Etre en forme pour mieux jouer au poker

Etre en forme pour mieux jouer au poker

Il ne suffit pas d'être un bon joueur de poker, il faut aussi bien jouer. Suite et fin. Ce dernier article est consacré à la forme. Au menu : alcool, café, Red Bull... Mais également de la nourriture, du sport, du sommeil, the Tetris effect... et aussi un algorithme pour savoir quand (ne pas) jouer au poker !

Article 1 : A-game au poker
Article 2 : Motivation au poker
Article 3 : Concentration au poker

Imaginez que vous ayez prévu de consacrer votre samedi à la paperasse et autres factures en retard. Vous vous réveillez en ayant dormi la même durée que d’habitude. Vous essayez de vous y mettre mais vous vous jugez trop fatigué et vous allez vous rendormir. Ce genre de situations vous est familier ? Vous êtes un adepte de la fonction repeat de votre alarme quand vous devez aller au travail ? 

En fait, à la question « suis-je en forme ? » nous répondons souvent à la place à « suis-je motivé ? ». De facto, nous évaluons souvent mal notre forme.
Les limites de l’épuisement humain sont très élevées : Les skippers du Vendée Globe dorment moins de 5h par jour durant environ 3 mois. C’est impressionnant mais rien en comparaison de ce qu’ont dû endurer, par exemple, les grognards lors de la retraite de Russie : des semaines à marcher jour et nuit, même en dormant -ou plutôt en somnolant-, tout en portant l’équipement et en subissant le froid, la faim et les attaques des Cosaques. Voilà les limites de la fatigue humaine. On est bien loin des situations habituelles dans lesquelles nous disons « je suis crevé, j’en peux plus … »

Cela dit, au poker, la question n’est pas tant de savoir si l’on est capable de s’asseoir à une table et de pousser des jetons, mais si l’on peut jouer son A-game. Et pour cela, il est nécessaire d’être un minimum en forme. En outre, quand vous êtes bien motivé pour jouer au poker, vous risquez alors, au contraire des exemples ci-dessus, de surestimer votre forme !

Alcool et poker

“ J’ai fait une fête avec des amis, j’étais en tilt complet donc j’ai joué bourré et j’ai perdu un autre million” Vous aurez reconnu la prose de Ziigmund.
Mais peut-être vous est-il déjà arrivé de prononcer une phrase similaire, en remplaçant « million » par un autre montant, après avoir perdu en une soirée alcoolisée une partie conséquente de votre bankroll, laquelle vous aviez patiemment construite à jeun…

Nous sommes tous abreuvés de messages de prévention liés aux effets négatifs de l’alcool : troubles de la mémoire, troubles de la concentration, etc. Nous savons que conduire bourré, c’est mal, et on se doute qu’entre boire et jouer au poker, aussi, il faut choisir.

Aussi je ne m’attarderai que sur trois effets de l’alcool.
Le premier est l’augmentation du temps de réponse. A seulement 0,5g/L (deux verres standards), le temps de réponse augmente d’environ 50%. Si vous faites un clic par seconde en multitablant à jeun, un même clic vous demandera 1,5 seconde après seulement deux bières ! Il semble donc primordial de diminuer votre nombre de tables dès les premières gorgées.
L’alcool entraîne également une surestimation de ses capacités. Cette illusion de compétence est intéressante car elle peut avoir des effets négatifs comme positifs. Poussé à son extrême, cet effet peut vous donner envie de jouer une limite trop haute pour vous, alors que vous n’êtes même pas en mesure de jouer votre A-game. Mais un verre ou deux peuvent aussi changer un amateur en tueur, tout comme ils peuvent transformer un timide en véritable Don Juan.
Enfin, l’alcool est aussi propice à l’effet porte-bonheur que j’ai déjà mentionné à maintes reprises dans les articles précédents. Si vous avez pour habitude de vous servir un bon verre en rentrant du boulot pour vous détendre et vous mettre en condition avant de jouer au poker, il peut être conseillé de la conserver.

En conclusion, il existe une alcoolémie à partir de laquelle les effets négatifs dépassent les effets positifs de l’alcool sur votre jeu. Elle dépend de chaque personne, et vous aurez tendance à la surestimer. Fixez-la à l’avance (ex : pas plus de deux verres), et si un soir vous ne pouvez pas vous empêcher de ne pas la respecter, forcez-vous à diminuer le nombre de tables et la limite.
NB : l'alcoolémie sera prise en compte dans la notation de la forme de l'algorithme proposé plus bas.

Café, Red Bull et cocaïne

Il n’y a aucune raison qu’il n’existe pas de produits augmentant nos capacités au poker. La caféine et la taurine sont deux candidates crédibles à ce poste de produit dopant. Cependant les effets précis de l’absorption de ces substances sont encore méconnus et les études, parfois partisanes, se contredisent souvent. Tant que l’on n’aura pas fait une étude analysant les résultats sur le long terme de 3 groupes conséquents de joueurs, le premier ne prenant rien, le deuxième prenant du café / du red bull et le troisième croyant boire du café / du red bull mais prenant en réalité un placebo, on ne pourra pas confirmer - ou infirmer - que ces substances ont un bénéfice réel sur le jeu.

