Non fongibilité de l'argent et poker

11 février 2015
petiteglise
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Pourquoi un billet de 50€ ce n’est pas comme cinq billets de 10, pourquoi on a tendance à dépenser plus quand on paie en CB qu’en liquide et c’est quoi la fongibilité ?!

L’argent n’est pas fongible

Est fongible ce qui peut être remplacé par quelque chose du même genre. Par exemple, le riz, les pâtes ou encore l’huile sont fongibles : peu importe que vous ayez tel grain de riz en particulier, il pourrait être remplacé par une autre grain de riz, ça serait pareil. A l’inverse, un tableau de Maître n’est pas fongible : il existe des dizaines de milliers de copies “identiques” de La Joconde, mais elle est irremplaçable. (Bonne poker face, soit dit au passage)

Rationnellement, l’argent devrait être fongible : 20€, ça reste 20€, qu’ils soient sur votre bankroll, sur votre compte bancaire, dans votre portefeuille en un billet de 20, deux de 10 ou en pièces. Mais l’on est pas rationnel. Et la forme de l’argent influe sur sa valeur perçue et donc sur notre manière de le dépenser.

Vous l’avez sûrement déjà remarqué, on dépense plus et plus facilement avec la CB qu’avec du cash. Comme si le fait de pouvoir toucher l’argent, de l’avoir entre les mains lui donnait plus de valeur, on est plus réticent à dépenser ses billets. En revanche, l’inverse se produit avec la dématérialisation de l’argent via la CB. D’une certaine manière, l’argent coûte moins cher payé en carte qu’en liquide.

Les jetons de casino se situent dans un entre deux. Même si leur valeur est indiquée dessus et qu’on peut les échanger instantanément contre du cash, on spew plus facilement des jetons que des pièces ou des billets équivalents. Ainsi, on donne plus facilement un jeton de 10€ en pourboire qu’on ne donnerait un billet de 10.

Revenons à nos billets :
Pierre et Paul ont chacun 50€ en cash. Pierre a un billet de 50, Paul cinq billets de 10. A votre avis :
Qui fera un achat en premier ?
Lequel des deux dépensera le plus lors de son premier achat ?

Si Pierre et Paul sont comme la plupart des gens, alors les études prédisent que Paul dépensera de l’argent en premier mais que Pierre fera un plus gros premier achat. Typiquement, Paul verra une chose à 10€, se dira “ça tombe bien, j’ai plein de billets de 10, un de plus un de moins, pas de différence” et paiera. Pierra voudra lui conserver son billet plus longtemps, mais quand il le cassera, ça sera pour de bon.

Cet effet a une application directe au poker live : un joueur qui a plein de jetons de blinds rentrera plus facilement dans le coup. Inversement, un joueur qui a un “énorme-jeton-je-suis-le-seul-à-la-table-à-en-avoir-un” voudra le garder le plus longtemps possible et s’il doit le mettre, “perdu pour perdu”, il préférera que ça soit pour cher.
En résumé, on ne joue pas pareil si l’on a 100€ en 10 jetons ou 100€ en 50 jetons.

Payer fait mal, mais parfois ça fait du bien d’avoir mal

En plein procès Carlton, le jour de la sortie de 50 shades of Grey, c’est une phrase en phase avec l’actu, mais aussi avec notre sujet...

Les différences de comportements selon la forme de l’argent vues plus haut s’expliquent par le concept de “douleur de payer” : en plus du coût financier, rationnel, s’ajoute une douleur psychologique. Il est important de savoir quand il vaut mieux augmenter, respectivement diminuer, cette douleur. Par exemple, si vous invitez votre copine au resto, vous n’avez sans doute pas envie de faire la gueule au moment de payer, privilégiez donc la CB. A l’inverse, si vous avez une tendance à spew en soirée, venez juste avec du cash.

Online, l’auto-rebuy est psychologiquement intéressant : c’est l’équivalent du prélèvement automatique, le moyen de paiement le moins douloureux. Les avantages sont évidents : on est tout le temps cavé max, sans clic inutile et sans se prendre la tête. Mais ce n’est pas sans danger : on se rend moins compte de ce que l’on perd lors des mauvaises sessions et on n’a plus ce moment, de douleur certes, mais aussi de réflexion souvent salutaire de “je recave ou ptet que c’est le moment d’arrêter ?”