- 07 janvier 2015
- petiteglise
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Quand on leur demande, la plupart des joueurs répondent être meilleurs que la moyenne, avoir plus de skill, mais être moins chanceux que les autres. Décryptons ce paradoxe.
Être meilleur que la moyenne
L’expression “être meilleur que la moyenne” est souvent utilisée de manière abusive. De fait, la majorité d’une population peut se situer au dessus de la moyenne sans qu’il y ait le moindre paradoxe. Par exemple, la plupart des gens ont plus de jambes que la moyenne… Si, si... En moyenne les être humains ont un peu moins de 2 jambes, et quasiment tous ont en deux, donc presque tout le monde a plus de jambes que la moyenne.
Il convient donc de parler de médiane; à savoir la valeur telle que la moitié de la population soit au dessus et l’autre moitié en dessous.
En outre, moyenne et médiane n’ont de sens que lorsque la population à laquelle elles se rapportent est correctement définie. Ainsi, le “joueur médian” est un concept bien variable, selon que l’on se situe dans l’ensemble des êtres humains, de ceux qui connaissent les règles, des joueurs en ligne ou des regs. En fonction de la population choisie, à peu près n’importe qui ayant entendu parler de poker peut être au dessus du niveau médian.
Cet abus de langage décortiqué, intéressons-nous aux cas de surestimation et de sous-estimation de soi.
Évaluation du niveau et niveau
Il est des domaines où les débutants n’ont pas trop mal à évaluer leur niveau et se comparer aux grands. Au 100m par exemple, il n’y a pas besoin de savoir sprinter pour comprendre que 9”58, c’est mieux que 10”.
A l’inverse, au poker, un débutant ne saurait comprendre qui joue mieux entre un reg quelconque et Phil Ivey. Quelqu’un qui vient juste d’apprendre les règles et les mains de départ peut penser qu’il va maintenant tout déchirer car il n’a aucune idée de tout ce qu’il lui reste à apprendre.Au poker, il faut un niveau décent pour savoir évaluer le niveau d’un joueur et en particulier le sien. En gros, les nuls ne savent pas qu’ils sont nuls, donc ils se croient bons. Les bons savent être objectifs et donc eux aussi se croient bons.
Évaluation du niveau et ego
On peut voir l’ego comme le “publicitaire” du corps. C’est une construction mentale visant à fournir une image de soi embellie et flatteuse. Pour protéger son ego, on a tendance à se trouver bon, dans les domaines où l’on voudrait être bon. Ainsi, 93% des automobilistes américains pensent conduire mieux que la moyenne, 87% des étudiants de la Stanford University pensent avoir des résultats au dessus de la médiane.
Souvent, l’ego nous pousse à nous surestimer, mais parfois l’inverse se produit. Ainsi, la majorité des collégiens se sous-estiment en mathématiques. Ne trouvant pas les maths attirantes, ils ne voient aucun avantage à s’y trouver bon. Et il y a en revanche un avantage à se trouver mauvais : ça fait moins mal quand on se loupe “4/20, mouais bon je m’en fiche j’ai toujours été nul en maths”
Au poker, il est évident que l’écrasante majorité des joueurs trouvent flatteur d’y être bon, et se surestiment en conséquences.
Chance et ego
La tendance à voir la chance comme un trait de personnalité est irrationnelle mais très fréquente. En se baladant dans un casino, surtout vers les machines à sous, on peut croiser toutes sortes de personnes qui placent leur ego dans le fait d’être chanceux. Parce qu’ils croient à un monde juste, que la chance sourit à ceux qui la mérite, ou qu’ils pensent maîtriser le hasard, se voir chanceux cajole leur ego.
Au poker, l’inverse se produit : se croire chanceux est Ev- pour l’ego. Quand on gagne, il est Ev+ pour l’ego de se dire talentueux plutôt que chanceux et quand on perd, il est Ev+ pour l’ego de se dire malchanceux plutôt que mauvais.
Notons que, même si les meilleurs joueurs peuvent avoir des gentilles superstitions, un reg devrait normalement être objectif quant à la chance. Les fishs ont tendance à attribuer leurs échecs à la malchance et donc à se surestimer et les regs, qui eux sont objectifs, sont de fait meilleurs que la moyenne.