Cependant, le fameux effet porte-bonheur a comme toujours son rôle à jouer : les buveurs de café se sentent plus éveillés dès les premières lampées… alors que la caféine met plus de cinq minutes à monter au cerveau. Red Bull est une des marques investissant le plus en publicité (directe ou indirecte) : 30% de son chiffre d’affaires. Chaque année, 1.5 milliard d’euros sont dépensés pour que nous pensions que Red Bull « donne des ailes » et « vivifie le corps et l’esprit ». On peut d’ailleurs se dire que si l’effet des substances était réellement à ce point bénéfique, il n’y aurait pas lieu de dépenser tout cet argent pour nous le faire croire. Mais force est de constater que cette stratégie marketing fonctionne.
Ainsi, même si la caféine et la taurine n’avaient aucun impact positif réel sur notre capacité à jouer, le fait que nous le croyons est suffisant.

Il en va de même pour la cocaïne, qui, d'après le cliché, est la substance illégale la plus prisée (attention, jeu de mot facile) par les joueurs. Rappelons qu’en plus de son illégalité, de sa dangerosité et de son addictivité, la cocaïne entraîne une illusion de compétence encore plus grande que l’alcool.

Sommeil et poker

16h sans sommeil équivalent à une alcoolémie de 0,5g/L ; 24h à 1g/L.
Bien dormir a donc son importance, et les études montrent que les français souffrent de plus en plus de troubles du sommeil. Mais nous ne sommes pas égaux face au besoin de dormir, non seulement en ce qui concerne la durée du sommeil, mais aussi de l’heure optimale d’endormissement. Il a par exemple été constaté que les gens avec un QI élevé ont tendance à s’endormir plus tard que les autres. A chacun de trouver son rythme de sommeil en fonction de ses contraintes.
Précisons que rien ne prouve que l’espèce humaine soit faite pour dormir plusieurs heures d’un trait chaque nycthémère. (Non, ce n’est pas une insulte destinée aux enfants de couple lesbien, mais le nom approprié pour désigner 24h consécutives) Le sommeil polyphasique, consistant à dormir en plusieurs fois, adopté par de nombreuses espèces animales et probablement par l’homme avant l’ère moderne, peut être le mode de repos le plus adapté à une vie sans contrainte horaire fixe comme celle de joueur de poker pro.

« The Tetris effect » est un effet que connaissent tous ceux qui ont déjà passé des heures devant Tetris, mais aussi tous les joueurs de poker : on ferme les yeux et l’on voit une partie se dérouler, malgré nous. Dans des situations extrêmes, cet effet peut même se produire les yeux ouverts. Essayer de s’endormir dans ces cas-là est presque toujours vain, il est nécessaire de se détendre au préalable. C’est pourquoi, après une session tardive, passer 1/4h à bouquiner ou à prendre une douche peut permettre un endormissement au final plus rapide que de se mettre au lit tout de go.

Alimentation et pratique sportive

Une bonne alimentation et une pratique régulière du sport contribuent à être en forme. Personnellement, j’adore la viande rouge et les seuls sports que je pratique sont le jeu d’échecs (si, si, c’est reconnu comme sport) et, toujours trop rarement, celui en chambre. Aussi, je ne suis pas certain de pouvoir être de bons conseils. Je me permets donc de vous rediriger vers ce pdf santé sport et jeu d’échecs, rédigé par le médecin de la fédération française des échecs. Vous y trouverez, entre autres, un régime censé être adapté aux activités intellectuelles.

Conclusion 

C’est dimanche, vous vous levez après une bonne grasse matinée et vous vous sentez en pleine forme. « Cool, l’occasion parfaite pour jouer au poker ».
Au bout d’une demi-heure de jeu, le constat est alarmant : vous jouez horriblement mal, bien en deçà de votre A-game.
Vous avez en fait commis une erreur typique : quand on pense à un facteur en particulier, on a tendance à oublier tous les autres. En l’occurrence, vous n’avez pas pris en compte que vous n’étiez pas du tout concentré (la tête encore au boulot ou à votre nouvelle copine ; le fils du voisin qui s’essaye à la batterie) et/ou pas du motivé (encore sous l’impact d’une grosse session perdante ; le plaisir de jouer n’est plus là).

Pour éviter de donner trop d’importance à un facteur et/ou en négliger d’autres, le plus efficace est de recourir à des algorithmes simples, définis à l’avance. A propos d’efficacité de ces algorithmes, j’aime donner cet exemple : quand il s’agit de classer des couples en fonction de la durée de vie commune qu’il leur reste, il existe un algorithme simple qui fait mieux que les thérapeutes de couples qui connaissent pourtant tout de leur vie : classer les couples selon le quotient  (nombre de rapports sexuels durant t)/(nombre d’engueulades durant t)

Nous avons vu tout au long de cette série que motivation, concentration et forme sont nécessaires pour jouer son A-game.
Voici un algorithme que vous pourriez utiliser avant de jouer ou pendant que vous jouez pour savoir quand vous arrêter :

Attribuez à votre motivation, à votre concentration et à votre forme une note sur 5.
Additionnez ces notes.
Si le total est en dessous d’un certain nombre fixé à l’avance par vous (par exemple 11/15) alors ne jouez pas ou arrêtez de jouer le cas échéant.

La note minimum dépend bien sûr de là où vous situez votre A-game. Si vous êtes très perfectionniste et ne voulez jouer que lorsque vous êtes au top du top ou presque, vous pouvez très bien la fixer à 13/15.
Bien sûr, cet algorithme peut être améliorable, chacun pourrait, selon sa personnalité, pondérer les trois facteurs qu’il prend en compte ou en rajouter d’autres. Mais il a le mérite d’être très facilement utilisable. Et je pense qu’il sera bien plus efficace que se poser bêtement la question « devrais-je jouer ? ».

J’espère que cette série d'articles vous aura été utile pour ne plus seulement être un bon joueur, mais pour également bien jouer au poker !

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