- 22 juin 2016
- petiteglise
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Tous les joueurs de poker ont rêvé, au moins une fois, y gagner des millions. Mais devenir millionnaire du jour au lendemain est-il réellement Ev+ en terme de bonheur ?
Les malheureux gagnants du loto
La courbe de bonheur des gros gagnants des loteries ressemble à un V inversé : après un pic lié à l’euphorie au moment de la victoire, ils retrouvent habituellement leur niveau de bonheur initial, voire deviennent plus malheureux qu’avant leur gain. La FDJ organise même des réunions, type Alcooliques Anonymes, où les gros gagnants peuvent parler de leurs problèmes (véridique !)
Ce fait, étayé par plusieurs études dans de nombreux pays, provoque souvent la même réaction chez ceux qui le découvrent : on veut bien le croire, mais en se disant que si ces gagnants n’arrivent pas à profiter de leur richesse, c’est qu’ils sont stupides, alors que si nous, on gagnait au loto, on arriverait à être très heureux. Seulement tout le monde pense que ça ne s’applique pas à soi…
Comprendre ce qui fait le bonheur
Chaque individu dispose d’un “niveau de bonheur de référence”, auquel il finit par revenir. Vous recevez votre augmentation tant attendue ? Après quelques semaines ou mois, vous ne serez pas plus heureux qu’avant. Votre aimé(e) vous quitte ? Après quelques semaines ou mois, vous ne serez pas plus malheureux qu’avant.
Le bonheur est un sujet à la mode, étudié dans le cadre de la psychologie dite positive, et aussi la sociologie ou encore la neurologie.
Les scientifiques ont conclu que notre bonheur dépend à 50% de facteurs génétiques (certains naissent avec une plus grande disposition au bonheur que d’autres). A 10% seulement des facteurs contextuels, incluant la santé, la richesse, la météo, etc. Les 40% restant dépendent de notre perception : se faire un resto à 50€ est a priori agréable, mais le même resto peut être perçu comme savoureux ou dégueulasse par différentes personnes. Gagner 100€ au poker est a priori agréable, mais un débutant peut sauter de joie alors qu’un nosebleed ne sourira même pas.
Si l’ensemble des facteurs extérieurs, qui inclue la santé de soi et de ses proches, le succès professionnel, l’amour et tous les autres, ne compte que pour 10% du bonheur d’une personne, le fait de gagner subitement des millions ne peut avoir qu’une influence très limitée sur le bonheur à long terme.
L’habituation
Le bonheur procuré par un gain au poker ne dépend pas de la valeur absolue de ce gain, mais du pourcentage de la bankroll qu’il représente. Ainsi, quand on demande à Alexandre Luneau s’il rêve de gagner le ME des WSOP, il répond en substance “je serai content mais sans plus, ça ne changerait pas ma vie quotidienne”.
En gros, quand un reg de NL 50 qui a 1000€ de bankroll gagne 50€, il est aussi content qu’un reg de NL 200 à 4000€ de bankroll qui gagne 200€.
Les meilleurs joueurs du monde millionnaires ont donc besoin de gains à 6 ou 7 chiffres pour vraiment vibrer. Et encore, on peut se rappeler à quel point Dan Colman était blasé après avoir remporté plus de 15 millions de dollars…
La mauvaise gestion des gains
L’habituation aux gains énormes n’est connue que par les meilleurs joueurs du monde. Ceux qui ont eu la chance de remporter un énorme gain sans en avoir le niveau finissent parfois broke. Il y a eu des rumeurs persistantes à propos de Jamie Gold, qui aurait perdu l’intégralité ou à tout le moins une grosse partie de ses +12 millions, gagnés en une fois au ME des WSOP 2006. Sur Sharkscope, on trouve pas mal de courbes similaires à celle ci-contre… Pour ceux qui voudraient investir hors poker, sachez que de nombreux gagnants du loto se sont retrouvés ruinés, voir endettés, après avoir joué en bourse ou lancé leur entreprise… En attendant, vous pouvez commencer par lire Où placer ses gains au poker.
Si vous devez gagner 1 million € au poker ces 10 prochaines années, mieux vaut sans doute remporter 100k par an pendant 10 ans, ou même mieux, commencer à 50k/an et finir à 200k/an, que de gagner 1 million en une fois.
Le don, une perte d’argent Ev+ ?
Énormément de gagnants du loto choisissent de reverser une partie de leurs gains à des oeuvres de charité. Certains se sont même fait remarquer pour avoir redonner l’intégralité de la somme gagnée : en 2013 un Canadien a reversé ses 40 millions de $ de gains à la lutte contre le cancer (sa femme en était morte), en 2014 une Irlandaise a reversé ses 34 millions € à la lutte contre la pauvreté, en 2014 toujours un Français qui avait empoché 72 millions € en a redonné “seulement” 50 millions.
Au poker, Barry Greenstein, 3 bracelets WSOP, a gagné son surnom de “Robin Hood of Poker” en reversant l’intégralité de ses gains en tournois à des associations caritatives (il ne vit donc que du CG). Philipp Gruissem, jeune allemand à quelques 10 millions de gain live, reverse 10% de ses gains à des oeuvres.