Pour mieux jouer au poker, soyez observés !

Pour mieux jouer au poker, soyez observés !

Un pote, un coach, une table télévisée ou un shark à notre table… et si le simple fait d’être observé nous faisait augmenter notre niveau ?

L’effet Hawthorne

Entre 1924 et 1932 une étude sur la productivité fut menée dans l’usine Hawthorne Works. Le principe était simple : changer un par un différents facteurs (augmenter ou diminuer la luminosité, rallonger ou raccourcir les pauses, donner à manger ou pas durant les pauses, etc) et noter les changements de productivité.

Les résultats de l’étude furent assez surprenants : la productivité avait significativement augmenté durant toute l’expérience, indépendemment des changements, même quand ceux ci consistaient à revenir aux conditions initiales… Quand l’expérience s’arrêta, la productivité revint au niveau de départ.

Les chercheurs en conclurent que c’était le simple fait de se savoir observés par les expérimentateurs qui poussa les employés à augmenter leur taux de production, ce qu’ils appelèrent l’effet Hawthorne.

L’étude éponyme fut ensuite contestée,notamment à cause du faible nombre d’employés étudiés. Mais l’effet en lui-même est intéressant et pour nous la question est de savoir s’il s’applique au poker.


L’effet Hawthorne au poker

Une anecdote personnelle pour débuter : en 2007, alors en collocation avec un joueur d’échecs (je le suis moi même), nous étions très largement à découvert en début de mois. Nous avons alors fait ce que font deux joueurs d’échecs qui ont besoin d’argent : s’inscrire sur un site de poker. On jouait avec un seul compte : l’un tenait la souris et l’autre restait à côté (essentiellement pour servir les verres et faire la discussion). On s’est vite rendu compte que l’on jouait bien mieux ainsi que séparément. Ce n’est pas que l’autre donnait des conseils, mais sa simple présence faisait mieux jouer. Par exemple, on ne tiltait pas, on se “levelait” beaucoup moins. Tout seul, ça peut arriver de faire un gros raise en bluff, de colère plus que de raison, mais pas, ou moins, quand un pote te regarde…. Bref, pour conclure la petite histoire, on a rapidement pu payer le loyer, remplir le frigo et spew le reste en soirées, malgré notre niveau assez faible, même pour l’époque.

Ceux qui ont pris des cours avec un coach ont également pu sentir cet effet. Dans ces situations où on a envie de faire n’imp, quand le coach nous regarde, on se retient et on joue le coup EV+. Il n’y a même pas forcément besoin que le coach soit présent en direct, si on sait qu’on va lui montrer la session, on jouera probablement mieux que d’habitude.

Parfois, un adversaire peut jouer ce rôle d’observateur : on s’ennuie sur un MTT, pas très concentré ni motivé, un shark connu débarque sur la table, et tout un coup on devient focus, même dans les mains que le shark ne joue pas.

Dans tous les cas précités, l’observateur rajoute des exigences et donc de la motivation. Ce qui est parfait pour un joueur qui aurait tendance à s’ennuyer, mais peut être catastrophique pour un joueur anxieux. Pour schématiser, la bonne dose de motivation dépend d’un juste rapport entre compétences et exigences : si les exigences sont trop faibles pour nos compétences, on s’ennuie, et à l’inverse, si les exigences sont trop élevées, on devient stressé.

 

Le flow, dont j’ avais parlé dans l’article Du scared money au flow au poker, décrit le fait d’être “dans la zone”, l’état de niveau de jeu optimal.

Ainsi, si un joueur débutant qualifié au ME des WSOP via un satellite se retrouve sur la table télévisée, à côté de stars, alors qu’il est déjà scared money, le fait d’être observé ne provoquera qu’une malsaine anxiété. Typiquement, il risque soit d’être paralysé et tout fold, soit de se level et tenter des bluffs et hero calls.A l'inverse, un top player qui s'ennuie sur une table quelconque de ce même tournoi peut retrouver de la motivation et réhausser son niveau de jeu en arrivant sur la table télévisée...

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