Le biais rétrospectif au poker

Le biais rétrospectif au poker

“Put.., je le savais, c’était sûr !” Qui n’a jamais entendu cette phrase, que ça soit à propos d’une couleur qui tombe, d’un adversaire qui a les nuts, ou d’un call qui s’avère mauvais ? Découvrez le biais rétrospectif et ses implications au poker.

Le biais rétrospectif

Le biais rétrospectif désigne l’effet “je le savais !”, cette tendance à surestimer la prévisibilité d’un événement hasardeux une fois celui-ci apparu. Vous hésitez à prendre votre parapluie, décidez de le laisser à la maison, une fois dehors il se met à pleuvoir… et vous vous insultez “je suis trop c.., je le savais qu’il allait pleuvoir”. Vous pariez sur une victoire de Djoko a Wimbledon, il gagne, vous vous exclamez “easy money, c’était écrit”. Non vous ne saviez pas qu’il pleuvrait, sinon vous auriez pris votre parapluie, et non la victoire de Djoko n’était pas certaine et si vous avez parié sur un site .fr, le rake fait que votre pari était sûrement Ev-...

Ce biais se trouve aussi bien dans la vie de tous les jours qu’au poker, mais c’est peut-être dans le sport qu’il est le plus courant. De fait, tous les journalistes et chroniqueurs sportifs en sont victimes à chaque fois qu’ils commentent le résultat d’un match terminé comme s’il était inévitable, écrit à l’avance. Par exemple, avant la coupe du monde de foot 2014, la plupart des pronostiqueurs donnaient le Brésil favori devant l’Argentine et l’Allemagne en 3ème. Et puis l’Allemagne a vécu le massacre 7-1 contre le Brésil et ensuite le sacre contre l’Argentine. Et tous les commentateurs se sont pris au jeu du “on le savait”,”Ca fait longtemps que le Brésil n’est plus le pays du foot”, “Pression de jouer à domicile”, “Evidemment, à la fin c’est l’Allemagne qui gagne”...

Ces prétendus experts ont en fait le comportement de fishs result-oriented…

Le biais rétrospectif est dû à au moins deux facteurs : l’ego (ça fait du bien de croire qu’on est suffisamment intelligent pour prévoir un évènement) et le besoin de contrôle (le fait de vivre dans un monde régit par le hasard fait peur et on veut croire que tout est prévisible)

Connaître l’issue d’une expérience modifie notre perception des probabilités initiales. En outre, il est très dur de faire fi du résultat et se remémorer ou retrouver les probabilités a priori. Par exemple, si je vous dis de ne pas prendre en compte le résultat 7-1 de la demi finale Allemagne Brésil et vous demande si, le jour du match, un pari 1,5 contre 1 sur le Brésil était un bon pari, je suis pas sûr que tout le monde acquiesce. Pourtant, la cote était de 1 contre 1 sur à peu près tous les sites en ligne, donc tout le monde devrait prendre un pari à 1,5 contre 1. Seulement a posteriori, il est très dur de ne pas considérer l’Allemagne comme archi favorite.

Le biais rétrospectif au poker

Les joueurs de poker ne sont pas exempts de ce biais, loin s’en faut. Le cas le plus primaire est le débutant qui call un tirage sans la cote, le touche et s’exclame qu’il “savait que ça allait tomber”. Ceux qui ont déjà essayé de faire preuve de pédagogie face à une telle situation savent qu’il est dur, parfois vain, d’expliquer que le call était mauvais. “Non mais je savais que j’allais gagner et j’ai gagné, me dis pas que c’était mauvais”

Mais il y a pire peut-être que d’effectuer un mauvais move et croire qu’il est bon car on gagne, c’est d’effectuer un bon move et croire qu’il est mauvais car on perd. Imaginez que vous fassiez un bon value bet river avec de bonnes chances de vous faire payer par moins bien, mais il se trouve que vilain a les nuts et raise all-in. Pendant que vous prenez sur vous pour trouver la discipline de fold, vous pouvez avoir du mal à vous empêcher de penser “Put… mais c’était sûr, j’aurais pas dû bet”. Et bien si vous avez eu raison de bet, s’il avait les nuts, c’était “par hasard”, ça aurait pu être autrement.

Le biais de rétrospection peut donc être un frein à la progression, soit qu’on ne reconnaît pas nos mauvais moves, soit que,à l’inverse, on en voit là où il n’y en a pas. Les erreurs du premiers type “je savais que telle carte allait tomber” demandent pour être corrigées une meilleure compréhension du hasard et des probabilités. Normalement les joueurs s’en débarrassent en accumulant de l’expérience. Les erreurs du deuxième type “j’aurais pas du faire ça car il avait telle main” sont plus pernicieuses mais je crois qu’elles se corrigent bien quand a intégré le concept de range et qu'on a un plan de jeu à chaque coup. Ainsi quelqu’un qui value bet en se disant “y’a de grandes chances qu’il call avec moins bien, mais s’il raise c’est qu’il a mieux donc je fold” perçoit le raise adverse à juste titre comme une éventualité parmi d’autres et sera moins sujet au bien rétrospectif le cas échéant.

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