au point 2, et son potentiel intellectuel.
En effet, l’acquisition de savoirs implique un processus d’apprentissage. Or nous ne sommes pas tous égaux au niveau de notre potentiel intellectuel pur. Un premier point de différence entre les joueurs peut donc s’établir sur ce point. En effet les joueurs seront en capacité de comprendre et de retenir plus ou moins de concepts et de situations du poker. Stochastic ou Jeean sont par exemple le summum du joueur face à cette compétence spécifique du jeu.
A noter également, qu’à mon avis, savoir que les résultats immédiats sont soumis à la variance est à ranger dans la connaissance du jeu. D’où le concept de bankroll management, que le mauvais joueur de poker ne maîtrise pas.
Toutefois, outre le temps à consacrer à l’apprentissage de ces savoirs, l’important pour un joueur est aussi de pouvoir maximiser son potentiel intellectuel.
Intervient l’aspect cognitif qui selon moi est le point clé qui permet de véritablement déterminer qui sera notre champion . En effet, un joueur avec un potentiel intellectuel très élevé mais qui perd facilement sa concentration et son efficience décisionnelle sera certainement peu performant au poker.
Or les facteurs perturbants l’intellectuel du joueur durant une partie sont très nombreux et sont d’ailleurs l’essence même du poker. Notons les plus connus : la contrariété, la fatigue, la notion financière, le charisme de son adversaire,…
Chaque joueur a un potentiel cognitif différent. Les 2 aspects prépondérants pour le poker m’apparaissent être la maîtrise de ses émotions (gestion du tilt) et la lucidité sur sa performance (savoir que l’on est dans les conditions optimales pour perfer).
Et la dernière composante est l’adversaire que l’on a en face de soi. Le connaître, c’est le maîtriser, et le maîtriser c’est le battre sur le long terme.
Cela est communément appeler la lecture de l’adversaire. Sur internet, les trackers sont d’une énorme utilité pour identifier son adversaire. Il s’agit bien sûr de savoir s’en servir, mais on retourne dans ce cas dans le domaine du savoir classique.
En live, c’est beaucoup plus subtil et demande un véritable travail d’analyse, mais aussi de ruse.
Et ces infos vont permettre au joueur de faire usage de son potentiel d’adaptabilité. Car encore faut-il réussir à tromper, à mener son adversaire à régir tel qu’on le souhaite, ou au contraire à comprendre qu’il a un meilleur jeu que soit.
Finalement, à mon avis, différencier un joueur de MTT à un joueur de cash est donc peu pertinent, puisque chacun peut exceller dans son domaine. L’idéal est d’être un joueur complet, c’est sûr.
Bien sûr un joueur de cash sera moins soumis à la variance puisqu’il pourra jouer des mains indépendantes les 1 des autres, mais sur le long terme, les 2 seront performants puisque gagnants.
Pour les cash gamers septiques, il n’y a qu’à regarder la fameuse vidéo de MTT qu’avait posté mpiyavv sur le site (je n’ai pas trouvé le lien) et ses résultats.
Pour finir, revenons-en à la polémique Basou : qui est le meilleur joueur à l’éclairage de mon exposé ?
Basou :
qui joue à une table aux limites semble t il trop importantes pour sa bankroll
qui joue un coup important de façon optimale mais qui prend un bad beat
qui finalement quitte la table.
Ou Benyamine :
qui joue à une limite de confort
qui n’est pas scared money
qui pense prendre une décision EV+ mais se trompe
qui aurait pu recaver s’il perdait le coup.
A vous de répondre.